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Éryan ~

- C'est moi qui l'empêche d'avoir un amant, crétin. Je pense qu'on va avoir un problème tous les deux, si tu continues de la harceler.

Le regard de l'homme oscille entre Estée et moi, d'un air mauvais.

J'étais sur le point de lui répéter de dégager et, au passage, de ne jamais nous recroiser, quand il tourne les talons.

Il s'éloigne d'une façon amer tandis que je sens Estée partir aussi, mais dans la direction opposée.

Je lui cours après.

- Attends, je crie.

Je la vois s'arrêter net. Ses longs cheveux bruns brillent de reflets avec le soleil.

Elle est si belle...

- Tu partais sans moi ?

Je ne sais pas pourquoi ces mots sortent de ma bouche. C'est peut-être un signe du destin, c'est peut-être le moment de lui dire la vérité.
Ou bien je pourrais juste faire semblant et ne jamais rien lui dire. Est-ce qu'elle est obligée d'apprendre la vérité un jour ?

Je secoue la tête.

Mauvaise idée.
Très mauvaise idée.

- Je suis désolée, mais je dois aller voir quelqu'un, répond-t-elle sèchement.

Je me prends à vouloir lui parler encore encore et encore, alors, quand j'arrive à sa hauteur, je marche à ses côtés pour faire la discussion.

- C'est ta façon de me remercier ?  demandé-je avec une pointe d'humour.
- Je ne vois pas pourquoi je te remercierais de te mêler de ce qui ne te regarde pas.

Me mêler de ce qui ne me regarde pas ?

Je l'ai surtout aider à ce sortir d'une situation embarrassante. Je me vois vexé par son ressentiment mais essaie de ne rien en faire paraître.

- Très bien.

Nous continuons de marcher en silence. Je reconnais ce chemin, il mène à notre nouvelle maison. Cependant, j'ai garé ma voiture de l'autre côté. Je me rends compte de ce détail quelques secondes avant qu'Estée ne s'arrête net et ne me regarde droit dans les yeux.

- XY.

Ah oui, ce nom. A force de l'entendre je vais finir par l'adopter.

- Étant donné que tu ne veux pas me donner une vraie façon de t'appeler... complète-t-elle pour justifier mon appellation. Je ne sais pas où tu crois aller, mais tu ferais mieux de te casser.

J'encaisse sans un mot son ton emplit de reproches. Honnêtement, j'ignore ce qui me vaut ce comportement et j'aimerais être dans sa tête pour le comprendre.

Je me racle la gorge.

- Je me dirigeais vers la papeterie,  je lui explique en désignant le commerce que je viens de repérer. Ne va pas penser que le monde tourne autour de toi.

L'espace d'une micro-seconde j'ai l'impression d'avoir touché une corde sensible. Ses yeux perdent de leur éclat, ils semblent vides.

Ça ne dure que l'espace d'une micro-seconde, je l'ai dit. Alors, avant que je n'ai le temps de me rattraper ou de m'excuser, le vide dans ses yeux se transforme en rage.

La jeune femme s'éloigne d'un pas pressé, visiblement en colère.

Je ne vois pas en quoi ce que j'ai dit puisse être aussi blessant. Je ne comprends pas sa réaction.

Sachant qu'Estée s'y dirige déjà, je ne peux pas rentrer chez moi maintenant, ainsi je me dirige malgré moi vers cette papeterie.

J'y entre et achète un petit carnet et un magnifique stylo plume en bois de loupe d'Orme. Je sais déjà ce que je vais faire avec.

De retour dans ma voiture, de me pose sur le siège au volant et ouvre le carnet à la première page.

Ça va peut-être paraître idiot, mais écrire des poèmes et des extraits de mes réflexions personnel dans du papier m'a toujours aidé à me sentir mieux.
C'est bien ce dont j'ai besoin maintenant.

Je ne sais pas à propos de quoi je dois écrire maintenant. Ses yeux, ses cheveux, ses lèvres ? Non, pourquoi je m'entête à penser à elle ?

C'est une obsession ?
Elle m'obsède.

C'est peut-être un signe. Est-ce que je crois au destin ? A partir de cette instant, tout de vient clair dans ma tête et l'inspiration coule à flot dans mes veines. Elle passe de mon cerveau par mon sang à mes muscles pour se coucher sur le papier.

" Je ne me sens plus moi-même quand je te vois,

Mais peut-être ne suis-je moi-même qu'avec toi ?

Tes yeux, ta peau, ta voix...

Comment le prendrais-tu si je te disais que je ne veux plus vivre sans ?

Tes iris, chacune des cellules de ton corps, tes lèvres...

Comment le prendrais-tu si je plongeais dans ton regard le mien languissant ?

Tu peux te sentir toi-même avec moi,

Ou peut-être ne préfères-tu pas ? "

Je signe ce bout de pensée par XY et prie pour que jamais, ô grand jamais, Estée ne tombe sur ce carnet.

Honnêtement, que penserait-elle ? 

Je fais semblant de demander bien sûr. Elle se dirait que je suis mièvre et doucereux. Elle se dirait aussi que, comme je suis mièvre et doucereux, elle n'aurait pas besoin de vouloir de rose que je lui en aurait déjà offert, et, tout le monde le sait, à quoi bon vouloir des roses si on en a déjà ? Alors, ce serait de ma faute si les roses ne lui plaisent plus autant qu'avant et alors je serais le prochain : prévisible et inutile.

J'en fait probablement trop pour rien du tout, mais depuis que j'ai appris que les filles voulait des fleurs, sans nous dire qu'elles veulent des fleurs car autrement nous irions leur acheter des fleurs alors qu'elle veulent que cette idée vienne de nous et notre romantisme, j'ai peur de faire un faux pas.

- Quel con,  je m'insulte en me moquant de moi-même. C'est pas possible de faire plus con que moi.

Je ne sais pas comment c'est possible et je ne saurais pas décrire ce sentiment en moi, mais il est présent.

Je peux mettre des mots sur chaque éléments qui m'entoure, mais je n'arrive pas à assembler des foutues lettres ensemble pour me comprendre !

Je suis épuisé de tout ce qu'il se passe : d'être un pion pour mes parents, de ne pas réussir à parler à ma femme, de ne pas pouvoir décider de ma vie...

Bordel, parce que je n'ai jamais...

- ...voulu être ici, moi non plus.

Je complète ma pensée par des mots que je prononce à voix haute. Je ne l'avais pas fais quand elle était là, de l'autre côté du bois. Je n'avais pas oser ouvrir la bouche.

- Je n'ai jamais voulu être ici, putain !

Je le sais, je le crie car je veux qu'Estée l'entende...

- Mais maintenant je ne veux plus repartir.

C'est très simple : je l'ai vu et maintenant je veux l'avoir.



Je n'ai jamais fermé les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant