𝐋𝐄𝐒 𝐅𝐄𝐔𝐈𝐋𝐋𝐄𝐒 𝐓𝐎𝐌𝐁𝐄𝐍𝐓

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Lorsqu'il était rentré, ce soir-là, Priyah n'était pas là. D'abord, il avait cru qu'elle était allée se coucher à cause de l'heure. Puis, quand il l'avait rejoint dans le lit, il s'était rendu compte qu'elle n'était plus là. Partie. Il s'était levé précipitamment et avait foncé dans la salle de bain pour voir l'état des bouteilles de gel douche. Depuis toujours, ils avaient un ordre particulier de la gauche vers la droite : la bouteille de Priyah, la sienne et le savon solide. Si l'un d'eux inversait l'ordre et qu'il ou elle n'était plus là, c'est que quelqu'un était rentré chez eux de n'importe quelle façon. Bien sûr, ce n'était pas un moyen vraiment fiable. Pourtant, son cœur s'était calmé un peu. La suite de son enquête lui avait appris que ses clés de voiture avaient disparu et que les dessins sur lesquels elle travaillait était éparpillés comme elle avait l'habitude de le faire : en arc de cercle. Il avait supposé qu'elle était partie faire un tour en voiture, l'avait appelée mais elle n'avait pas répondu. Mais le téléphone avait sonné, signe qu'il n'était pas éteint. Pas de traces de lutte, aucune serrure forcée ou fenêtre brisée. Et si quelqu'un avait sonné à la porte et qu'elle avait ouvert ? L'inconnu en aurait-il profiter pour l'enlever ? Non, il n'aurait pas pris la peine de la laisser mettre des chaussures. Alors, il avait attendu sur une chaise, la jambe droite tremblotante en observant la barquette de fraises. C'est elle qui les avait laissées là, n'est-ce pas ? Ses doigts tapaient en mesure sur la table et ses lèvres étaient presque en sang. Il allait l'attendre jusqu'au soir et appeler ses amies ou sa famille, peut-être qu'elle était allée dormir chez quelqu'un d'autre.

Mais il n'eut pas besoin de faire tout ça.

À une heure et demie, la porte d'entrée s'ouvrit sur une Priyah en jogging, claquettes-chaussettes avec un des t-shirts de l'académie de Connor. Elle n'était pas coiffée, avait des cernes sous les yeux et pourtant, il la trouvait magnifique. Son premier réflexe fut de courir la prendre dans ses bras et de la serrer contre son cœur. Il sentit qu'elle se détendit mais elle le repoussa. Ses yeux lançaient des éclairs et étaient rougis comme le bout de son nez. Il fronça les sourcils en s'éloignant d'elle, elle avait sûrement besoin d'un peu d'espace personnel.

« — Bon sang...t'étais passée où ? Je me suis inquiété !

— Ah ouais ? C'est moi qui devrait te retourner la question.

Sa voix était teintée d'une colère retenue qui étonna Connor.

— Euh...je..

— Tu quoi hein ? T'as fait des heures supplémentaires ? Il y avait des bouchons ? Tu vas inventer quoi comme excuse de merde ? Dis-le que t'es parti voir ailleurs, ça m'évitera de souffrir encore plus ! lui lança-t-elle.

Il paniqua, bégaya, tenta de trouver quelque chose à dire. La vérité c'est qu'il avait rencontré un garçon de seize ans dans son club de boxe, Aliénor. Il avait remarqué qu'après son cours, il restait jusqu'à la fin, regardant les adultes s'entraîner et aidant même à ranger. Ça lui avait rappelé lui-même avant de rencontrer Priyah. Il avait sans cesse besoin d'être hors de chez lui, dans un environnement qui lui plaisait, lui faisait ressentir ce petit frisson d'excitation. Alors, il lui avait parlé et Ali s'était confié. Ses parents se disputaient souvent, notamment sur son projet d'avenir, il voulait entrer en pro dans la boxe. Son père pensait qu'il fallait le laisser faire, le laisser échouer, alors que sa mère s'entêtait à dire qu'il devait se plonger dans des études sérieuses. Donc Connor avait décidé de l'aider à s'entraîner. De plus, il avait senti que sa copine était de plus en plus distante avec lui, comme si elle l'évitait. Peut-être avait-elle un amant. Il s'était dit qu'en rentrant plus tard, il permettait à la jeune femme d'avoir du temps seule et d'aider en même temps un jeune boxeur plein d'avenir. Il ne pensait pas qu'il lui faisait autant de mal.

— C'est bon, j'en ai marre. C'est toujours la même chose avec toi. Moi je suis là, je m'inquiète parce que tu ne rentres pas et quand t'es à la maison, tout ce que tu fais c'est m'inventer une excuse bidon, comme si t'avais quelque chose à cacher ! Et puis, on ne fait plus rien ensemble ! Chaque samedi matin, j'attends comme une conne dans le lit que tu me réveilles et que tu me dises qu'on part à la mer ou juste qu'on aille se promener ensemble !

La colère commença à monter en lui. Il faisait des efforts, il essayait mais elle ne voyait rien. Elle ne cherchait pas à le comprendre.

— J'aimerais bien mais Madame a toujours quelque chose à faire le weekend ! Soit tu pars avec tes amies au cinéma ou faire les magasins, ou alors tu t'en vas toute la journée faire je ne sais quoi ! J'ai envie de te proposer, j'ai envie qu'on fasse quelque chose mais j'ai trop peur de me prendre un gros non en pleine gueule ! Quand je suis là, tu l'es jamais !

— Oh ! C'est culotté venant de quelqu'un qui passe maximum six heures par jour à la maison en semaine ! J'ai l'impression de vivre seule ! Au matin, je me lève seule. Au soir, je mange seule. Je suis constamment seule ! Ça fait des mois qu'on a pas eu une vraie discussion, j'ai l'impression de ne plus te connaître, Connor !

— Alors quoi, c'est de ma faute ? T'as jamais pensé que, si je rentrais tard, c'était peut-être à cause de toi ?

Le visage de Priyah se figa et il regretta immédiatement ses paroles. Il ne le pensait pas. Les larmes montèrent aux yeux de la brune mais elles ne coulèrent pas.

— T'es qu'un gros con, Connor, lui cracha-t-elle.

Elle se détourna de lui et fonça vers la porte, faisant tinter ses clés de voiture.

— Non...attends, je ne le pensais pas, Priyah ! »

C'était trop tard. Elle était partie. Le cœur en mille morceaux, honteux et avec le sentiment horrible de culpabilité, il s'effondra sur une chaise. Il hésita à la suivre avec sa voiture de service. Il pourrait écarter les autres voitures facilement et même lui barrer la route. Mais si elle ne s'arrêtait pas ? Si elle fuyait loin de lui et de ses paroles blessantes ? Ou, pire, si elle avait un accident et qu'elle mourrait ? Il ne se le pardonnerait jamais. Mais il savait aussi qu'elle le détesterait encore plus s'il la suivait pour la retenir.

Automatiquement, il alla chercher les cigarettes préférées de Priyah dans l'armoire. Il en alluma une et regarda la fumée s'envoler doucement dans l'air.

Il avait peur de la perdre.

𝐖𝐄 𝐂𝐀𝐍'𝐓 𝐁𝐄 𝐅𝐑𝐈𝐄𝐍𝐃𝐒Where stories live. Discover now