Chapitre 24

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Wilson Street. Le lieu de son agression, ça je ne m'y attendais pas. Elle en avait bavé aujourd'hui, et je n'y étais pas pour rien, il n'était même pas midi, et pourtant, elle avait décidé d'aller là-bas. Entre ça et le reste, son visage était marqué par la fatigue et la lassitude. Mon cœur se gonfla. J'avais envie de la prendre dans mes bras mais je ne fis rien. Je pouvais lire la détermination dans son regard, celle-ci était si fragile, si vacillante que je sentais que le moindre geste de compassion pour elle réduirait à néant ses efforts.

Je sortis donc mon téléphone pour annoncer notre départ à Sharp et lui fis un signe de tête en direction des motos. Elle ne comprit pas mon intention et j'eus un petit sourire quand je la vis s'approcher de la voiture. La prenant par la taille je l'orientais face à ma Harley.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, me certifia-t-elle alors que je l'enfourchais.

— C'est toi qui vois, rétorquais-je en lui tendant le casque.

Poussant un soupir à fendre l'âme, elle l'accepta et je démarrais pendant qu'elle le mit. Je sortis les cales pour ses pieds et l'aidais à s'installer derrière moi, l'effort la fit grogner de douleur, pourtant elle ne dit rien de plus. Je la laissais s'installer et ne pus m'empêcher un sourire quand je sentis ses bras se glisser autour de moi. Je démarrais doucement lui laissant le temps de s'habituer aux vibrations du moteur trois temps. Sorti du parking, j'accélérai un peu. Elle se colla encore plus à moi, ses cuisses embrassant ma silhouette. J'étais au paradis. Ses bras tout fin me serraient un peu plus à chaque accélération, aussi je pris une allure modérée, me souvenant que la vitesse n'était pas son fort. Je profiterai d'une autre balade quand elle ira mieux pour lui montrer ce que valait vraiment ma Harley. Je fis durer le temps égoïstement, ne prenant pas le chemin le plus court pour arriver à notre destination, mais nous finîmes par arriver. Elle me tapota le bras pour m'indiquer le bar où elle souhaitait que je m'arrête. Si c'était l'endroit qu'elle avait fréquenté avant de se faire agresser, les flics et moi-même n'avions pas fouillé la bonne zone, fait chier.

Faisant fi de la circulation, je fis demi-tour pour me garer devant. Elle s'était complètement raidie sous la manœuvre, je l'entendais même me pourrir en français.

— Je n'ai pas prévu de donner mes organes maintenant ! S'exclama-t-elle en se détachant de moi.

— C'est comme ça qu'on conduit ici, me défendis-je amusé même si je le cachais.

— Pff... Tu veux ma mort oui !

Ces mots, je ne les supportais pas, aussi, je me retournais pour lui saisir le menton et la forcer à me regarder.

— Ne dis plus jamais ça !

Elle affronta mon regard un bref instant avant de glisser ses yeux sur mes lèvres. Son regard se détourna rapidement mais je sentais encore le goût de ses lèvres sur les miennes et apparemment, je n'étais pas le seul, pourtant elle n'avait pas répondu à mon baiser ce matin.

— Détends-toi Silent Boy, sinon tu me tueras de peur. Elle m'avait murmuré ces paroles et j'en eus des frissons. Je repris ma respiration. Dans un sens, elle avait raison. Je ne devais pas la pousser, même si c'était plus que tentant.

— Descends, lui ordonnais-je en lui tendant mon bras pour qu'elle prenne appui dessus.

Je la laissais se débrouiller même si j'avais envie de la prendre dans mes bras pour l'aider. Depuis quand j'étais devenu aussi tactile ? Dès qu'elle se trouvait à proximité, je n'avais plus qu'une envie, la toucher. Elle enleva le casque que je lui pris des mains en faisant bien attention à effleurer le bout de ses doigts, puis le poser sur le guidon. Elle releva un sourcil, curieuse de l'emplacement, mais ne commenta pas, j'eus un petit sourire indulgent. Comme si quelqu'un allait s'essayer à le voler.

J'observais la devanture de l'endroit où elle nous avait fait s'arrêter. C'était pas un bar comme le nôtre, Le Longhorn tenait plus du restaurant que du bar. Ouvert toute la journée, c'était un lieu très populaire en ville, aussi bien pour les repas, que pour ses soirées très texanes.

Elle passa la première, déterminée malgré sa main qui tremblait. L'hôtesse d'accueil la salua avec un grand sourire qui se figea légèrement quand elle m'aperçut avant de s'élargir.

— Une table pour deux, s'il vous plaît, demanda Frenchie.

C'est bien la première fois qu'elle fille bouclait une table pour moi. Intérieurement, cela me faisait rire, mais en même temps, venant d'elle, j'appréciais.

L'hôtesse jeta un regard discret à son patron que je saluais de la tête, il me le rendit avant de faire signe à la fille de nous donner une table.

Elle nous accompagna au plein milieu de la salle de restauration, pas vraiment pratique ni discret comme endroit pour parler, faisant le tour de la salle, je repérais une table au fond de celle-ci, vide.

— La table là-bas n'est pas réservée, lui fis-je remarquer.

L'hôtesse parut surprise un instant mais nous accompagna quand même à la table que j'avais choisie. Elle nous tendit nos cartes avec le speech habituel.

Frenchie la survola rapidement, sans rien dire. En fait, depuis qu'on était rentré, je la sentais nerveuse et l'esprit ailleurs. Son silence n'était pas pesant, mais je ne savais pas comment y mettre fin. Est-ce qu'au moins je pourrais lui parler normalement ? Putain, on aurait dit un gamin de quinze ans à son premier rencard ! D'ailleurs s'en était un de rencard ? Parce qu'aller ici comme premier rencard, on peut dire que c'était une idée de merde et puis, d'abord, il faudrait qu'elle soit d'accord avec l'idée d'avoir un rencard avec moi et vu sa réaction, je ne pouvais pas me sentir confiant quant à sa réponse si je lui posais la question.

What a shitty American Trip.Where stories live. Discover now