Chapitre N•3 : Cage de douleur, miroir d'âme

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Avertissement : Ce chapitre contient des éléments susceptibles de heurter la sensibilité de certains lecteurs. Si vous êtes sensible, je vous déconseille fortement de poursuivre votre lecture.

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Une larme, une seconde, puis une troisième. Une quatrième enchaînée d'une cinquième, puis d'une sixième. Une septième, une huitième et une neuvième. Une neuvième qui se change en dixième. Les perles salées s'enchaînent, se transforment rapidement en centaines. Cent-une, cent-deux et cent-trois. Cent-onze, cent-douze et cent-treize. Deux-cents, deux-cent-cinquante, trois-cents. Une avalanche de tristesse coule le long de mes joues.

Les larmes s'accumulent sur le sol de ma chambre, reflétant les éclats de lumière qui s'infiltrent à travers les rideaux tirés. Chaque goutte représente une partie de mon âme. Plus les années passent, plus mon cœur est essoré de ses sentiments.

Les échos de la nuit précédente résonnent dans ma tête. Chaque cris que j'ai émis, chaque soupir qui que mes lèvres ont sorties, me confirme quel genre de putain je suis devenu. Le reflet dans mon miroir semble me juger de ses yeux bruns et empreints de tristesse. Mon esprit tourne en boucle, revisitant chaque moment où j'ai troqué mon âme au diable en échange de quelques écus.

Demain, je devrai à nouveau affronter ce monde qui me dévore lentement de l'intérieur. Une centaine de larmes n'y changeront rien. Je m'apprête à répéter le même rituel, à me perdre davantage entre les bras de clients répugnants. Chaque larme est un témoin muet de ma descente aux enfers.

À nouveau, mes yeux se fixent sur l'image de mon âme, capturée dans le miroir de l'armoire, comme si chaque regard révélait une part de ma propre histoire. Je descends mes yeux sur mon corps, le "contemplant" avec dégoût.

Combien de mains se sont permises de le toucher?

Je scrute mon torse, vidé de ses muscles, comme un paysage dénudé de ses montagnes.  Mon ventre creux, dépourvu de toute trace de nourriture, témoigne des jours où la faim et la tristesse ont creusé leurs sillons. Ma taille, fine et fragilisée, semble être la frontière entre deux mondes, l'un douloureux et l'autre inexploré.

Mes hanches, jadis robustes, existent maintenant sous la forme douce d'une silhouette féminine. Mes cuisses apparaissent sous mes prunelles comme un tableau abominable, altéré par le poids des tourments. Et, enfin, mon regard descend sur mes tibias, les piliers fragiles qui portent le fardeau de mon existence depuis trop longtemps.

Combien d'hommes se sont permis de me toucher?

Lorsque mes iris se verrouillent sur mes poignets, c'est comme si tout s'écroule en moi.

Mon palpitant cesse de communiquer ne serait-ce qu'un seul gramme de liquide sanguin à mes organe, empêchant alors à mon cerveau de communiquer des ordres à mon corps. Ma respiration irrégulière résonne dans mes oreilles telle la plus atroce des mélodies, comme un chant de sirènes, me faisant rompre tout contact avec la réalité. Mes mains tremblantes se réfugient entre les mèches ébènes de mes cheveux. Elles les serrent fortement dans le but de remplacer la douleur présente dans mon thorax par celle des déchirements capillaires que je m'inflige.

Le dégoût me guide plus que la raison. Il emporte le semblant de lucidité qui me permettait de rester connecté à ce bas monde. Mais cette lucidité refait surface assez rapidement lorsque je prends conscience de ma situation. Elle résonne dans mon esprit telle une claque monumentale. J'abaisse mes mains de mon crâne et je distingue avec horreur le sang couler le long de mes phalanges, tombant gracieusement sur le parquet froid, couvert de larmes et d'élixir rougeâtre. Ces quelques gouttes vermillon qui n'ont pas lieu d'être...

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