Quelques mots qui chahutent

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Le flot du monde se disperse

En un milliers de mots.

Il serait facile de les suivre

Si l'envie m'en prenait.

Mais je suis bien,

Assise aux abords des champs de fleurs.

S'ils s'empressent de les prendre en photos

C'est qu'ils ont ressenti eux aussi

Qu'ils recelaient un peu de sens.

Je me contenterai de nommer le rouge et le violet ;

De la tulipe, mes vers n'auront pas la forme.

Ainsi ne pourrai-je jamais ériger le parfum

Au rang des inoubliés,

Car la journée passée

Toute sensation m'aura fui.

Sartre m'avait prévenu,

Tu ne peux sentir et imaginer au même instant,

Ainsi dois-je condamner sans cesse

Des couleurs et des sons, l'ivresse,

Moi qui chérit dès que la nuit tombe

Les ravages de la poésie qui gronde,

Dans les méandres de mes pensées,

Elle abolit le singulier pour saisir l'essence,

Elle dresse des portraits de songes,

Et laisse vagabonder les merveilles du monde,

Encore et encore, elle les fait danser

Dans les paysages qui me composent,

Et plus, ils valsent, plus ils perdent

Ce quelque chose que j'ai oublié

Dès l'instant où j'ai commencé à écrire.

Ne demeure que l'élan,

L'élan profond du monde

Qui habite toute poésie,

Celui qui me fascine et me crible

Dès que tout se décompose.

Reste alors à réinventer

Le monde entier,

L'espace de quelques vers

Où tout se met à chahuter avec grâce et sagesse,

Le silence devient alors l'illimité de l'encore jamais imaginé.

On chemine jusqu'aux étoiles avec quelques mots,

On redessine la courbe des larmes avec quelques souvenirs

On franchit le vide, la distance et l'inexprimable

On dérobe au temps, un secret déchiré,

Qu'on ne saurait secourir sans anéantir,

Qu'il est beau, le fruit défendu des mots,

Horizon du poète, incertitude vacillante

D'indicible brillant, arraché à l'instant,

Tulipe sans bouquet.

Poésie fugitiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant