Epilogue

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SETHY


Mes semelles crissent sur le gravier tandis que je me dirige vers le hall d'entrée de l'immeuble. Un vent frais agite les quelques arbres qui entourent le parking et un chien aboie au loin. Assis dans la cage d'escaliers, un groupe de jeune écoute de la musique et s'égosille en reproduisant des pas de danse maladroits. Ils se figent en me voyant, m'adressent un sourire gêné puis attendent que je sois passé pour monter le son de la musique. Je n'ai pas la foi de leur parler du tag qui recouvre les portes de l'ascenseur. Pas ce soir.

Comme d'habitude, le couloir empeste le cannabis à cause du voisin d'à côté qui ne cesse de s'enfumer la gueule tous les soirs. Il faudra que j'aille lui rendre visite à lui aussi. Un jour. Quand j'aurai la force.

La fatigue s'abat soudainement sur mes épaules et, alors que ma main s'agrippe péniblement à la poignée de ma porte, j'ai la désagréable impression que mes membres pèsent une tonne. Une douce odeur de gâteau parvient à mes narines lorsque je pénètre dans l'appartement. Ce dernier est plongé dans la pénombre à l'exception d'une source de lumière provenant de la cuisine. Je retire mes chaussures d'un geste las puis me traîne vers cette dernière, soudainement revigoré par les éclats de voix que j'y entends.

Lorsque ma tête passe l'encadrure de la porte, je manque de m'étrangler tant la pièce est en bordel. Le plan de travail croule sous les récipients, de la farine tapisse les murs et des tâches rougeâtres s'étalent sur le sol. Au milieu de ce foutoir, Vic et Hazel sont assis de part et d'autre du comptoir en marbre et mangent d'énormes cookies colorés.

Ma fille finit par s'apercevoir de ma présence et m'adresse un immense sourire chocolaté.

— Papa ! Enfin t'es là ! Regarde, on a fait des cookies !

— Je vois ça, grimacé-je en tentant d'avancer sans écraser des coquilles d'œufs. Vous savez pas à quoi ressemble un balai ?

— Je pensais que tu rentrerais plus tard.

Je hausse un sourcil sarcastique en direction de Hazel qui vient de prendre la parole et l'observe avaler une gorgée de sa bière dans un petit rire. A mon tour, je me dirige vers le frigo pour prendre une bouteille, en profite pour claquer un baiser sur la joue de Vic, pique un cookie sur le comptoir puis viens poser mes lèvres au coin de celles de mon compagnon.

— Qu'est-ce que t'as fait à tes cheveux ? remarqué-je d'un ton sceptique en voyant le crâne de ma gamine recouvert d'une crème bleuâtre.

— Ah oui, c'est vrai ! se réjouit cette dernière. Haz m'a teint les cheveux ! Il m'a dit qu'il faisait tout le temps ça quand il était ado.

— Il t'a dit à quel point il avait une tête de con aussi ?

Le concerné me lance un coup de coude dans les côtes et je ricane en m'écartant de lui.

— Bon, rangez moi votre bordel avant que je vous utilise comme serpillière. Je sors fumer.

J'entends Vic et Hazel s'esclaffer tandis que je fais coulisser la porte du balcon pour sortir à l'extérieur. L'air frais m'arrache un frisson et je me laisse tomber sur les coussins échoués par terre en soupirant. Je suis fourbu. Ces dernières semaines au poste ont été particulièrement éprouvantes à cause d'une série de vols qui agite la région. Nous sommes quelques uns à être sur le coup, mais les journées sont longues et les nuits trop courtes. J'ai peu de temps pour moi et cela finit par me peser.

— Tu veux la petite sœur ?

Je relève la tête pour observer Hazel agiter une deuxième bouteille de bière sous mon nez. Sa remarque pleine de lourdeur m'arrache un sourire et je l'attrape par le poignet pour le faire s'asseoir à mes côtés. Sa tête se cale immédiatement sur mon épaule et il dépose un baiser dans le creux de mon cou.

Raz de maréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant