Chapitre 28

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Gabriel, Face à mon pire cauchemar.

Je lui ai dit "je t'aime" et j'ai eu droit à une esquisse de sourire en retour, qui, je dois l'avouer, ressemblait davantage à une grimace qu'autre chose.

Logan me fait la morale depuis tout à l'heure et il a raison. Il faut que j'arrête le massacre avant qu'il ne soit trop tard. Je souffre de la situation et malgré tout ce que Lyra a traversé, j'ai le droit d'avoir des réponses à mes questions. La plus importante étant : où en sommes-nous tous les deux ?

Je siffle d'un trait le verre de Logan pour me donner de la contenance.

– T'as raison mec.

– Bien entendu que j'ai raison Gab ! Alors ce soir tu vas me faire plaisir et lui dire ses quatre vérités avant de continuer quoi que ce soit avec elle.

Je ne l'écoute plus vraiment, préférant fixer la fille qui accapare toutes mes pensées des plus douces aux plus terribles.

Je finis par être interrompu dans ma contemplation malsaine lorsque le gorille de l'entrée interpelle Lyra. Il lui murmure quelques mots qui la plongent dans un étonnement non contenu. Elle finit par quitter son poste et s'aventure en direction de l'extérieur sans un regard dans ma direction.

– Je reviens, je balance à mon ami en empruntant le même chemin que ma belle.

Et en quelques minutes tout mon monde s'effondre. Littéralement.

Mon corps se met instinctivement en mode alerte. Mes larges cuisses tremblent et supportent difficilement mon poids. Mes poings se serrent le long de mon corps. Ma tête bourdonne. Tout mon être frémit devant la silhouette qui fait face à la barmaid.

– Surprise, lance Joey, un sourire éclatant aux lèvres.

La scène se déroule au ralenti. Mes rétines passent de Joey à Lyra et de Lyra à Joey dans un ballet incessant. Les secondes passent, s'écoulent, pourtant j'ai l'impression que le temps s'est arrêté et plus il s'égrène, plus j'ai l'impression d'entendre quelque chose se briser à l'intérieur de moi. Je ne fais rien pour arrêter ce qui est en train de se passer, je reste tétanisé devant la scène invraisemblable à laquelle j'assiste malgré moi.

– Salut Lyra.

– Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu fais là Joey ?

– Oui je sais, commence-t-il, c'est soudain !

– Joey, chuchote Lyra comme si elle avait du mal à en croire ses yeux.

– Si mes calculs sont bons, tu as dû recevoir ma dernière lettre récemment. J'ai tardé à l'envoyer car je voulais te surprendre ! J'espère que c'est réussi...

– Depuis quand... Tu...

– Aujourd'hui même, il ose un second sourire. Le temps de prendre un taxi et de faire la route jusqu'ici... Me voilà ! Il est tard je sais et au vu de mes antécédents, tu te doutes que je vais éviter au maximum ce genre d'endroit mais tu me manquais trop Lyra !

J'assimile difficilement tout ce que cette ordure est en train de débiter de sa voix nasillarde à Lyra. Tel un automate, j'avance de quelques pas en leur direction et j'explose.

– Quelle lettre ?

Je ne sais pas à qui je m'adresse mais mon intervention fait tourner deux têtes qui, en ce moment, m'horripilent au plus au point. Lyra fuit mon regard et baisse le visage vers le goudron du trottoir. Elle tremble. Pas de rage, pas comme je le fais actuellement et pourtant son corps est traversé par des milliers de spasmes.

– Je sais que j'ai fait des choses pas cool...

– Non connard, j'éructe, pas cool c'est quand tu oublies son anniversaire ou que tu lui poses un lapin alors qu'elle a passé deux heures à se préparer. Toi, t'as failli la tuer ce jour-là. Je l'ai retrouvé baignant dans son propre sang !

– Écoute mec, reprend-il calmement, je ne sais pas qui tu es mais c'est une conversation privée. Ça serait sympa que tu retournes à l'intérieur et que tu nous laisses un peu tranquille.

– Combien de lettres il t'a adressées ? Et à combien as tu répondu Lyra ?

– Je... commence-t-elle.

– Vous pouvez régler ça plus tard s'il vous plaît ? Ça fait bientôt sept mois que je n'ai pas vu ma copine et j'aimerai rattraper le temps perdu !

– Ta copine ?

– Oui mec, s'impatiente-t-il, son premier amour, chose que tu ne seras jamais...

– Ils t'ont fait un lavage de cerveau à l'hôpital ou quoi ? je fulmine en me rapprochant de lui dangereusement. T'es plus rien pour elle, mets-toi le dans le crâne !

– Lyra, ma puce, tu peux demander à ton ami de nous laisser cinq minutes ?

– Je suis son mec, abruti !

– Permets-moi d'en douter... Il n'y a que moi dans la vie de Lyra depuis qu'elle a 17 ans. Je ne sais pas ce qu'elle t'a dit mais tu as dû mal interpréter ses dires.

Mon corps se tend à son maximum alors que je me rapproche encore davantage de lui. Mon front à quelques centimètres du sien, je n'ai qu'une envie : le démolir.

– Je ne me battrais pas avec toi, ni aujourd'hui, ni jamais. Je suis un homme nouveau et je suis contre la violence.

Un rire presque démoniaque s'échappe de mes lèvres et alors que mon coude émet un basculement en arrière, deux mains gelées stoppent mon geste.

– Gabriel je t'en prie...

Sa supplique quasi religieuse me sort de ma torpeur et ses émeraudes rencontrent mes pupilles. Ce que j'y lis tord mon palpitant de douleur. Désolation. Tout n'est plus que désolation à l'intérieur de moi.

– J'espère juste que tu arriveras à t'en sortir cette fois aussi, je prononce résigné.

Cette foutue boule qui me suit depuis presque deux semaines explose enfin. Mes épaules s'affaissent, ma respiration se bloque et mes yeux me brûlent. C'est terminé.

Je bouscule Joey avant de prendre mes jambes à mon cou. J'entends Lyra m'appeler mais je ne me retourne pas. Tout est dit. J'ai perdu la fille et elle a emporté avec elle un bout de moi.

Je renifle bruyamment avant d'entamer une course folle contre moi-même. J'ai besoin d'air. Besoin de respirer. Besoin de m'évader. Besoin de courir et c'est ce que je fais.

 Besoin de courir et c'est ce que je fais

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De tout mon Cœur 💖Where stories live. Discover now