Le coeur sur la main

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Lyra, au Nord-Est d'Abel, cheminait les forêts, se raréfiant de feuillage, leurs écorces tournant du brun au blanc cassé, alors qu'elle repérait un village, à 6 h du matin, la gorge brûlante. Dix maisons face à face sur l'allée, un petit village.

Elle bondissait sur le puits à son entrée quelques branches y siégeaient et lui bloquaient le passage, tandis qu'une jeune fille y buvait la coupelle à la main.

Slurrrp Lyra prenait une gorgée énorme, une lourde charge lui descendant dans l'œsophage, elle retroussait les babines, la petite éclatait de rire, Lyra lui faisait la grimace en tirant son visage de tous les côtés alors même qu'elle était sale.

Des pas se dirigeaient vers elle, sur la terre meuble. -Ne touche pas ma petite, hurle-t-elle en tapant la main de Lyra. Lyra tenait son poignet et reculait le visage cloisonné. -Peut être que je vais vous manger ce soir finalement, ricana-t-elle bêtement, le visage de la petite se plissait et elle éclatait en sanglots. -C'est toujours la même avec vous, tueur!

La jeune blonde aggravait sa voix, se collant nez à nez à la chaperonnée, qui appuyait sur sa cape, le carquois à portée. La femme levait la main et une claque piquante résonnait dans tout le village. Les habitants sortaient préoccupés, les bras dans le dos ou croisés, le regard sévère, alors que Lyra frissonnait d'une excitation violente.

Toisant la vieille dame, les crocs lui poussaient, en périphérie la petite reculait. Lyra se forçait à stopper, son âme calmait le flot explosif de ses pensées. -Désolée, tapait-elle des mains d'une révérence. -Tss, la mère lâchait un dernier regard, ses dents exposées.

La foule se dissipait, l'archère déambulait encore, sans compagnon. Une mine de déterrée sur la tête et ses cheveux gris teintés de boue, détruisant sa finesse. Un homme assis entrait dans sa vision. -Monsieur, accompagnait-elle d'une main en l'air. Prenez ça.

De son sac, un pain et une côte de Vormeton rouge étaient amenés par la jeune fille. L'étranger relevait les vêtements, un œil bigleux et blanc, criblé d'entailles.

-Tu n'as pas faim avant d'avoir un cœur, ça ça te perdra. -Mais non ce n'est rien, ça fait plaisir et ce n'est pas tous les jours qu'on croise une peau comme la vôtre. Ça me rappelle, vous savez, la championne du sud?

Il esquissait une bouche large, signe qu'elle l'engrenait.

-On devrait partir d'ici, les villageois, regarde.

Dans leurs salopettes de fermiers, les fourches en main, ils les méprisaient du regard.

Sur le conseil du vieil homme, ils prenaient route vers le sud. -Donc tu connais Merilla? C'est une vieille amie, disait-il se touchant le nez regard à l'horizon vers la tour, entourée de pâturages de Vormeton, leurs boules de laine rouge divisant l'attention. -Oui, elle est super directe, comment est-ce que vous la connaissiez? Croisait-elle les bras dans le dos visiblement intéressée.

-Longue histoire, je devais être un champion, j'ai changé d'avis. Il découvrait son cou sur lequel trônait une épée foisonnante de lilas, barrée, signe de la rébellion à Regina.

-Le culte? Non, laisse-moi tranquille! Reculait-elle en perdant l'attention.

-Stoppe-toi là, Lyra, moi c'est Djibril, et là c'est la Grande Tour.

La Grande Tour, comme on l'appelait, on n'en percevait pas le haut de sa structure de terre cuite, les fenêtres, absences ouvertes sur le ciel, donnaient à inviter les Mermepins sur des bottes de foin en faisant des messagers reposés et rapides. Un homme à l'armure, la trentaine, paré d'un bouclier à l'écusson de fougère d'or, tournait sa lance dans un spectacle technique, l'enfonçait dans le sol et frappait ses jambières au garde-à-vous.

-Bienvenue, touriste? Bienvenue à Eastland. Fwii. D'une boucle en vol plané, un Mermepin se posait sur son gant de fauconnier, il lui donnait un ver et Lyra l'admirait croquer dedans de son bec cornu et long.

-C'est marrant, on dirait qu'il porte un masque blanc. Tendait-elle vers Djibril. Il souriait de toute sa face. -Tu m'énerves. Lyra ronronnait, un coin de bouche levé.

-Nous envoyons une lettre aux cités pour prévenir, où allez-vous? Porferuz ou Sebarbia? Lyra levait l'index, Djibril lui passait devant. -Porferuz, la mer est belle par là-bas.

Aussitôt, l'oiseau prenait son envol, à la patte une missive attachée.

-On continue à marcher, merci.

Au royaume de Regina, le roi Luther piétinait de cent pas sur le tapis royal, attendu par ses sujets, les champions, Jorge et Teb'I en plus.

-Tsizine a disparu. Fulminait-il à travers la salle. Et maintenant Lyra, quelle garce. Jorge resserrait le dos, Teb'I luttait contre son désir de fermer ses ailes au roi et aux reines. Le blond fixait le roi violemment.

Astrid, un poing de fer sur le menton, posé sur le trône, disait du haut de son chapeau bleu.

-Nous vous commissionnons en Eastland, trouver les ou la en fonction. Camille jouait d'une boucle rousse dans ses cheveux, les paupières tirées.

-Sebarbia est-elle une étape? Demandait Jorge. -Faites comme vous voulez, ramenez-les-moi peu importe le détour. S'énervait Astrid.

-Avant ça, nous avons besoin de l'aide des Stryges, s'il s'avère qu'un conflit éclate, A'Dabana sera le dernier renfort.

Merilla s'avançait, poings fermés dans les bandages. -Je m'en charge, c'est ma zone. -Bien, et les champions vous accompagneront, ils ne tarderont pas. -Tous? Grinçait-elle. Sebastian?

Deux personnes pénétraient la salle, enfin une seule l'enfonçait, d'un air hautain et désintéressé, ses cheveux blonds en bol et son visage, celui d'un fils de noble, fier de son héritage, sans aucune expérience.

-Oyez Oyez, votre Altesse est de retour...

-Dois-je te rappeler que nous t'avons appelé pour résoudre les problèmes de Damas dans ta zone et que tu n'as jamais répondu?

-J'avais rendez-vous avec ma demoiselle, d'ailleurs vous saviez que j'étais un grand barde? Un jet d'eau sortait de la main d'Astrid par une rotation, le laissant bouche bée et déçu sur le sol.

L'autre vieillard, une barbe de cent jours, portait la robe blanche étoilée de noir, typiquement c'était un sage. -Papa! S'écriait Nico. -Bonjour fiston. Lui frottait-il la tête, Tu viens avec nous? Tu es sûr? C'est un peu dangereux, Astrid, je te ferai emprisonner. Braillait-il.

Le roi pouffait, effleurant la main de son autre dulcinée, qui riait à gorge déployée.

Astrid était toute rouge.

-Ogöl! Ferme-la. -C'est à cause de moi si le roi vous a mariée, sorcière d'eau. Elle sortait en trombe de la pièce, supposons qu'elle bougonnait dans ses quartiers.

Ogöl réfléchissait deux secondes, la main dans la barbe. -Si vous gardez la wyverne pour les voyages personnels, j'aimerais bien savoir comment on va faire pour gravir A'Dabana. Disait-il sous le regard de Teb'I, des étoiles dans les yeux.

Lyra : L'ombre SauvageWhere stories live. Discover now