Episode 7 - Tania

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Nous étions tous silencieux dans le chariot rouge, dans la nuit noire qui enveloppait le zoo que l'on quittait. Malgré les ballotements que nous faisaient subir les cailloux de la route que prenait Tania, Léo réussit à s'endormir. Camille était toujours cachée dans mes poils, et je priais pour qu'elle ne me morde pas par nervosité. Ca lui était déjà arrivé, un pauvre chien de prairie qui n'avait rien demandé avait rejoint les étoiles australes en quelques heures. C'était un accident, elle n'a pas été élevée pour être claimante, mais elle était très jeune et ne savait pas encore retenir ses mandibules. Aujourd'hui ça va mieux heureusement, mais bon un soir comme celui là, ça peut être dangereux. 

Au bout de quelques heures de marche, on entendit un bruit comme celui de la camionette qui nous avait capturés, en Tasmanie, et Tania s'immobilisa. Une lumière apparu au détour d'un virage. Tania nous entraîna précipitement sur le bord de la route le chariot, nous secouant un peu au passage. Deux yeux lumineux surgirent alors, nous fonçant dessus avec un bruit d'enfer qui nous rappelait le trajet jusqu'au zoo. Mais la bête ne s'arrêta pas et poursuivit son chemin à toute allure sans nous voir. "On a eu chaud, souffla Tania. Un peu plus et on passait sous ses roues. Moi ils n'auraient pas été très tristes de me perdre, tout le monde me déteste dans la région. Mais vous, ç'aurait été une catastrophe ! " Elle se remit en marche. "Vous avez dû en voir des voitures pendant votre voyage. Ca doit être drôlement effrayant, de votre point de vue, surtout si vous n'avez connu que la jungle de Tasmanie. Vous inquiétez pas, on va bientôt s'arrêter."

Peu de temps après, Tania sortit de la route et rentra dans la forêt que nous traversions depuis la sortie du parc. Camille, qui chuchotait des choses incompréhensibles et qui ne semblait pas très aimables depuis que l'on avait croisé la camionette, se tut. Parce qu'elle était très bavarde, ça m'étonna. "Ca va Camille ? demandai-je. 

- Oui oui. C'est juste que je pensait que ce monde n'était fait que de routes noires et d'enclos, et voir que la forêt existe presque comme chez nous, c'est juste... magnifique. C'est différent, mais ce n'est pas plus laid. 

- Il fait juste plus froid. 

- Oui exactement. Je me vois pas vivre ici très longtemps. 

- On va rentrer chez nous. Il suffit d'attendre un peu. "

Enfin, on vit derrière un arbre un petit campement, et Tania s'arrêta. "Voilà, c'est chez moi, annonça-t-elle. C'est pas très grand, mais c'est pas grave on s'en va demain. Là, j'ai besoin de faire une sieste. C'est pas que vous êtes lourds, mais un peu quand-même". Elle disparu derrière l'espèce de peau grise et poilue qui était étendu comme un toit sur une liane d'humain marron accrochée entre deux arbres. "Ils sont vraiment bizarres ces humains quand-même, soufflai-je.  Ils inventent des trucs inutiles qu'on pourrait remplacer par ce que nous offrent les arbres. 

- Mouais, dit Camille en descendant de ma tête pour mieux me voir. Enfin ils doivent avoir leurs raisons. Quand tu vois la vitesse à laquelle vont leurs camionettes, tu te dis que c'est quand-même utile pour se déplacer. 

- Mais pourquoi ils se déplacent ? Nous on était très bien chez nous depuis notre naissance. On n'a jamais bougé. 

- La curiosité peut-être. Tu n'as jamais voulu savoir ce qu'il y avait derrière leurs cages à poules ?

- Attends ça s'appelle des poules ?! "

Camille rit. "Evidemment. Faut vraiment que t'écoute en cours toi.

- Oui ben excuse moi de n'en avoir rien à faire parce qu'elles ne sont pas comprises dans mes repas. 

- Tu devrais essayer, c'est drôlement bon. 

- Et comment tu veux que je mange ça ? 

- Ro là là t'es pas drôle. Bon je vais essayer de dormir moi. Je ne veux pas rater une miette du voyage, je veux être en forme demain pour tout voir ! Tu devrais faire pareil." Elle remonta dans mes poils et s'endormit, enfin je suppose parce que je ne la voyais plus. Eh ben oui. A défaut de touver un  trou sûr, elle se planquait dans ma fourrure. En soupirant, je fermai les yeux et mais mes pensées se dirigèrent vers Tania. Elle n'était pas une humaine comme les autres. Ca se sentait. Elle était moins cruelle, moins égoïste, plus gentille. Et plus seule aussi. Depuis que je la connais je ne l'ai jamais vue parler à un autre être humain. Les humains, j'ai eu l'occasion de le voir souvent, ne sont pas avec les autres animaux comme nous sommes entre nous. Je n'ai jamais vu personne de la faune australienne capturer un autre pour l'exposer à la vue de tous les siens. Capturer pour se nourrir ça oui, et la preuve je le faisait moi même pendant la moitié de chaque journée qui passait. J'aurait presque préféré me faire manger. Ca aurait été plus logique. 

Mais Tania, elle n'était pas comme les autres parce qu'elle n'a cherché à faire de mal à personne. Comme j'aurais porté secours à Camille et Léo, ou à n'importe qui d'autre pourvu qu'il n'ai pas envie de me tuer, elle nous a aidé et sorti de là, et je sais qu'elle ne compte pas nous abandonner ici. Je lui fait confiance, elle va nous ramener en Tasmanie, et alors on pourra prévenir tous les autres du danger qui planne, et se préparer à la résistance. Tout ça grâce à Tania. Est ce qu'elle s'en rend compte ? Et puis d'ailleurs, pourquoi elle est comme ça ? Pourquoi elle ne vit pas dans les colonies humaines que nous voyions de loin derrière les cages à poules comme tous les autres ? Pourquoi est-elle si seule ? En plus elle paraît si jeune ! Elle n'a donc pas de mère ?  En Tasmanie, presque tout le monde a une mère, et parfois un père (quand on sa mère ne le mange pas à sa naissance comme celle de Camille...). Comment a-t-elle fait pour apprendre à vivre sans mère ? 

Sur ces nombreuses questions, je m'endormi. 

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⏰ Last updated: Dec 31, 2023 ⏰

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Basil l'ornithorynqueWhere stories live. Discover now