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Estée ~

La fête bat son plein. La musique fait bourdonner mes oreilles, sûrement à cause de l'alcool, et les gens dansent en rythme. Je me balade parmi les invités, me déhanchant avec certains au passage. Mon sourire ne me quitte pas, je rigole à chaque mot prononcé par quelqu'un, je dois certainement mon hilarité à l'alcool aussi.

Quand je m'avance vers le bar, chancelante, pour demander un autre verre, une poigne me retient, m'empêchant de faire un pas de plus. Un demi-sourire s'étire sur le coin droit de mes lèvres.
Je me tourne, m'accrochant au bras que la personne derrière moi pour tournoyer et me rapprocher de mon interlocuteur jusqu'à ce qu'il ne reste plus que quelques centimètres entre nous.

Je murmure un "salut, toi" quand j'entends un groupe de personnes m'apostropher. Je n'ai pas le temps d'écouter la réponse de mon partenaire que je m'en vais déjà. Je cours les bras ouverts vers la jeune femme.

- Tu m'as tellement manqué, mentais-je entre deux larmes de crocodile.
- Je suis vraiment heureuse de te revoir Estée ! Et joyeux anniversaire ! s'exclame-t-elle avec hypocrisie en rompant notre étreinte.
- Tu n'imagines pas comme je suis triste de devoir te quitter, mais je pense devoir un peu de mon temps à chacun de mes invités.

Je m'éloigne de cette langue de vipère en mimant la moue. J'ai dû me faire violence pour ne pas frapper cette idiote au visage au moment où j'ai croisé son regard. Je me console en me disant qu'elle n'est sûrement pas venue les mains vides à mon anniversaire. Elle peut être la réincarnation de la stupidité, une chose est sûre : elle a de l'éducation.
Ce serait me manquer de respect à moi-même que d'insinuer le contraire, étant donné que nous avons été élevées par le même homme.

Je me dirige vers la salle d'eau, envoyant quelques sourires çà et là.
Je monte l'estrade qui relie le grand jardin à la maison et joue un peu des coudes pour atteindre la porte que je cherche.
Une fois arrivée à destination, je ferme à clé derrière moi, pose mes mains sur le lavabo et lève doucement la tête vers le miroir.

Ce que je vois que fait tristement sourire.

Je suis belle, non, magnifique. Tout le monde le sait. Je ne suis pas du genre modeste : quand on me dit que je suis belle, je réponds que je le sais déjà. Quand on me reproche mon narcissisme, je les regarde dans les yeux et je leur demande ce qu'il aurait voulu que je réponde.
La plupart du temps, ils ne répondent pas et se montrent prit de court face à ma question. Plus rares sont les fois où ils me proposent une réponse, cependant, quand elles arrivent, je me contente de sourire et de répondre qu'il est dommage que le monde ne tourne pas dans le sens que chacun veut.

Je pense chaque mot de ma bouche avant même de le formuler, car je le pense avec mon âme. J'ai confiance en moi, derrière, ils me jalousent, même s'ils prétendront tous le contraire.

En croisant mon regard dans la glace, je me demande si, au final, je ne suis pas narcissique. Heureusement, quelqu'un frappe à la porte et ça me sauve des idioties que je commençais à penser. Je ne peux tout de même pas me retirer de l'esprit que si j'y ai pensé, c'est que ce sentiment vient du plus profond de moi et qu'il y a forcément une raison.

- Estée ! crie mon amie Astrée à travers le bois. Tu veux qu'on souffle ces bougies à ta place ou quoi ? Accélère !

Je ris silencieusement avec de lui répondre que je suis là dans une dizaine de secondes. Assez de temps pour respirer, recroiser mon regard et me sourire une dernière fois.

Sortie de la salle d'eau, je presse le pas pour me diriger vers le grand buffet où des flammes dansantes et des étincelles pétillantes n'attendent que moi.

Je crie par-dessus la musique jusqu'à ce que le volume baisse petit à petit. Tous les invités entonnent ensemble l'air de "joyeux anniversaire" avant que je ne me mette à croiser les doigts et souffler sur les bougies. Les cris s'élèvent pour accompagner mon sourire.

Je tape sur délicatement sur ma coupe de champagne avec ma cuillère en montant sur une chaise pour me surélever et obtenir l'attention de tout le monde.

- S'il vous plaît, je demande pendant que les dernières notes de Looking at Me de Sabrina Carpenter se noient. Premièrement, je tiens à tous vous remercier d'être présents ce soir. Oh non, je vous vois là-bas, je m'interromps en pointant au hasard dans la foule, promis, je ne vais pas faire de discours trop long, ni trop ennuyeux.

Les rires discrets montent à mes oreilles pendant que je marque une pause avant de reprendre :

- J'ai dix-huit ans aujourd'hui. J'ai dix-huit ans grâce à ma mère qui n'est plus là, mais à qui je pense chaque fois que je ferme les yeux. J'ai dix-huit ans grâce à mon père, dis-je en me tournant vers la droite pour baisser un regard tendre vers lui, il commence à vieillir, mais je l'aime un peu plus chaque jour. Je me dis que chaque minute que je passe avec lui est importante. Je ne pourrais jamais rien lui refuser, tellement je l'aime. J'ai dix-huit ans grâce à ma charmante demi-sœur, Thalie, qui nous honore de sa présence qui a manqué à chacun de nous. Enfin, à certains plus qu'à d'autres, parce que ce n'est sûrement pas moi qui l'ai invitée ! plaisantais-je à moitié en sentant le regard noir de mon père sur moi. Blague à part, j'ai aussi dix-huit ans grâce à Astrée. Mon rayon de soleil, celle qui éclaire ma vie à chaque instant, celle sans qui je ne pourrais rien faire. Alors merci à chacun de vous de faire partie de ma vie.

Mon père se lève et monte sur une chaise à mes côtés. Il plonge un regard rempli d'amour paternel dans le mien, auquel je réponds par un sourire. Il prend ma main avant de se tourner vers la foule pour commencer à parler.

- Je profite de cette grande soirée pour faire une grande annonce, commence-t-il alors que son regard oscille entre les gens et moi.

Je suis intriguée par ce qu'il a à dire. Je m'attendais plus à un discours du genre "je t'aime et je suis fier de toi" mais cette grande annonce me surprend.

- Je vais partir en voyage, je peux le faire maintenant que je sais que ma fille ne sera plus seule.

Il marque une pause. Comment ça, je ne serais plus seule ? Est-ce que cette stupide Thalie va revenir vivre ici ? Par pitié, tout sauf ça !

- C'est moi qui tenais à vous annoncer ça : Estée va se marier !

Estée va se marier !
Estée va se marier !

Je vais me marier. Je vais me...

J'essaye de ne pas décrocher mon sourire, mais j'avoue me concentrer plus sur la douleur que me procure le poignard qui s'enfonce dans mon dos.

Je n'ai jamais fermé les yeuxWhere stories live. Discover now