Chapitre 7

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- Tout ça c'est ta faute. Je savais qu'on aurait dû faire quelque chose.

J'aimerais pouvoir répondre à Luz que je n'y suis pour rien, que tout est à cause de Zoelie. Mon cœur se serre en pensant à elle. Colère ou tristesse ? Je n'en sais rien. La vérité, c'est que tandis qu'on marche dans ce sombre couloir, je ne ressens qu'une immense culpabilité. Par rapport à Luz, par rapport à Alex que j'ai dû laisser seul avec les enfants et à Ange qui avance doucement derrière nous, que je ne peux pas protéger de la situation. Je me sens tellement inutile, j'ai l'impression de me laisser porter par les évènements comme un vulgaire sac à patate qu'on trimbalerait d'épaules à épaules.
Alors je m'enfonce toujours plus dans ce couloir, le dos vouté et le regard rivé sur le sol. Ange retient ses sanglots et Luz rumine sa colère. La peur me noue les entrailles. Où qu'on aille, ça ne présage rien de bon. Ils nous ont choisi pour nous punir...
Je me tourne vers le soldat qui me maintient les mains derrière le dos en évitant soigneusement le regard de la jeune fille.

- Qu'est-ce qui se passe, encore ? soufflai-je. Où nous emmenez-vous...

Nos yeux se croisent un moment, il les a incroyablement bleus. Le garde ne répond pas et me pousse doucement à avancer, comme si c'était trop dur de me regarder.
La culpabilité.
Je ne suis pas la seule. Je pense soudain que les soldats ne sont pour rien dans ce qu'il nous arrive. D'une certaine manière, ils sont autant les victimes de cette société que nous, forcé à faire régner la terreur et l'ordre car ils n'ont pas été assez bons pour les autres postes. Personne ne veut être gardes. Et s'ils pouvaient être sensibles, avoir des sentiments, comme nous ?
Je préfère ne pas y penser. C'est plus simple de les tenir pour coupables, d'avoir des gens à haïr pour oublier qu'au fond, c'est le monde qu'on déteste.

Je ravale un sanglot et avance.

***

Je suis assise par terre, les bras repliés autours de mes jambes. Je me balance doucement, comme pour me rassurer. Je repense à Amy, je repense à la mort.
On attend.

- Pourquoi ? demandai-je au garde aux yeux bleus d'une voix brisée.

Il ne soutient toujours pas mon regard. Je voudrais qu'il le fasse. Le soldat garde le silence un moment. Il est grand et a des cheveux blonds presque blanc qui pendent tristement. Je pense qu'il est plutôt jeune, mais ses yeux paraissent comme vidés par les années.

- Ils doivent vous rejoindre si vous réussissez, fini il par dire à voix basse. Nous ne devions garder que les plus forts...

Réussir quoi ? Je ne pose même pas la question. Je n'ai pas envie d'entendre une réponse vague et approximative. Je sais qu'il n'osera pas me le dire.
Alors j'attends.

La pièce est grande et bien éclairée. Dans chaque recoin se trouvent plastrons et armes blanches, cela doit être ici que les soldats s'arment. Je comprends maintenant pourquoi le cinquième étage est interdit : Il cache une bonne vingtaine de salles. L'endroit que je rêvais d'explorer étant plus jeune est désormais celui que je voudrais fuir. Fuir où ? Je ne sais pas. Les choix sont limités à Subterra.
Ange, Luz et moi ne parlons pas. Il n'y a rien à dire, et chacun est plongé dans de moroses pensées.

Soudain, je l'aperçois, avec sa tresse brune. Elle entre dans la salle à ses côtés.
Zoelie et Cassius. Les voir ensemble me répugne profondément. Ils parlent tranquillement, discutant surement de quelle manière ils nous achèveront. Et je m'en fiche. Je m'en fiche, car cette fille n'est pas celle qui était mon amie. C'est une étrangère que je regarde froidement dans les yeux, une étrangère qui me tend ce poignard. Une étrangère que j'aimerais étrangler.
Je me demande ce qu'il m'arrive. Ça ne peut pas être moi qui pense ainsi...

J'attrape le poignard. Luz hérite d'une hache et Ange d'une arbalète. J'aimerais lui enlever, il est trop jeune pour ça. Seulement, je sais que si nous sommes armés ce n'est pas pour rien, on va devoir se battre.

Je me lève en rangeant mon poignard. Je me retrouve face à Cassius, qui me domine de toute sa hauteur.

- Bonne chance, lâche-t-il gravement.

Je ne lui réponds pas. Il ne le mérite pas. Surtout, il ne mérite pas de me voir pleurer. Je retiens mes larmes. Je me sens lourde, comme si mes poumons s'écrasaient dans ma cage thoracique.

Une fois armé, on repart.

Sac à patates.

Cassius et Zoelie nous suivent. Ils discutent à voix basse. Perdue dans mes pensées, je ne regarde pas où nous allons. Nous ne marchons pas longtemps.

- Luz, j'appelle doucement.

Je fixe ses cheveux roux devant moi.

- Oui, dit-elle au bout d'un moment sans se retourner.

- Je suis désolée.

Elle souffle pour la forme. Elle n'a plus l'air en colère. Je lâche un petit sourire, à défaut d'être sincère ça allège l'atmosphère.

On entre dans la salle de réception. J'observe les dégâts : des débris de pierres et de briques partout et des traces noires sur le sol, souvenir de l'explosion. J'ai l'impression de revoir le chaos qui régnait ici durant la Réminiscence, les cris assourdis par mes oreilles bouchées et mes parents qui semblaient m'attendre juste là.

Juste devant la lumière...

Je comprends maintenant.

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NOTES :

Salut !
Je ne sais pas si vous saviez, mais les chapitres précédents était des réécritures de mes anciens chapitres que je trouvais franchement nuls. Maintenant, ce sont presque des premiers jets, il est donc normal s'ils sont un peu moins bien. Même si je suis plutôt fière de celui-ci.

N'hésite pas à voter et commentez tes impressions au fil de ta lecture, car cette œuvre est celle sur laquelle je travaille le plus et je n'ai presque aucun retour...
Je tiens quand même à remercier mes trois fidèles lectrices qui se reconnaitront, merci à vous, vous êtes les meilleures !

Moony <3

𝐋𝐚 𝐒𝐮𝐫𝐟𝐚𝐜𝐞Where stories live. Discover now