Chap 1 : Une bouffée d'oxygène

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SIXTINE

—     Sixtine, tu ne vas pas sortir comme ça.

La voix forte et posée d'Ambroise a résonné dans l'entrée. Ce n'est pas une question, mais une affirmation. Je soupire. J'étais si près d'y arriver. Je pivote vers lui.

—     Qu'est-ce qui ne va pas, cette fois ?

Ambroise remonte ses lunettes sur son nez de ce geste machinal, croise ses bras sur sa poitrine, puis me désigne entièrement d'un vague mouvement de la main. Je baisse les yeux sur ma tenue du jour. Ma robe, certes près du corps, descend pourtant jusqu'à mes genoux. Le décolleté est sage, le maquillage n'est pas outrancier. Je ne vois pas le problème.

Peut-être parce qu'il n'y en a pas ?...

—     Les talons, le dos nu. Franchement, ça fait pute.

Ce langage châtié, cette fois, est signé Côme. Je me tourne vers lui. Il m'adresse ce regard accusateur par-dessus ses lunettes de soleil. Elles sont parfaitement inutiles, en intérieur et à 22h. Avec sa belle gueule, ses vêtements hors de prix et son attitude suffisante, il a la panoplie du parfait Dom Juan.

—     Et tu t'y connais dans ce domaine, marmonné-je.

—     Pardon ?

—     Non, rien. Je remonte me changer.

Je fais claquer mes talons dans les escaliers, comme une petite fille punie qui veut montrer son désaccord. N'est-ce pas ce que je suis, par ailleurs ? Contrairement aux apparences, je vais avoir 22 ans. J'ai parfois besoin de regarder ma carte d'identité pour m'en assurer. Je me retiens de bousculer Côme, déjà parce qu'il fait deux têtes de plus que moi, mais en plus parce qu'il est capable de m'enfermer dans ma chambre si je le pousse à bout. Je le sais, il l'a déjà fait. J'envoie un message à Candice.

Sixtine : Mes chances de sortir ce soir s'amenuisent.

Candice : Les gardiens de la galaxie ont encore frappé ?

Sixtine : M'en parle pas. Je te tiens au courant.

Il fait déjà très chaud en ce début juillet. J'opte pour un pantalon léger, un top ample mais garde les talons. Je redescends. Léandre a débarqué : il y a maintenant trois paires d'yeux clairs qui me fixent devant l'entrée.

Merveilleux.

Plus ils sont nombreux, moins j'ai d'espoir. Le téléphone de Côme sonne, mais il ne le regarde même pas. Il me détaille à nouveau, l'air sceptique. Léandre se tourne vers Ambroise.

—     Elle va où ?

—     Elle peut parler ou bien ça aussi c'est interdit, Léandre ?

—     T'es bien ronchon, aujourd'hui, Sissi.

Je déteste ce surnom que je me traine depuis que je suis née. J'observe ces trois grands dadais qui font rempart de leur corps. Ambroise, en véritable porte de prison, ne me décroche pas un sourire. Côme continue de me détailler de ce regard vert et désapprobateur et Léandre m'affiche son sourire habituel. J'ai pris l'habitude de m'en méfier ; même si Léandre semble toujours plus conciliant, ils ont juste réparti les rôles de méchants et gentils flics. Ils sont tous sur la même longueur d'ondes.

—     Je ne suis pas ronchon. Candice m'attend. Si vous voulez bien m'excuser, j'aimerais passer.

—     Et vous allez où ? reprend Côme.

Je m'exhorte au calme en mordant l'intérieur de ma joue. J'ai testé bien des techniques, et la crise d'hystérie n'a jamais porté ses fruits. Intérieurement, je suis en ébullition. Extérieurement, j'affiche un air calme et serein. Ce qui a le plus de chance de réussir, tout de suite, c'est de ne pas allumer les alarmes dans leurs cerveaux détraqués.

Evite-Moi [Sous contrat d'édition BLACK INK]Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz