CHAPITRE TROIS :

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La vie suivait son cours, l’angoisse des étudiants devenait de plus en plus palpable à mesure que les jours défilaient, annonçant tel un compte à rebours menaçant, la vague déferlante des examens de fin de semestre.
Zéphyr ne faisait pas partie de cette masse inquiète. Elle avait suffisamment révisé et avait pleinement confiance en ses capacités. Avoir peur reviendrait à les mettre en doute, ce qui était tout à fait stupide.

Mais Zéphyr n’avait jamais goûté au stress étouffant des examens, pas même lors de sa première année de médecine, celle que l’on surnommait aisément “l’enfer sur terre”. C’était probablement grâce à ce flegme à toute épreuve que la jolie blonde parvenait à surmonter toutes les difficultés.
Et comme elle s’en sortait toujours, elle ne craignait jamais rien. En bref, la boucle était bouclée, constituant l’un des plus beaux cercles vertueux qu’il lui ait été donné d’observer.

Aujourd’hui, Zéphyr ne révisait pas. C’était son jour de pause, celui qu’elle s’autorisait tous les quatre jours de travail intense et acharné.
Elle avait toujours fonctionné ainsi, et cela lui avait toujours réussi, n’en déplaise à ceux qui la méprisaient tant.
C’était d’autant plus satisfaisant, de voir leurs mines déconfites quand ils la voyaient en haut du podium tandis qu’eux-mêmes auraient vendu un rein pour ne serait-ce qu’effleurer le bas du tableau des admissions.
Et c’était dans ces moments-là qu'elle leur sortait son plus beau sourire éclatant, assorti d’une remarque acerbe dont ils ne réalisaient la portée et la méchanceté que bien plus tard, lorsqu’elle était déjà inatteignable.

Puisqu’elle avait pris sa journée, elle avait décidé de se faire plaisir. Elle avait commencé par valider un panier en ligne sur une boutique de vêtements qu’elle affectionnait particulièrement. Puis, elle s’était livrée à une “everything shower”, terme tout droit sorti des réseaux sociaux pour décrire un long moment de soin auto procurés qui faisaient du bien tant au corps qu’au mental. Sa matinée étant achevée, elle avait cuisiné un repas rapide, ou plutôt fait réchauffer des nouilles instantanées qui trainaient depuis des mois dans la cuisine avant de se diriger vers la ligne de tram qui l’emmènerait directement sur le campus universitaire.
Le métro était certes plus rapide, mais il fallait faire au moins deux changements. Et quand Zéphyr était installée dans un transport - encore plus si elle avait une place assise - elle ne voulait plus en descendre.

Une fois parvenue sur ce lieu de merveilles universitaires et autres dépressions estudiantines, Zéphyr avait marché à pas vifs jusqu’au local du Club de son amie, ses talons hauts glissant sur les feuilles mortes et humidifiées. Une chute semblait inévitable et pourtant, avec la grâce d’un mannequin, Zéphyr poursuivait son chemin, tête haute et sourire en coin.
C’est dans cette pièce lumineuse et propre, que la jeune femme à l’allure étudiée de poupée Barbie s’était installée pour refaire sa manucure, tout en écoutant d’une oreille la conversation enflammée qu’entretenaient Seven et Isaak à propos d’un appareil photo dernièrement sorti. Elle n’y comprenait pas grand-chose mais cela avait l’air de les passionner, donc c’était tout ce qui comptait.

Quelques autres adhérents étaient présents. Zéphyr connaissait bien évidemment leurs noms, à force de les croiser ou d’entendre Seven en parler mais elle préférait prétendre que ce n’était pas le cas.
Ce petit mensonge renforçait son image de blonde idiote tout en lui ouvrant de nombreuses portes.

Il y avait notamment cette fille aux cheveux bruns, enroulés et accrochés à l’arrière de son crâne avec une sublime pince en plastique lavande, assortie à la chemise à volants qui lui donnait des airs de fée. Elle se faisait appeler Dawn, et en soi, son nom d'artiste lui allait très bien. Elle avait cette douceur qui correspondait à cette période de la journée. Même si, pour être tout à fait honnête, elle était un peu trop effacée. On ne se donnait pas un nom pareil pour presque disparaître sous le regard des autres et encore moins lorsqu’on désirait séduire monsieur Isaak Saint-Yves.
En effet, au-delà d’observer la matière dont étaient faites les chemises et autres blouses de Dawn, Zéphyr avait eu tout le loisir de contempler les œillades appuyées qu’elle lançait au blondinet. De longs regards énamourés, emprunts d’une forme de tristesse, comme si elle pensait n’avoir aucune chance. Zéphyr aurait bien tenté de l’encourager un peu, voire de la pousser directement dans les bras d’Isaak, qui n’attendaient que ça, retrouver quelqu’un à aimer… Mais non. Elle resterait plantée là où elle était, à siroter une boisson caféinée, un sourire à la limite du vice plaqué sur ses lèvres qui brillaient sous la lourde couche de gloss qu’elle appliquait régulièrement.

MENSONGESWhere stories live. Discover now