Ça déborde

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Hiver 2025

L'hiver ne tarda pas à venir et comme chaque année, il se mit à geler. Cette année-là, il avait neigé plus que les autres. Les transports furent bloqués plusieurs jours. Theo, elle, redevint celle qu'elle avait été avant son départ pour l'Italie. Elle ne disparaissait plus certes, mais les jours étaient devenus ses nuits. Elle se réveillait tous les jours en espérant que la prochaine nuit serait sa dernière. Elle ne le dit jamais à Cleo mais elle se vidait. Elle était constamment en colère contre Cleo, à broyer du noir ou à se réfugier dans son travail. Ne pas y penser, trouver un coupable... que de distractions pour échapper à quoi ? Elle-même probablement.


Je te regarde, la tête penchée sur ton ordinateur en train de travailler

Je te regarde la tête baissée, respirer les yeux fermés puis souffler


Cleo sentait que le bleu gagnait du terrain et bien qu'elle fut sa couleur préférée, une part d'elle refusait de voir Theo ainsi. Bleue. Et puis, elle se remit à songer à toutes leurs précédentes disputes et les pièces du puzzle commencèrent à s'emboîter. Lorsque Cleo lui demanda si elle avait trouvé un psychologue dans la région, Theo se braqua immédiatement. Néanmoins, Theo la rassurait en lui prétextant qu'elle avait beaucoup de travail et lorsqu'elle serait davantage libre, elle en rechercherait un. 

17 Janvier 2025

Comment lui dire que je suis retombée dans le terrier du lapin ? 

Elle s'inquièterait trop, en vain

L'impression que ma vie se déroule à des milliers de kilomètres de moi

Je vois flou et je me sens si loin de toi

Aliénée à mes pensées,

Chaque souvenir heureux que j'avais se retrouve effacé

Je ferme les yeux mais je suis incapable de me rappeler

Le sentiment des jours gais


Cleo finit par dîner seule, faire les courses seule, faire la cuisine seule... Elle repensa à cette fameuse dispute où elle avait reproché à Theo de ne plus pouvoir avoir une conversation profonde avec elle ; elle regretta ses paroles juste après, car elle aurait tout donné à cet instant pour une conversation futile avec la personne qu'elle aimait.


Je t'attends en repoussant l'heure de notre coucher

Je t'attends tous les jours un peu plus longtemps

Je t'attends devant la porte comme un enfant que je ne suis plus

Je t'attends et toi, tu ne viens plus


'Comment peut-on être là et pas là en même temps ?', se demanda Cleo. Et puis, Theo commença à rentrer tard, de préférence quand Cleo dormait déjà, seule. Theo se dit que si elle rentrait tard alors elle éviterait les questions gênantes comme 'on peut parler ?' ou 'l'as-tu enfin trouvé ?' ou même 'ça va?'. Elle était submergée par des vagues de tristesse et une angoisse intérieure qui la rendait nerveuse et parfois nauséeuse. 'Pourquoi il y a-t-il cette distance insurmontable entre moi et les autres ? Pourquoi je n'y arrive pas ? Pourquoi je n'arrive pas à la faire entrer ?', elle se questionna. Il y avait une forme de culpabilité terrifiante en elle. Elle aimait Cleo, c'était certain mais elle n'y arrivait pas... Comme une mèche d'allumette, elle avait brûlé et maintenant, il ne lui restait plus qu'à s'éteindre. Et dans la foulée, éteindre le brasier qu'elle avait allumé en Cleo. Cleo, quant à elle, la voyait décliner de jour en jour. 'Ses yeux perdaient de son éclat', elle se fit la réflexion. Elle ne savait pas quoi faire. Qui appeler. Quoi dire. Elle ne pouvait que ressentir la mort s'approcher. Elle finit par s'en vouloir, elle aussi.

Le bleu est aussi une couleur chaudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant