la chute des corps ━ haikyuu.

OO1. L'APRES

CHAPITRE O1
L'APRÈS
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L'ODEUR QUI RÉGNAIT DANS LE GYMNASE FAISAIT FRÉMIR LA JEUNE FEMME. Le mélange de parquet frotté, de ballons en composites synthétiques, de sueur, d'excitation et de fatigue venaient s'infiltrer dans ses narines jusqu'à lui faire froncer les sourcils. Il régnait sous la voûte du bâtiment une ambiance particulière, une ambiance neuve, qui changeait radicalement de celle de la bibliothèque du Lycée. La lumière qui tombait sur les différentes zones faisait ressortir le jaune des ballons et le blanc des filets. Son sac sur l'épaule, les écouteurs dans les oreilles, Eizaburô Abe les traversa sans se presser, ignorant les regards de dépréciation sur son passage.

Aucun ballon ne l'atteignit en plein visage, principalement parce qu'elle s'était contentée de longer les terrains. Bercée par la voix britannique des Beatles, elle contourna lentement la salle qui contenait tout le matériel sportif, avant de se diriger vers les escaliers marron derrière la grande porte à battants. C'était le même chemin depuis plus de deux mois. A force, plus personne ne venait lui taper sur l'épaule pour lui demander ce qu'elle faisait là. A dire vrai, elle soupçonnait même que dès le départ, tout le monde s'en fichait, et qu'il s'agissait simplement d'une excuse pour lui poser la même question en boucle, avec ce même regard de pitié et cette petite grimace irascible. Comment vas-tu ?

En grimpant les marches, Abe entreprit de fouiller dans son sac pour retrouver son téléphone. Elle était persuadée de l'avoir entendu vibrer dans la cour, mais elle n'avait guère eu l'occasion de s'en préoccuper jusqu'ici, agrippée par son professeur principal et son éternelle inquiétude infondée sur son futur. C'était la deuxième question qu'elle entendait le plus, lorsqu'elle était au lycée. Mais mademoiselle Eizaburô, vous comprenez bien, maintenant que euh... Vous ne pouvez plus pratiquer de sport, il faut que vous changiez votre fiche d'orientation... Que comptez-vous mettre ?

Il y avait quelque chose de parfaitement vicieux à lui poser cette question en paraissant plus gêné qu'elle. Quelque chose de méprisable, de parfaitement déplacé, et d'affreuseument malsain à l'observer en se tordant les mains, comme si soudainement, elle allait avoir la réponse à cette question qui la taraudait depuis bientôt six mois. Comme si soudainement, elle allait se rendre compte, et surtout accepter, que le rêve de sa vie était fichu, et qu'il ne lui restait plus qu'à postuler dans des écoles de kinésithérapeuthie, ou de journalisme.

En sortant enfin son téléphone d'entre ses innombrables cahiers, Abe s'entendit soupirer. Non, elle ne savait toujours pas ce qu'elle allait bien pouvoir mettre sur sa feuille de vœux. Mais ce n'était pas comme si sa dernière année se terminait dans cinq mois, n'est-ce pas ? Émergeant enfin des escaliers, la jeune femme se dirigea vers sa place habituelle, et se laissa tomber sur le banc. Son regard évita soigneusement la genouillère qui emprisonnait son genou droit, et se porta plutôt sur l'écran de son téléphone portable. Une notification, ancienne de quelques minutes, trônait fièrement sur l'écran de verrouillage.

Kohan <3
15:34
rdv ce soir, n'oublie pas,
t'as pas d'excuses cette fois-ci,
j'ai vérifié, le bus fonctionne

Un sourire flotta sur ses lèvres. Elle répondit brièvement à son amie qu'elle serait là, avant de mettre son téléphone en mode silencieux, et de sortir ses cahiers de leur cachette de tissu.

Il lui avait fallu beaucoup de temps avant de revenir ici, après son accident. Le gymnase d'Inarizaki possédait encore trop de souvenirs, d'espoir, entreposait encore trop de rires et de traces de sueur pour qu'elle ne puisse accepter d'y remettre un orteil dans les conditions qui étaient désormais les siennes. Il lui avait fallu un mois et demi pour oser ne serait-ce que le regarder de loin, depuis sa salle de classe. A l'époque, elle ne considérait même pas l'idée d'y retourner. Mais elle avait réussi.