Chapitre 4

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Nil

Avril 2023, Port-au-Prince Haïti

" ...Le patron de Harendal entreprise..."

Je défile l'écran en furie pour passer l'article comme si je me sauvais de moi-même, ou plutôt de cette image qu'ils ont créé de moi. Ce genre de patron qu'on ne retrouve que dans les livres et dans les films.
Je laisse échapper un petit soupir d'exaspération, tourne littéralement les yeux.

- Tout ce carnage dans ce pays et ces foutus journalistes à deux balles ne veulent pas lâcher ma veste.

-Encore faut-il que tu te plains me lance ma sœur en déposant devant moi un plat de salade quoi de plus simple que quelques feuilles de laitues accompagnés de quelques tranches de tomates parfaitement coupées.

- merci dis-je toujours révulsé par le post qui venait tout juste de s'afficher sous mes yeux.

- Que disent t'ils cette fois-ci ? Demande t'elle d'un air sérieux.

Comme si elle y donnait une attention particulière d'habitude je la connais impassible aux dires d'autrui la concernant, aussi me concernant mais surtout la concernant.

De toute façon c'est très difficile de savoir à quoi elle pourrait bien penser, son regard en dit moins qu'elle en pense. Impossible de déchiqueter une miette d'émotions chez elle quand elle est dans cet état.
On en revient même à croire qu'elle les falsifie à son bon vouloir.

- Le patron d'Harendal entreprise, commençai je à lire à voix haute, Nil B. a été aperçu ce samedi dernier à la sortie de la maison close d'Onelson. Bien que le pays s'effond sous la gouvernance des gangs armées, Nil B. ne se retient pas et nous fait encore part de ses conquêtes.

Encore ! Que veulent-ils insinuer?
Savent-ils que j'avais rompu avec Hysadorat ? Je ne serai pas étonner si cet aliéné de Joël leur ai raconté toute l'histoire.

Franchement s'étonner ne serait que dramatiser.

J'abaisse mon téléphone pour ainsi contempler ma sœur sourire à l'autre bout de la table, cette histoire entre moi et la jeune femme lui mettait dans une petite bulle d'hystérie. Elle qui a rarement le sourire aux lèvres et comme j'aimerais être présent à tous ses rares moments ! Son sourire est ce qui cultive en moi la motivation de continuer à avancer tant bien que mal pour elle, pour nous. Pour qu'elle n'ait plus à subir tout ce qu'elle a dû enduré pendant mes longues années d'absence sans le pays.

- Ah vrai dire ils ne sont pas prêt d'oublier cette histoire avoue-t-elle avant de déposer sa fourchette au rebord de son assiette et de se servir un verre d'eau.

- Je ne pense pas, non.

- toi là, tu serais pas en train de sécher une réunion ! Me lance t'elle en plissant des yeux.

Ce constat m'arrache un rictus.
Ma sœur n'est pas sans savoir que l'entreprise n'est pas à son point fort, j'hésite tout se même à lui répondre car je n'aime pas l'inquiéter avec mes problèmes. Elle a déjà assez souffert comme ça tout ceci ne ferait que la déconcerter

- Joël est toujours actionnaire dans l'entreprise que je le veuille ou non ! Il a prévu d'organiser une réunion avec quelques autres jeunes actionnaires qui veulent vendre leur actionnariat aujourd'hui. Il voulait les rencontrer pour essayer de les contre-indiquer.

- Ah je comprends, marmonne t'elle comme si cela lui est d'un ennui.

Je la connais très froide quand il s'agit  de discuter des termes de travail. Avec son âme d'artiste tout ce qui lui met les sens en haleine c'est les formes, les couleurs, éreinter les œuvres de Ralph Allen, admirer à souhait les tableaux de Gabriel Alix, patauger dans les expositions à la bibliothèque Monique Calixte et collectionner les oeuvres de Frankétienne dans mon ancien bureau qui lui est devenu sa petite boîte de collection.
Si ce n'était pas cette histoire à ses vingt-deux ans, elle aurait dû déjà terminer avec des études en architecture qu'elle a débuté  à dix-huit ans d'âge. Elle a été diplômé après  deux ans d'études à l'ENARTS.

ZuliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant