Chapitre 1 - Elisa

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Nous sommes déjà fin juin, l'air est à la fête, les vacances scolaires viennent de commencer. Les rues boisées du cinquième arrondissement de Marseille sont remplies de jeunes voulant profiter de leur première soirée de liberté. J'envie leur insouciance, n'ayant pas tellement eu l'occasion de pouvoir sortir comme eux sans avoir à penser au lendemain. J'ai passé toute mon adolescence dans divers foyers et familles d'accueil. J'aperçois de l'autre côté de la route une mère câlinant sa fille assise sur les marches d'un perron, ma gorge se serre immédiatement, un goût amer dans la bouche. Détournant le regard, je songe à la mienne, a-t-elle seulement agi une seule fois en tant que mère.

— Allez Elisa, ressaisis-toi, me chuchotais-je, arrête de regarder derrière toi ou tu vas sombrer !

J'accélère le pas, je dois retrouver Paul, responsable d'un Bar Before nommé le Corvette, que j'ai rencontré il y a presque un an. Ma meilleure et unique amie, Louise, m'y avait emmené pour mon dix-huitième anniversaire. Ce bar que j'adore est une sorte de boîte qui ferme quand les établissements spécialisés du monde de la nuit ouvrent. Paul ouvre tous les soirs jusqu'à minuit, les week-ends, il organise des soirées à thèmes tout comme aujourd'hui et ferme aux alentours de deux heures du matin. J'y allais régulièrement pour décompresser après ma journée de boulot. Un soir, il a réussi à me tirer les vers du nez, étant seule, à fleur de peau, j'ai vidé mon sac à ce parfait inconnu. La tristesse que j'ai pu lire dans ses yeux à ce moment précis m'a fait comprendre que cet homme d'environ cinquante ans, garagiste en journée et patron d'un bar le soir, cheveux courts grisonnants, allait laisser une trace indélébile dans ma vie.

Quelques jours après, je suis retournée au bar afin de m'excuser d'avoir craqué devant lui, j'ai trouvé l'établissement plein à craquer et c'est là que Paul m'a demandé de l'aide pour la première fois en échange d'une enveloppe.

— Elisa ! cria une voix masculine.

Je fais volte face et découvre justement Paul au volant de sa Chevrolet Corvette rouge de 1958. Je n'y connais rien, mais vu le nombre de fois qu'il m'a répété la marque de sa voiture, j'ai fini par retenir.

— Allez, monte !

— Purée Paul, tu m'as fait une peur bleue, l'assassinais-je en courant pour monter dans sa voiture, merci, mais tu sais, nous ne sommes plus très loin, je pouvais continuer à pied.

— Arrête tes conneries ! Hurler ton prénom comme ça en valait la peine vu la tête que tu as faite.

Il est pris d'un fou rire, tellement communicatif, qu'il m'est impossible de ne pas le suivre. J'affectionne cet homme, qui, en quelques mois, se conduit bien plus en parent que l'a fait ma propre mère toute ma vie.

La voiture tourne au coin de la rue où Paul se gare près de son bar. Le voilà, le Corvette. Il faut dire que comme la voiture, la devanture du bar ne passe pas inaperçue, d'un rouge métallique et de noir carbone, des vitres miroir afin de ne pas voir l'intérieur. Des phares ont été utilisés en guise de spots, l'enseigne du bar a été réalisé sur une véritable aile de voiture, qui trône au-dessus du sas de sécurité. Paul ouvre la porte et je découvre que tout est déjà prêt pour la soirée qui ne commence que dans deux heures. D'immenses draps blancs flottent sur le plafond, le bar qui se situe à droite de la pièce est couvert de boa blanc, faux chandelier ainsi que d'autres accessoires aux couleurs de la soirée. Les sièges et tables habituellement noir son habillé d'un manteau blanc de coton, même la table de mixage a été décorée pour l'occasion. Je le regarde, au bord de la fureur. Il sait que je déteste quand j'arrive et que je n'ai rien à faire.

Aux couleurs d'AmbreWhere stories live. Discover now