-"Papi est mort"

Un mois plus tôt

On va bientôt partir, je pense, on va rentrer à la maison, à Marseille, chez nous. Enfin où je vis quotidiennement, parce que si je devais choisir un chez moi ça serait ici, à Eguilles, chez mes grands-parents, ou plutôt à côté de chez mes grands grands-parents, parce qu'on a notre maison à nous dans le même domaine qu'eux et que tatie Rosie et tonton Renault avant, bref chez moi quoi. J'y vais depuis toujours, ce jardin énorme, ces arbres, ces fleurs, ces murs, ces chats, ces bruits et ces odeurs c'est une partie de moi, ma partie préférée... Et là en ce moment, je veux rester ici, pour de multiples raisons : d'abord c'est ce qui était prévu, ensuite je me sens mieux ici, je rêve et retrouve mon inspiration, je dors et mange normalement si ce n'est que trop, j'oublie le reste parce que j'ai besoin d'oublier, vraiment, la vie est tellement moins compliquée ici, ici tout est mieux, et puis mon ultime raison c'est mon grand père, je m'inquiète pour lui, beaucoup, beaucoup trop... Pourquoi ?? C'est simple, il est malade. De quoi?? J'en sais que trop rien, mes parents ne m'en parlent pas vraiment pour pas m'inquiéter je pense, mais c'est con parce que ça m'inquiète plus. Il était déjà fatigué avant genre mollasson, mais il y a six mois, il a avalé trop de médocs volontairement, perso je trouve que c'est une tentative de suicide mais mes parents ne veulent pas l'appeler comme ça, mais l'important, c'est qu'il a raté, il allait mieux après son séjour à l'hôpital, après il a continué à prendre ses médocs, son traitement, mais rien ne le faisait aller mieux, ce que j'en voyait moi, c'est qu'il n'avait plus d'appétit, qu'il dormait tout le temps, qu'il lui fallait faire des efforts extraordinaires pour marcher, qu'il n'était plus aussi joyeux, qu'il n'était pas joyeux tout court, qu'il faisait plus des blagues que personne comprenait. Il faisait semblant que ça allait un peu mieux, il n'en parlait pas moi non plus, je faisais comme si je ne voyais pas, et il croyait que je ne voyais pas, sauf que je voyais, je voyais très bien même, et je m'inquiétais. Ça faisait même quelques fois que je priais pour diverses raisons malgré le fait d'être non croyante, je ne priais pas pour que sa maladie s'arrête ça c'était impossible je le savais, j'ai prié pour qu'il tienne au moins jusqu'à ma rentrée, j'ai priée pour que Zoé le rencontre, j'ai prié pour qu'il puisse dire à nouveau que mon bulletin est excellent, j'ai prié pour que sa mort ne soit pas dramatique, j'ai prié pour le voir avant sa mort et lui dire au revoir, j'ai prié pour d'autres choses encore, beaucoup de choses même, tous les soirs. Et pourquoi j'ai prié ? Parce que je savais qu'il allait mourir bientôt, cette année j'en avais le pressentiment, je le savais du plus profond de moi. Je dois partir, je suis obligée, je cours et fait un dernier tour dans le jardin pour dire au revoir à tous mes endroits favoris, pour leur promettre de revenir. Dès que j'ai fini, ma mère me demande d'aller dire à papy et mamie qu'on part, j'y vais. Ils me suivent afin de dire au revoir, arrivés devant la porte, je sers mamie dans mes bras, lui dit à bientôt puis je vais voir papi pour faire la même chose. Tandis que je lui fais un câlin, il me dit d'une voix faible:

-au revoir ma petite fille, en me regardant dans les yeux

- au revoir papi, je lui réponds en le serrant plus fort.

Et c'est là, qu'il le dit, qu'il me le dit:

- espérons que ça va aller mieux maintenant.

Mais pourquoi maintenant ??????pourquoi seulement maintenant ????

-oui espérons de tout notre cœur

- il faut faire des efforts

- oui.

NON c'est faux, on ne doit pas faire des efforts nous, c'est lui qui doit tenir, pas nous, c'est lui dont il est question de vie ou de mort, pas nous !!!! Je suis au bord des larmes, je n'arrive plus a parler et dois ravaler des sanglots, une boule me bloque la gorge, elle se noue. Je le serre encore plus fort, je m'agrippe à lui.

- on doit partir, Isaure !

Papa casse tout, je lâche papy maladroitement, lui marmonne comme je peux un au revoir, lui fait un signe de ma main et part.