𝐋𝐄𝐒 𝐅𝐋𝐄𝐔𝐑𝐒 𝐅𝐀̂𝐍𝐄𝐍𝐓

16 5 0
                                    


priyah

Il était vingt-trois heures passées et Connor n'était toujours pas rentré. Priyah savait qu'il allait à la boxe après le travail, mais il ne rentrait jamais aussi tard. Il travaillait à la police : il finissait à dix-huit heures, faisait du sport jusqu'à dix-neuf heure trente et rentrait à vingt. Ils mangeaient ensemble puis ils regardaient un film ou une série. C'était comme ça depuis trois ans, lorsqu'ils avaient quitté la fac et l'académie de police. Mais depuis quelque temps, il partait plus tôt le matin et rentrait plus tard le soir. La trompait-il ? Peut-être. Avec le temps, on finit par se lasser.

Dix ans de relation, ce n'était pas rien.

Connor et Priyah, ça avait été comme une évidence. Ils se sont rencontrés au lycée, quand leurs meilleurs amis respectifs ont commencé à sortir ensemble. Peu à peu, ils se sont rapprochés et eux aussi de sont mis ensemble. Ils avaient seize ans. Toutes leurs premières fois, c'était l'un avec l'autre. Premier baiser, première fois, premier voyage à la mer. Ils étaient fait pour être ensemble. Leurs caractères collaient, leurs passions aussi. Et, plus encore, ils avaient toujours été là pour l'autre. Dans les moments de joie ou de tristesse, lorsque Connor avait perdu son père à cause d'un cancer. Lorsqu'on parlait du garçon, on parlait de Priyah aussi tellement ils étaient collés ensemble. Ils pouvaient discuter pendant des heures au téléphone la nuit ou rester ensemble dans silence apaisant. Elle connaissait tout de lui et il savait tout d'elle. Ils étaient comme des pièces de puzzle qui s'assemblaient parfaitement du premier coup.

Et pourtant, elle avait l'impression que tout partait doucement en vrille. Elle avait l'impression qu'elle vivait avec un étranger, un fantôme. Quand elle se levait le matin, le lit était froid et la seule trace du passage de Connor était sa tasse de café vide posée dans l'évier. Quand il rentrait, ils échangeaient deux ou trois mots puis elle allait se coucher, le laissant manger son plat refroidi. Mais aujourd'hui, il n'était toujours pas rentré. Elle s'inquiétait un peu mais elle s'y était faite. C'était son travail, il était qualifié et il savait se battre. Et puis, il fallait qu'elle se concentre sur son travail. Elle travaillait dans une grande maison de couture et devait rendre des croquis pour le lundi, sachant qu'elle n'avait presque rien et qu'il était vendredi.

Elle était assise par terre, des feuilles de dessin autour d'elle. Son regard se posa sur le mur des photos. Des photos d'eux adolescents. La chevelure brune épaisse de Connor et ses yeux verts brillants à côté des longs cheveux marron et des prunelles chocolat de Priyah. Eux à la mer, en train de manger des fraises, le jour de la remise des diplômes. Ses yeux commencèrent à picoter et ils dérivèrent vers ses clés de voiture. Elle se leva, s'étira et mis ses chaussures. Avant de partir, elle sortit une barquette de fraises du frigo et la déposa sur la table. C'était leur fruit préféré. Des larmes bordaient ses yeux mais elle les retenait. Elle ne pleurait jamais. Lorsqu'elle arriva au garage, son cœur se pinça. Quand ils avaient emménagé dans l'appartement, ils s'étaient rendus compte que le plafond de leur garage était si bas que Connor le frôlait. La première fois qu'ils avaient rentré la Fiat 500 de Priyah dedans, il s'était pris l'ampoule dans la tête, les faisant éclater de rire. Elle secoua la tête, chassant le souvenir. Son GPS était déjà prêt, il ne fallait qu'une heure pour aller à la côte.

Son téléphone en silencieux, le son de sa musique à fond, Priyah passa le trajet à hurler ses chansons préférées. Elle ne remarqua pas que la playlist qui jouait était celle qu'ils avaient créée ensemble.

Arrivée à la plage, elle éteignit tout et sortit dans la nuit noire, une cigarette au coin des lèvres. Le vent soufflait légèrement et elle frissonna, regrettant de ne pas avoir emporté son manteau. Elle retira ses chaussures et ses chaussettes et, les pieds dans le sable froid, se dirigea vers l'eau sombre. Connor adorait la plage. Depuis qu'elle le connaissait, il avait une obsession avec la côte. Pendant un certain temps, ils s'y rendaient tous les dimanches pour pique-niquer en amoureux, le bruit de la mer et des mouettes en fond. Elle leva les yeux et souria. Les étoiles étaient visibles. Du doigt, elle retraça les constellations qu'elle connaissait. Elle les observa un moment, respirant l'air de la mer, sa cigarette finie depuis bien longtemps. Elle se rendit compte que la plage lui rappelait Connor. Elle pouvait sentir ses mèches brunes lui chatouiller le visage alors qu'il se penchait pour l'embrasser, son souffle sur sa nuque, ses mains dans ses cheveux. Elle pouvait sentir ses yeux la regarder avec insistance quand ils passaient devant un marchand de glaces ou encore entendre son rire par-dessus les vagues.

Elle se rendit compte qu'elle avait mal.

Elle ne voulait pas avouer que sa relation avec Connor se dégradait, tout était si parfait, mais, face à la mer, elle se prit tout en pleine figure. Elle se rendit compte qu'elle avait peur de le perdre, qu'il la quitte. Cet homme aux yeux verts, c'était son quotidien. Que ferait-elle sans lui ? Elle avait besoin de se blottir dans ses bras, qu'il lui caresse les cheveux en murmurant des mots doux et rassurants au creux de l'oreille. Elle avait besoin de sentir sa chaleur, son odeur, d'entendre sa voix et son rire clair. Elle avait besoin de passer ses mains dans ses cheveux, de l'embrasser, de toucher chaque parcelle de son corps. Sans s'en rendre compte, elle était devenue dépendante à Connor. C'était son gramme de cocaïne par jour, sa cigarette du matin, l'essence qui faisait rouler sa voiture. C'était comme une planète et son satellite, Connor et Priyah.

Quelque chose se brisa soudainement en elle et elle s'arrêta un instant, la main sur le cœur. Des larmes coulèrent mais elle les essuya aussitôt.

Ne jamais pleurer pour un garçon.

Mais qu'est-ce que c'était compliqué quand ça concernait l'amour de sa vie.

Elle retourna dans sa voiture avec l'intention de fuir la mer qui lui rappelait tant Connor.

𝐖𝐄 𝐂𝐀𝐍'𝐓 𝐁𝐄 𝐅𝐑𝐈𝐄𝐍𝐃𝐒Where stories live. Discover now