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     Ariana et Aghata murmurèrent quelques promesses en ce sens. Dès que Rebecca eut quitté la pièce, Aghata se tourna vers sa meilleure amie.

— Tu as choisi ta robe ?

— Celle en gaze verte, je pense. Je sais que je devrais être en blanc, mais j'ai bien peur que cela ne m'aille pas.

— Si tu ne portes pas de blanc, déclara Aghata avec loyauté, moi non plus. Je mettrai ma robe en mousseline brune.

     Ariana approuva d'un hochement de tête tout en reportant les yeux sur le journal.

— Pas plus tard que la semaine dernière, M. Ber-brooke disait que tu ressemblais à un ange en brun, parce que c'est parfaitement assorti à tes yeux.

     Aghata battit des paupières.

— M. Berbrooke a dit cela ? A toi ?

— Bien sûr, répondit Ariana en relevant la tête. Tous tes soupirants essayent de te faire passer leurs compliments par mon intermédiaire.

— Ah bon ? Pourquoi ?

Ariana sourit avec indulgence.

— Eh bien, cela a peut-être quelque chose à voir avec l'annonce que tu a faite publiquement  à la soirée musicale des Smythe-Smith, selon laquelle tu ne te marierais jamais sans l'approbation de ta meilleure amie.

     Aghata rougit légèrement.

— Je ne l'ai pas annoncé publiquement, marmonna-t-elle.

— C'est tout comme. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. Je n'étais pas dans la piece à moment-là, mais il n'a fallu que deux minutes pour qu'elle me parvienne.

     Croisant les bras, Aghata laissa échapper un « Mmm » qui la fille ressembler à sa « sœur » aînée.

— De toute manière, c'est la vérité, rétorqua-t-elle. Alors peu importe. Je sais que l'on attend de moi que je fase un grand mariage, mais je n'épouserai pas quelqu'un qui me traitera mal. Celui qui réussira à t'impressionner, toi, sera certainement quelqu'un de valable.

— Je suis si difficile à impressionner que ça ?

Les deux meilleures amies échangèrent un regard avant de lâcher avec un bel ensemble :

— Oui !

     Si Ariana joignit son rire à celui de Aghata, elle ne pu cependant réprimer un léger sentiment de culpabilité. Toutes les trois savaient qu'il revenait à Aghata de conquérir un aristocrate et d'épouser une grande fortune. C'était à elle qu'il incomberait d'assurer à sa famille une existena décente. Aghata était une beauté, alors que Ariana...

     Ariana était Ariana. Elle n'était pas jalouse de la beaute de Aghata. À ses yeux, c'était un simple fait, et elle avait appris depuis longtemps à accepter certaines vérités. Elle saurait jamais danser la valse sans essayer de mener ; elle aurait toujours peur de l'orage, malgré ses tentatives pour se raisonner ; et elle aurait beau s'habiller, se coiffer, pincer les joues, elle ne serait jamais aussi jolie que Aghata.

     D'ailleurs, Ariana n'était pas certaine qu'elle apprécierai l'être, comme sa meilleure amie, l'objet de toutes les attentions. Pas plus qu'elle n'aimerait endosser la responsabilité d'un mariage avantageux pour subvenir au besoin de ses

— Aghata, dit-elle, reprenant son sérieux, tu n'est obligée pas d'épouser quelqu'un que tu n'aimes pas. Tu le sais, n'est-ce pas?

     Aghata hocha la tête, l'air soudain prête à pleurer.

— Si tu décides qu'il n'y a pas un seul gentleman digne de toi à Londres, ce n'est pas grave. Nous retournerons simplement dans le Somerset et nous nous satisferons de notre propre compagnie. De toute maniere, il n'y rien que je préfère à cela.

— Moi non plus, murmura Aghata.

— Mais si tu déniches un homme qui te fais perdre la tête, Rebecca et moi serons enchantées. Tu ne dois pas non plus t'inquiéter à l'idée de nous laisser. Nous nous entendrons très bien.

— Toi aussi, tu pourrais peut-être trouver quelqu'un à épouser.

Ariana ne put réprimer un sourire.

— Peut-être, concéda-t-elle sans trop y croire.

Elle ne tenait pas à rester vieille fille, mais elle doutait trouver un mari à Londres.

— On ne sait jamais. L'un de tes prétendants pourrait tourner vers moi quand il comprendra que tu es inaccessible, la taquina-t-elle.

— Ne dis pas de bêtises, répliqua Aghata en lui lançant un coussin.

— Mais c'est la vérité !

    Ariana était sincère. C'était là, selon elle, la manière la plus probable de se trouver un mari en ville.

— Tu sais quel genre d'homme j'aimerais épouser ? lâcha Aghata, le regard rêveur.

    Ariana secoua la tête.

— Un lettré.

— Un lettré ?

— Un lettré, confirma Aghata.

     Ariana s'éclaircit la voix.

— Je ne suis pas certaine qu'il soient nombreux à être passer la saison à Londres.

— Je m'en doute. Mais tu sais très bien très, ajouta-t-elle après avoir poussé un petit soupir, que, même si je ne suis pas censé l'avouer en public, je suis plutôt du genre rat de bibliothèque. Je préférerais de beaucoup passer mes journées à lire plutôt qu'à déambuler dans Hype Park. Je crois que j'aimerais vivre avec un homme qui apprécie étudier, lui aussi.

— Et bien... Tu sais Aghata, il te sera peut-être difficile de rencontrer un intellectuel en dehors des villes universitaires. Tu devras peut-être te contenter d'un homme qui, comme toi, aime lire et s'instruire.

— Ce serait très bien. Un lettré amateur me suffirait amplement.

     Ariana laissa échapper un soupir de soulagement. Il était sans doute possible de trouver à Londres un homme qui aimait lire.

— Et tu sais quoi ? ajouta Aghata. Il ne faut pas fier aux apparences. Qui sait, ce vicomte Bridgerton dont lady Whistledown ne cesse de parler est peut-être un érudit dans l'âme.

— Ne gaspille pas ta salive, Aghata. Tu ne dois pas avoir affaire ni de près ni de loin au vicomte Bridgerton C'est un débauché. Le pire de tout Londres. Et même de tout le pays !

— Je le sais, c'était histoire de donner un exemple. De toute façon, il ne choisira pas une épouse cette année. C'est ce que dit lady Whistledown, et tu as toi-même fais remarquer qu'elle avait presque toujours raison.

— Ne t'inquiète pas, fit Ariana en lui tapotant le bras, nous te trouverons un époux convenable. Mais le vicomte Bridgerton ? Non, trois fois non !

The Viscountess | Anthony BridgertonWhere stories live. Discover now