Chapitre 11 - Dernier souffle

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« C'est bientôt l'heure

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« C'est bientôt l'heure. Dépêchez-vous. »

Je secouai mon manteau avant de l'enfiler et en fis de même avec mon chapeau. Nous sortîmes de la cellule, menacés par des soldats armés, et nous les laissâmes nous ligoter les mains dans le dos.

Je me sentais fatiguée, ailleurs, mais je m'efforçais de garder un visage neutre, froid, et de rester droite en avançant malgré la douleur encore vivace dans mon dos. Nous mîmes le pied dehors, sous un soleil encore timide : ses rayons perçaient les nuages grisâtres par bribes.

Des brises marines caressaient mon visage. Le temps était doux, aujourd'hui. Les intempéries de la nuit avaient laissé place à une matinée tempérée et animée d'embruns.

Nous passâmes les portes qui nous reliaient à l'extérieur de la prison. Le chemin jusqu'à la place était déjà encadré par la foule. Tout le brouhaha cessa lorsqu'on m'aperçut. Je ne pus m'empêcher de dévisager le monde pour essayer de reconnaître un visage, quelqu'un de familier, en vain.

Mes talons claquaient sur les pavés dans un quasi-silence. On chuchotait à mon passage, j'entendais mon nom, celui de mon second, parfois reconnu. La nouvelle de notre pendaison avait bien circulé au vu de la foule. Une grande structure en bois s'élevait au loin. On approchait. Les alentours semblaient bien gardés. Je jetai un énième coup d'œil autour de nous, mais trop de soldats nous surveillaient. C'était peine perdue pour espérer fuir.

La place se rapprochait trop vite à mon goût. J'aimerais pouvoir remonter les aiguilles des horloges aussi loin que possible. Avant que je ne prenne la décision d'aller sur cette maudite île des Écueils du Destin. Je serais avec ma sœur, mon amour, mon équipage, en sécurité, loin de la mort qui rôdait.

Nous arrivâmes devant l'escalier en bois de l'échafaudage. Je m'efforçai de contenir la crainte qui dévorait mon corps, et malgré mon inassouvissable désir de fuir, je gravis les marches une à une, suivie par Malaury. En hauteur, deux tabourets et deux cordes nous attendaient. Une foule se trouvait devant nous, et au loin, le roi était installé sur un siège, entouré par des soldats pour admirer notre mort.

Un sourire peiné parcourut mes lèvres : n'étions-nous qu'une simple distraction à leurs yeux ? Savaient-ils que j'attendais un enfant et que Malaury était le père ? Connaissaient-ils quoi que ce soit qui nous rendrait un peu plus humains que de simples pirates à éliminer ? Probablement pas.

Un soldat me poussa vers le premier tabouret, mais je refusai d'avancer, lui lançant un regard noir :

« Je veux voir mon second avant. »

Malaury marcha jusqu'à moi. Ses traits étaient tirés, crispés, graves.

« Ferme les yeux, ce ne sera qu'un mauvais moment à passer, me répéta-t-il.

— Ferme les yeux aussi, alors... soufflai-je. »

Il se pencha vers moi et m'embrassa longuement. Je fermai l'œil. Je me laissai aller à ses lèvres douces et chaudes. Le monde et ses cris n'existaient plus. Il n'y avait plus que nous le temps d'un ultime baiser d'amour. L'Archipel entier pouvait nous observer, je m'en moquais. C'était lui qui comptait.

« Je t'aime, nous murmurâmes-nous d'une seule voix. »

Nous montâmes sur notre tabouret ensemble. On nous fit passer la tête à travers une corde en chanvre. La sentir contre mon cou me fit frissonner. L'angoisse remontait. Mon souffle accélérait. Mon ventre se nouait. Je m'efforçais de me calmer pour garder la face une dernière fois face à cette foule que je détestais. Ils pourraient continuer de vivre après avoir profité du spectacle, eux.

Je tournai le regard à ma droite. Malaury et moi nous observions du coin de l'œil. Dire que nous aurions pu finir ensemble, en vie... que c'était rageant ! Que pouvions-nous faire ? Plus rien... quelle impuissance...

Les frissons me glacèrent.

Nous étions pris au piège.

Un soldat se tourna vers mon second :

« Vous assistez aujourd'hui à la pendaison de Malaury Corwett, second de Neven l'Écarlate ! Les crimes suivants ont été reconnus : insubordination, désertion, piraterie, assassinats, vols, pillages, abordages et impostures. Avez-vous de dernières paroles à prononcer ?

— Devenir pirate est la meilleure décision de ma vie, sous tous les angles. Je ne regrette rien.

— Vous assistez aujourd'hui à la pendaison de Neven l'Écarlate, capitaine pirate ! Les crimes suivants ont été reconnus : piraterie, assassinats, vols, pillages, abordages et impostures. Avez-vous de dernières paroles à prononcer ? »

Le clocher allait bien sonner. J'allais bientôt mourir. Bientôt suffoquer. Bientôt... plus rien, plus rien. Je voyais flou... j'étais terrorisée, mais je ne devais rien montrer. Je parvins à parler en pensant à ma sœur :

« J'ai accompli le but que je m'étais fixé dans la vie... et c'est le plus important. »

Le clocher sonna. Je me refusai de regarder la foule à mes pieds. Malaury et moi nous observâmes une dernière fois. Un coup dans les tabourets, et nous étions suspendus dans les airs, accrochés à la corde. J'eus le réflexe de relever mes bras, mais ils étaient bloqués dans mon dos. J'étouffais, je mourais, je me tortillais dans tous les sens. Je ne voulais pas ! Je ne voulais pas ! Je voulais vivre ! Je voulais respirer !

 Je ne voulais pas ! Je ne voulais pas ! Je voulais vivre ! Je voulais respirer !

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Neven l'Écarlate : Tome 3 - DéferlementWhere stories live. Discover now