Chapitre 19

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Comment les jours peuvent-ils passer si vite pendant les vacances scolaires et paraitre des semaines quand on est enfermé dans une prison miteuse de la Surface, avec deux garçons en pleine puberté qui ont l'air de ne pas s'être douché depuis que l'humanité est descendue sous terre ? 
Certaines questions resteront probablement à jamais sans réponse. 

J'observe Calixte et Alex s'affronter à un duel de "pierre, feuille, ciseaux"  pour la énième fois depuis ce matin. Calixte déploie sa main à plat et Alex soupire, comme s'il s'était résigné à perdre toutes les parties. 

J'ai beaucoup réfléchi, la tête entre mes genoux. D'ici, je peux apercevoir Luz et le reste des Moustiques, affalés sur le sol de leur cellule. 
Au final, il s'avère que je ne connais pas vraiment mes compagnons.  Nous venons tous d'étages différents, plus ou moins aisés. Notre seul point commun est nos parents : ils ont tous disparu pendant l'explosion de la Réminiscence et sont détenus ici, à la Surface.

Calixte vient s'assoir à mes côtés, visiblement lassé de son petit jeu tandis qu'Alex entreprend de graver son nom sur le mur à l'aide d'un bâton. 

Le garçon se racle la gorge.

— Elle va bien, Luz ? 

Je me tourne vers Calixte. Ses mèches brun clair tombent sur son front et ses yeux noisette sont encadrés par d'épais sourcils. Sa peau, encore plus pâle que la norme pour les citoyens de Subterra, semble presque resplendir dans le noir. Il doit avoir treize ans, peut-être quatorze.

Je chuchote : 

— Elle n'est pas facile à comprendre. Je crois qu'elle n'a pas eu une vie très simple.

C'était la conclusion à laquelle j'étais arrivée pendant mes longues heures de silence. 
J'avais toujours envié les habitants des étages supérieurs, sans cesse privilégiés par le gouvernement. Pourtant, Ange, ce petit garçon à la peau sombre, y a vécu seul durant des années, tandis que j'ai toujours été accompagnée par ma famille et mes amis. 
Et voilà que Luz m'apprend, les larmes aux yeux, que sa mère est morte. Mais qu'elle est ici : postée devant notre porte.

Calixte acquiesce lentement.

— Luz paraît toujours en colère pour on ne sait quelle raison. 

Je hoche lentement la tête, le regard au loin.

— Mais je ne crois pas que ce soit de la méchanceté, continue-t-il d'une voix douce. Je la voyais souvent, à l'école du troisième étage. Quand on était petit, c'était une fillette joyeuse. Et puis, elle s'est renfermée sur elle-même du jour au lendemain.

Je me tourne vers lui, comme réveillée de ma torpeur. Calixte a le béguin pour Luz, cela crève les yeux. Mais maintenant, je sais qu'il essaye réellement de comprendre mon amie, même si elle-même fait tout pour que personne n'y arrive.

Alex s'assoit lourdement à mes côtés, mettant fin à la conversation. On reste un instant en silence.

— Et vous, murmuré-je, c'est quoi vos histoires ?

Les garçons se tournent vers moi, comme surpris par cette question soudaine. Chacun de nous porte des cicatrices invisibles, des fardeaux trop lourds pour notre âge. On a besoin de se connaître pour avancer. 

Alex plonge son regard bleu sombre dans le mien. 

— Toi d'abord, Iris. On ne te connait presque pas.

Je réfléchis quelques secondes. Qu'est-ce que je pourrais leur raconter sur moi ? 
Lentement, je me remémore mon enfance au quatrième étage. Sybil, Zoélie, Tristan... Les paroles se déversent sans même que je n'ai le temps d'y penser, passant par le surnom que me donnait ma mère à ma rencontre avec Luz.

— Voilà, conclué-je mon histoire au bout de quelques minutes. Vous savez maintenant tout sur Iris Shatner. A vous. 

Calixte raconte sa vie de fils unique au troisième étage. À Subterra, les parents ont rarement plus d'un ou deux enfants. Non pas qu'une règle ne l'interdise, simplement, les citoyens ont vite compris qu'il devrait retenir leur ardeur pour tenir dans leur petites galeries.
Quand Calixte a fini, il se tourne vers Alex.

Le grand blond reste en silence quelques instants, hésitant. Il pince les lèvres avant de se décider à parler.

— Vinciane me disait toujours que j'étais un idiot fini, commence-t-il lentement, le regard dans le vide. 

— Qui est Vinciane ? le coupe Calixte. 

Je lui donne un coup dans les côtes, sentant qu'on ne devrait pas l'interrompre.
Alex soupire : 

— Une amie. Ou plus, je ne sais pas trop.

Alex reste en silence quelques secondes, comme perdu dans ses souvenirs. 
Soudain, il sort une petite amulette aux détails dorés de sa poche. Il l'ouvre délicatement, découvrant la photo d'une jeune fille d'environ 15 ans.

— Elle est belle, continu le garçon en caressant l'image du bout de son pouce. J'ai toujours imaginé que le soleil serait, comme ses cheveux, d'un blond lumineux. Je me demande ce que Vinciane penserait si elle savait où je me trouve aujourd'hui. Elle aurait sûrement rigolé, en disant que j'avais vraiment un don pour me mettre dans les embrouilles. Elle n'aurait pas entièrement tort.

J'observe la photo quelques instants. Vinciane avait des yeux bleus et un nez délicat. Alex ne quitte pas des yeux la photo tandis qu'il continue à parler, doucement mais sûrement, et je ressens une espèce de pincement au cœur. Je n'avais pas pensé qu'une fille pourrait l'attendre à Subterra. Non pas que cela ne m'importe, mais quand même. 

— Je l'ai rencontré quand j'avais dix ans, au marché du deuxième étage. Les gens sont riches là-bas, vous savez. Je ne voulais pas me déclarer comme "orphelin" au gouvernement. Je préférais me débrouiller par moi-même. Cela faisait un mois que je n'avais plus personne pour s'occuper de moi, alors je grappillais de la nourriture ci et là. Le père de Vinciane m'a repéré lorsque j'essayais de voler des patates sur son stand. La plupart des commerçants m'auraient dénoncé aux gardes, mais monsieur Mauduyt m'a laissé une chance. Mon histoire l'a ému, et il m'a pris sous son aile. 

Il s'arrête quelques secondes, comme s'il réfléchissait. 

— Je suis en quelque sorte devenu son apprenti et j'ai grandi au côté de Vinciane.  Monsieur Mauduyt n'aimait pas trop qu'elle fréquente "de la mauvaise graine comme moi" alors on évitait de se parler en public et attendait la nuit pour se voir. C'était ... magique.  Lors de la Réminiscence, les gardes se sont aperçus que je n'avais plus de parents et m'ont embarqué avec eux. Quand tout ça sera finit, j'irais chercher Vinciane et on vivra dans un petite maison en bois, perdue dans la forêt de la Surface.

Je tente de m'intéresser au propos d'Alex, mais un détail de son histoire m'intrigue, en dehors de cette arriviste de Vinciane.  La mère de Luz était apparemment morte, tout le monde croyait les parents d'Ange disparus à jamais et voici que ceux d'Alex l'ont laissé orphelin. Voilà la question qui me chiffonne : pourquoi le gouvernement ne s'est-il pas intéressé à tant de personnes supposément décédées ?
Cassius est trop intelligent pour "ne pas s'en être rendu compte".

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𝐋𝐚 𝐒𝐮𝐫𝐟𝐚𝐜𝐞Where stories live. Discover now