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Mon sourire s'effaça rapidement lorsque la porte se referma derrière elle. Me faire des amis... je ne savais même pas comment on s'y prenait !

Au collège, je les avais tous fait fuir, avec ma conviction d'être différente, mon arrogance d'être supérieure, même, tout en cachant la raison. Et au lycée, dans une ville de taille plutôt petite, ma réputation était faite. Je m'y étais un peu calmée, mais attendais toujours la transformation en restant dans mon coin pour ne pas révéler le secret par inadvertance. Tout cela en fuyant les moqueries et en ayant perdu toute confiance en moi.

Et pour quel résultat !

A la fin de mes années de lycée, après avoir entendu une conversation de mes parents sur ma non-transformation, j'avais fermement décidé de tourner la page définitivement et de reprendre ma vie ne main, en commençant par reprendre confiance en moi, même si je savais que ça n'allait pas être facile.

J'avais également fait des changements plus visibles, comme la décoration de ma chambre. Toutes les photos de sirène, les coquillages et autres babioles me rappelant la mer et la vie aquatique finirent à la poubelle ou à la brocante. J'avais même osé couper de moitié mes longues boucles blondes dont j'étais si fière et qui atteignaient mes reins, comme une vraie sirène se devait d'avoir. Pour vraiment voire la différence en me regardant dans un miroir.

Je ne pouvais pas changer la couleur bleu océan de mes yeux que j'avais hérités de mon père. Il fallait que je fasse avec.

La fac allait être pour moi une bonne occasion de repartir de zéro, dans un lieu où personne ne me connaissait. Et sans la peur constante de dévoiler un secret bien gardé depuis des siècles.

J'avais encore plus d'un mois avant la rentrée, mais j'avais décidé de me rendre dans mon appartement au cours des vacances d'été, afin de me familiariser avec la ville. Mes bagages étaient prêts, le départ prévu pour le lendemain. J'étais à la fois excitée et un peu affolée.

**

L'appartement que nous avions choisi était un peu grand pour moi toute seule, mais je m'y sentis toute suite bien. La vue sur l'océan depuis le salon était magnifique. Depuis toujours, nous vivions dans les terres (vraisemblablement un choix de mon père), et cela m'enchantait de me retrouver si près de la mer et de ses plages gigantesques. J'avais l'impression d'être en vacances.

Mon père m'aida à décharger mes valises et s'arrêta soudain devant la baie vitrée en fixant l'étendue bleue sur laquelle miroitait le soleil d'été. Je fus frappée par ses traits tirés, ses yeux dans le vague, sa bouche pincée. Je savais qu'il pensait à sa vie d'avant et je sortis de la pièce pour ne pas l'interrompre. J'avais tourné la page, je ne voulais plus lui poser aucune question sur ce sujet.

Quelques heures plus tard, après avoir embrassé mes parents et leur avoir promis de les appeler régulièrement, je me retrouvai enfin seule chez moi. Mon regard fit le tour de la pièce principale qui servait à la fois de salon et de salle à manger. La décoration était plus que sobre, mais je m'occuperais de cela plus tard. Pour le moment, j'avais très envie de prendre l'air et le soleil sur la plage que je voyais par la fenêtre.

La côte ne se trouvait qu'à quelques dizaines de kilomètres de chez mes parents, mais le dépaysement était total. Le sable fin et chaud entre mes orteils, les palmiers, le doux bruit des vagues, mais aussi les cris des enfants qui jouaient sur la plage.

J'aime énormément mes parents, mais me retrouver seule me fit du bien.

Je déambulai sans but sur la plage depuis un petit moment, profitant de cette soirée agréable avant le coucher du soleil, quand des rires sur ma droite me sortirent de ma rêverie. Tellement habituée à ce que l'on se moque de moi à cause de mes bizarreries d'adolescente, je pensai tout de suite être visée. Mais personne ne me regardait parmi le groupe de jeunes qui semblaient bien s'amuser sur une grosse structure flottante, à quelques mètres de là. Je les observai un instant : il y avait quelques filles qui poussaient des cris perçants, quand elles ne gloussaient pas, mais surtout des garçons qui s'amusaient à les pousser à l'eau dans de grands éclats de rire.

Je m'apprêtai à reprendre ma balade, lorsque j'entendis :

― Hé ! toi, la fille ! tu viens avec nous ?

BLEU océan (tome 1)Where stories live. Discover now