La mort dure sept secondes

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Je crois aux coups de foudre.

Je crois à ce regard qui vous transcende jusqu'à l'âme, à ce moment divin qui vous coupe le souffle et morcèle votre cœur. Cet amour aussi soudain qu'irréel, cet amour auquel on ne s'attend pas, d'une violence inouïe, si intense qu'il peut faire s'arrêter les battements qui résonnent au fond de votre poitrine pendant quelques instants.

Et sous tes yeux dissemblables, je suis morte pendant sept secondes.

Et dans tes bras dans lesquels je tombais maladroitement, je venais de renaître.

Tu m'as regardé et tu as souris.

- Fais attention où tu mets les pieds Barbie.

Et ce sourire, candide, assassin, a fini de fissurer l'univers.

C'est comme ça que l'on a fait connaissance, en cette froide matinée de novembre, à la lumière tamisée de cette boîte de nuit miteuse qui sentait la cigarette autant que toi. Je m'en souviens comme si l'on y était, et je peux te conter chaque détail, te dessiner chacune des mèches éparses qui glissaient de ton front à ta nuque.

Tu a posé tes doigts sur ma taille, là où la peau apparente et brûlante t'invitait à me découvrir un peu plus. Tu as posé ta main fermement sur ma hanche et les derniers centimètres qui nous séparaient avaient soudain disparu.

Il était huit heures trente six.

Et puis ce sont tes lèvres qui ont glissés sur les miennes, comme si elles l'avaient toujours fait. Ton parfum qui s'est mélangé à la sueur de nos corps unifiés.

Tu sentais la vodka et le chewing-gum au cassis et moi, j'ai prié pour que cet instant d'éternité soit le dernier chant d'amour sur cette planète. Je voulais que le temps s'arrête et que ma main dans la tienne y reste à tout jamais.

J'étais ivre et enivrée.

Et tout cet amour que j'écris plutôt que je ne te le crie, que j'aimerais te hurler en plein visage, n'était alors qu'un vague sentiment incertain dont je n'aurais conscience qu'à l'aube de ton départ.

Tu serais surpris, je crois, de voir à quel point je t'aime. Autant que je l'ai été lorsque je m'en suis aperçue et qu'il était déjà trop tard pour faire marche arrière.

Ça n'était pas censé finir ainsi.

Ça ne devait pas être une histoire d'amour.

Ça ne devait pas être un chagrin d'amour.

Rien ne nous destinait à tomber amoureux l'un de l'autre.

Alors il y a des jours où je regrette de t'avoir connu, des jours où je te maudis de m'avoir approché sur cette piste de danse, au milieu de cette foule inconnue, pour me hurler ton prénom à l'oreille avant de me demander le mien.

Et si je n'avais pas répondu ?

Il y en a d'autres où je me dis que sans toi et ton sourire innocent, jamais je n'aurais pu savourer cet amour véritable, aussi délicieux et fragile que du sucre glacé.

Et me voilà, six mois plus tard, à ne plus savoir où aller, à flotter dans ce corps qui souffre de trop t'aimer, à fermer les yeux sur ton départ pour tenter d'effacer ces souvenirs qui me hantent et m'empêchent de m'endormir le soir. Mais tu n'es pas si facile à oublier, contrairement à ce que tu avais promis.

S'il te plaît, ne pars pas.

Serais-tu seulement resté si je m'étais appelée Cassiopée, Aurore ou Stella ? Je ne suis que Juliette et des astres, tout ce que l'on partage, ce sont ta fête et le jour de ma naissance.

Je t'en supplie, reviens.

Parce que j'aimerais encore la serrer, cette main qui m'a tant fait rire, qui m'a fait crier, pleurer, sourire. Cette main qui m'a fait danser jusqu'à l'aube, jusqu'à ce que la lune s'éclipse et que le soleil se lève, jusqu'à ce que la semaine redémarre, entraînant avec elle son flot de travailleurs pendant qu'éméchés et inconscients, on continuait de s'enfoncer dans nos péchés, perchés là-haut dans ta tour de sel, dans un monde qui n'appartenait qu'à nous.

Jamais personne n'a autant aimé le lundi, parce qu'il était pour nous synonyme de luxure et de paresse. C'était ce jour intangible que je passais noyée sous tes caresses, ce jour sacré plein de promesses qui jamais ne semblait vouloir se terminer, ce jour perdu entre rêve et réalité durant lequel nos souffles lancinants se mêlaient sans cesse, tantôt sous l'œil apathique de Morphée, tantôt sous celui plus malicieux d'Aphrodite.

J'aurais aimer danser avec toi pour l'éternité, tu sais, jusqu'à ce que mes semelles s'abîment, jusqu'à marcher pieds nus sur les quais de ta ville, jusqu'à glisser cœur nu sous les étoiles de ta rue, jusqu'à ce que nos doigts s'engourdissent sous un ciel d'hiver qui m'a vu t'aimer un peu plus à chacune de nos rencontres. À chaque nuit passée dans tes draps, entre tes bras.

Mais tu n'es plus là pour guider mes pas.

Je t'aime.

« Je promets de danser jusqu'à ma mort et de t'aimer jusqu'en enfer. »

Tu me manques.

Et je n'ai qu'une crainte à présent.

Qu'un jour prochain, bientôt peut-être, tu ne sois plus la personne qui bouleverse mon cœur comme tu le faisais à chaque instant.

J'aurais oublié la candeur de tes gestes, quand tu glissais tes doigts délicats entre les miens, la tendresse de tes mains et les traits harmonieux de ton visage. J'aurais oublié la façon dont tu me regardes, quand la noirceur de la nuit t'empêche de retenir tes pulsions, quand on aurait cru que tu braverais la fin du monde pour m'enlacer, pour m'embrasser une dernière fois.

J'aurais oublié ce sourire enjôleur, tu sais, celui que tu es incapable de contrôler, celui qui rallume toutes les étoiles de l'univers. Et même le son de ta voix cessera de résonner en moi.

Et de toi, et de moi, et de cet amour aussi violent qu'irréel. Et de nous, il ne restera que ces photos volées de ta pureté enfantine, souvenirs éternels d'instants éphémères dont la beauté m'échappait alors.

Mais tout cet amour dont je te parle, et toute cette tendresse, et tous ces souvenirs qui nous lient ont existé dans le temps, alors, même quand le temps sera écoulé et qu'il n'en restera plus une seule seconde, tu sauras que je t'ai aimé jusqu'à l'éternel. Tu m'auras fait tomber amoureuse. Et tu m'auras aimé, aussi, et rien de cet amour ne pourra jamais être effacé, peu importe qu'il ne reste de nous que le néant demain, ou dans des milliers d'années.

Et c'est ça le plus important. C'est tout ce qui existe de nous. Ce qui a été. Ce qui a compté et que l'on oubliera jamais. Cet amour silencieux qui fait battre mon cœur et résonne en écho jusqu'aux confins de la Voie Lactée.

Dis-moi, est-ce que tu l'entends ?

Est-ce que de là-haut, tu perçois parfois des bribes de ces hurlements que j'adresse aux étoiles ?

Il est temps d'en finir à présent, il est temps de te laisser partir ou de me laisser mourir. Ou de nous laisser mourir. Parce que une part de moi sera toujours attachée à toi et que, même infime, la chance que l'on se rencontre à nouveau à la croisée des étoiles est tout ce qu'il me reste d'espoir pour te revoir une dernière fois.

À jamais,

Ou à bientôt,

Ta Juliette.

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⏰ Last updated: May 01 ⏰

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À la croisée des étoilesWhere stories live. Discover now