Chapitre 8

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Alex :
Je suis contente que Laya m'ait appelé, j'imagine son stress en voyant le corps de son frère au sol, en sang. Ayant une énorme proximité avec le mien, je ne suis pas sûre que je parviendrais à garder mon sang froid dans une telle situation. Je suis heureuse d'être là pour la soutenir dans ce moment difficile. Je lui propose donc que nous descendions nous servir un café pendant que son frère se repose. Elle acquiesce et me suis dans ce large couloir d'hôpital où nos pas résonnent bruyamment, claquant contre le sol. Nous arrivons à l'accueil et prenons deux verre en carton de café. La boissons amère me brûle la langue et me fait du bien. Elle soulage la grosse migraine qui me martèle la tête depuis mon réveil. J'ai dû tomber durant mon altercation avec "l'homme". D'ailleurs, j'espère que Lucy va bien. J'ai chargé mon frère de la surveiller pour être sûre qu'il ne lui arrive rien. Il nous reste seulement  une heure et demi avant que nous puissions partir et je pense que j'ai grand besoin de me reposer et vu son état, Laya aussi. 

Depuis qu'elle m'a expliqué la raison pour laquelle son frère a failli perdre la vie, je tiens sa main dans la mienne, faisant des cercles avec mon pouce sur sa peau tendre et hâlée afin de l'aider à se calmer et à cesser de s'inquiéter trop. J'essaie d'ignorer les frissons que ça provoque au bout de chacun de mes doigts et dans ma nuque. Elle me regarde avec des yeux rougis. Elle est magnifique avec ces cils longs et ses iris noir. Elle repose sa tasse sur la table avec une infinie délicatesse et commence comme si chacun de ces mots lui coûtaient énormément :

- Je suis touchée par cette tentative plus que quiconque car ma mère s'est suicidée.
Je me raidis et l'écoute en regardant attentivement ses yeux s'emplirent de larmes au fur et à mesure de son récit.
- J'avais dix sept ans et nous étions très proches ma mère et moi. Elle tempérait toujours face à la colère et les attitudes irrespectueuses et dégradantes de mon père. C'était ma meilleure amie, ma confidente et mon unique raison de vivre.
Je serre la main de Laya dans la mienne, sûre que la suite ne va pas me plaire.
- Du jour au lendemain, on a appris qu'elle avait un cancer, phase terminale. Elle s'est arrêtée de manger, perdant du poids. Son état s'emparait de jour en jour, elle ressemblait à un squelette.
Ses yeux se plissent et les larmes affluent aux coins de ses paupières.

Je les essuie de mon pouce, appréciant la douceur de sa joue bronzée. Et l'encourage à continuer. Tout pourvu que ça lui fasse du bien. Elle hoche la tête, prends une grande inspiration et reprend :
- Elle ne faisait plus rien et était toujours au lit fatiguée.
Je vois sa lèvre inférieure trembler. La chute approche.
- Je... Je l'ai... Retrouvée. Je suis rentrée du lycée un soir et suis allée à la salle de bain. Elle gisait dans la baignoire, baignant dans son propre sang... Elle... S'était taillée les veines et je suis arrivée trop tard. Son corps était raide, glacée. Ces images me hantent toujours. Dans mes pires cauchemars, je revis ces scènes. C'est pour ça que je suis partie de l'Espagne. Je ne pouvais plus supporter...

Je la prends alors dans mes bras. Quelle pire horreur que de retrouver sa défunte mère ensanglantée. Je la serre fort contre moi transmettant tout ce que je ne parviens à dire. Je lui souffle :
- Ça t'a fait du bien d'en parler ? Si c'est le cas n'hésite pas à te confier à moi. Tu as vécu des épreuves très lourdes... J'aimerais pouvoir plus te soutenir. Je me sens... Impuissante.

Je me sens mal après ces révélations. Comment a-t-elle tenu après ça ? Je souffre encore pour dix fois moins. Elle acquiesce reconnaissante mais reste dans mes bras. Je caresse ses cheveux d'ébène avec tendresse. Je voudrais pouvoir faire tellement plus. Après ses aveux je me dis qu'elle doit vraiment être forte pour survivre à ça. J'aimerais avoir le même sans froid qu'elle.

Je m'assieds sur la chaise la plus proche, la gardant sur mes genoux, contre moi. Je masse ses cheveux. Elle mérite qu'on prenne soin d'elle comme elle prend soin de sa famille, comme elle l'a fait avec son frère aujourd'hui.

Vers quatorze heures trente, nous pouvons enfin rentrer. Je raccompagne mon amie et son frère, toujours faible et extrêmement pâle chez eux avant de regagner ma maison tout en disant à Laya que je suis à sa disposition et qu'elle n'a qu'un appel à passer si elle veut que je vienne.

