OO3. CREME

25 4 24
                                    

CHAPITRE O3
CRÈME 
──────────────────



EN CE VENDREDI SOIR, LE CENTRE DE NAGOYA GROUILLAIT D'ACTIVITÉ. Par miracle, ils étaient parvenus à grimper dans l'un des tramway bondés qui traversaient l'ensemble des quartiers de la périphérie, et s'étaient extirpés de la foule grouillante à l'une des stations annonçant l'entrée dans le centre. L'un comme l'autre avait effectué les débuts de sa scolarité à Nagoya, la route n'avait donc posé aucun problème en soit. Atsumu avait même réussi à garder la langue dans sa poche, sur une majeure partie du trajet. Il avait semblé très étrange à Abe d'être assise - par la grâce de sa genouillère - tandis qu'il la surplombait, accroché à une barre métallique.

Désormais, elle le suivait à la trace, les mains dans les poches de son short en tissu, la mine un peu perplexe. Quoi qu'assez introvertie, elle n'avait encore jamais fait l'expérience du centre-ville de Nagoya un vendredi soir. Chaque bar qu'ils dépassaient laissait échapper des rires et des brouhaha de discussion. Les lumières colorées des guirlandes lumineuses accrochées dans les rues éclairaient les cheveux décolorés d'Atsumu d'une nouvelle manière à chaque intersection. Elle sentit son portable vibrer contre son biceps, mais préféra attendre d'être arrivée à bon port avant de le sortir de sa pochette en plastique. Pour l'heure, elle se perdait dans les odeurs sucrées et les sons de la ville.

⸻ Tu es sûr que tu m'emmènes dans un café ? J'ai plutôt l'impression que tu me kidnappes pour trafiquer mes organes, ronchonna-t-elle, pour la forme.
⸻ T'as vraiment pas les idées claires. Fais moi confiance, lui répondit son accompagnateur, en lui jetant à peine un regard.

Parfois, Abe se demandait quel pouvait être le véritable caractère d'Atsumu. De loin, il lui semblait toujours affreusement arrogant et trop sûr de lui, trop fanfaron pour son propre bien. Le nombre de fois où elle s'était retournée face à son vacarme, ou à ses disputes avec son jumeau se comptait désormais sur les petits carreaux d'une feuille. Elle n'avait jamais eu l'occasion de le voir à part, hors de son groupe habituel. Non pas que cela l'ait un jour réellement intéressée, mais maintenant qu'elle se retrouvait à marcher à ses côtés, la perspective était radicalement différente. Sans rien ajouter de plus, elle préféra observer du coin de l'œil ses expressions de visage, augmentées par les lumières versatiles du petit quartier dans lequel ils marchaient.

Il lui avait toujours semblé bien à part. Pas dans le sens unique. Mais plutôt dans le sens étrange, dans son monde, si ce n'était dans sa bulle. Lorsqu'il n'était pas pris dans une de ses conversations ridicules ou dans un match, Abe lui reconnaissait une expression presque apaisée. Douce. Comme si, instantanément, tous les traits de son visage cessaient d'être soumis à une façade sociale pour laisser passer un semblant de vérité. Mais cela, bien sûr, n'était qu'une appréciation personnelle qui, de plus, se faisait généralement de loin. Et qui remontait, bien sûr, à avant son accident. Ils n'avaient jamais vraiment pris le temps de se parler, tous les deux.

Elle s'était contentée de l'observer de loin, en silence.

Soudainement, un large sourire illumina le visage d'Atsumu, et il s'empressa d'accélérer le pas. Surprise, Abe mit quelques secondes supplémentaires à le rejoindre, dissimulant tant bien que mal l'élancement dans son genou. Peut-être avait-elle légérement trop forcé aujourd'hui. Planté devant une façade couverte de lierres et de lumières, Atsumu se retourna vers elle, mains sur les hanches comme s'il avait découvert le trésor enfoui de la ville.

⸻ Alors, alors, alors ! T'as vu ? Ça t'en bouche un coin nan ?
⸻ Et bien pour l'instant c'est une façade de café... Répondit-elle platement, un sourcil plus haut que l'autre. Je ne vois pas vraiment la différence entre celui-ci et les quatre derniers qu'on a dépassés.

la chute des corps ━ haikyuu.Where stories live. Discover now