Lorsque j'arrive, je me rappelle de Lucy, la pauvre femme d'hier. J'espère qu'elle n'a pas trop eu peur de se réveiller dans une maison seule avec un homme sans avoir eu le temps de se remettre. Lorsque je rentre, je suis contente de voir que mon petit frère et Lucy sont dans un débat animé sur "est-ce que le chant, c'est de la musique". La jeune femme blonde a d'énormes cernes violets sous ses yeux, un œil au beurre noir et des bleus presque jaunes sur chaque parcelle de sa peau qu'on aperçoit sous ses vêtements plutôt couvrants. Malgré tout, elle est plutôt jolie. Quand ils m'entendent entrer, ils se retournent immédiatement et je vois la frayeur dans les yeux de la pauvre jeune femme avant qu'elle ne me reconnaisse. Elle semble plutôt soulagée.

- Yo ! Tu étais où ?
Demande mon frère sans prendre le temps de me demander si je vais bien.
- Laya avait une galère, je suis allée l'aider.
Il hoche la tête puis me dit que Lucy ne s'est réveillée que deux heures avant que je n'arrive. Elle ne parle pas beaucoup se tortillant sur sa chaise.

- Tu veux que je te ramène quelque part ?
Je lui demande gentiment.
- Ou peut-être préfères tu rester ici quelques temps ?
Elle a un moment d'hésitation puis répond :

- Je ne veux surtout pas déranger... Je vais essayer de voir avec ma mère mais je ne sais pas combien de temps...
- Tu restes ici autant que tu veux !
La coupe Jayden avec un sourire.
- Ici, on a régulièrement des gens qui squattent et ça ne pose vraiment pas de problème. Tant que tu ne nous vole rien.
Termine-t-il avec un clin d'œil.
Elle sourit et le remercie chaleureusement redemandant plusieurs fois si nous sommes sûrs.

Honnêtement, comme mon frère l'a si bien dit, notre maison est un véritable moulin. On a accueilli des tas de gens, que ce soient des étrangers expatriés, juste des inconnus ou des amis et qu'ils nous payent ou pas, on n'en avait que faire tant qu'ils participaient un peu. Ça nous permet de souffler et de faire profiter les personnes qui ont vraiment besoin d'un toit. Moi je trouve ça plutôt sympa tant que nous restons sur la même longueur d'onde. Je lui propose même de l'aider à installer ses affaires dans le canapé. Elle nous remercie encore.

Je reçois alors un appel de Laya. Pas le temps de décrocher que j'ai déjà dit au revoir à mon frère et Lucy et que je suis dans la voiture en train de démarrer.

- Oui allô !
- Allô Lex, est ce que tu peux... Venir ? Je suis désolée d'être aussi faible mais j'ai vraiment bes...
Elle hésite à terminer sa phrase puis après quelques bégaiements :
- J'ai besoin d'aide.

Évidemment, j'accepte et je suis devant chez elle avant d'avoir raccroché. Je me gare sur les places de parking au-dessus de chez elle et je redescends vers la porte. J'hésite à entrer puis me décide à toquer. Elle ouvre directement et se jette dans mes bras. Je savoure les senteurs exquises qui se dégagent de ses cheveux et je caresse délicatement son dos. Elle est toujours vêtue du col roulé noir qu'elle avait à l'hôpital. Il lui fait des seins incroyables, et c'est sans aucune perversion que je le dis. Elle reste accrochée à mon cou et je me rends compte de sa petite taille par rapport à la mienne. Elle doit faire un mètre soixante cinq, soixante dix maximum. Lorsqu'elle enfouit sa tête dans mon épaule, je me retiens à grande peine de lui relever la tête pour l'embrasser. Qu'est-ce qui me fait tenir ? Je ne sais même pas. Si mes parents savaient ce qu'il me passe par la tête quand je vois cette fille, je serai morte et enterrée.

Laya se détache un peu de moi laissant la trace brûlante de sa joue sur mon cou.

- Je suis désolée de t'avoir appelée mais remuer tous ces souvenirs... J'ai rêvé de ce matin... Quand je l'ai retrouvé à terre, la tête dans cette flaque de sang et la peau pâle et moite...
Je lui presse l'épaule doucement tout en lui murmurant que ça va aller et que ça me fait plaisir d'être là pour elle. Parce qu'elle est mon amie et qu'elle mérite tout mon soutien. Notre amitié a peut-être commencé bizarrement mais je suis presque certaine qu'elle ne va pas se terminer de sitôt.

D'un coup :
- Ding !
Lay' reçoit une notification sur son téléphone.

- C'est lui, c'est le serveur.
Dit elle plus surprise que réellement contente.
- Il a vraiment mis sept jours à te répondre ? Il abuse ce type.
- J'avoue.
Réponds elle un peu déçue. Je ressens une pointe de jalousie que j'étouffe directement. Elle mérite d'être heureuse avec un mec. Quel qu'il soit, tant qu'il est gentil je serai contente pour elle même si je l'envierais beaucoup.

- Qu'a-t-il répondu ?
Demandé-je intriguée. Elle lit le message et me fait passer le téléphone, choquée.

L comme ElleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant