Chapitre 4

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Deimos regardait sa main gauche qui doublait de volume, bien amochée et contusionnée.

Il avait été idiot. Bien qu'il ne pensait pas user de ses poings ce soir, il y aurait bien un moment où il en aurait besoin. Certes, il savait se servir de la droite bien qu'il était gaucher mais ce n'était tout de même pas pareil.

Némésis lui taperait sur les doigts – ceux où il souffrait déjà – si elle voyait dans quel état il s'était arrangé.

Allongé sur son lit, il fixait le soleil qui descendait dans le ciel au fur et à mesure que les heures passaient. Bientôt vingt-et-une heures, il devrait déjà être parti mais il préférait retarder l'inévitable le plus possible.

Après son entraînement, il s'était enfilé une bière et une banane un peu trop mûre. Dans un autre cas, il aurait dévoré un plat de pâtes à la sauce tomate recouvert d'une montagne de fromage, avec un yaourt nature en dessert pour faire bonne figure. Son ventre gargouillait fort car un fruit n'était pas suffisant pour son estomac, mais il ne pouvait rien avaler de plus. Ses intestins étaient comme noués en huit.

Il avait profité du reste de l'après-midi pour faire enfin le grand ménage dans sa chambre. Le tas de linge vieux de plusieurs semaines tournait actuellement dans la machine à laver et la poussière qui recouvrait les meubles n'était plus que souvenir. Le sol, aspiré et lavé, brillait comme un sous neuf. Il ne lui resterait plus que les vitres mais ça, ça dépendrait de s'il rentre ou non.

Au fond, il n'était pas sûr s'il faisait ça pour lui ou pour celui qui le remplacerait tôt ou tard.

Deimos s'était préparé comme Némésis le lui avait demandé. Après sa douche, il s'était résolu à enfiler son cargo renforcé avec à sa ceinture un couteau ka-bar d'un côté et un karambit de l'autre. En temps normal, il aurait également porté un gilet en kevlar au-dessus de son t-shirt, aujourd'hui il le laissait dans son armoire. Pour éviter les remontrances de sa sous-chef, il s'était quand même équipé d'une troisième lame autour de sa cheville.  Manier les armes blanches, c'était carrément son truc, mais Érèbe lui était spécialiste des armes à feu.

Le trentenaire se rappelait avoir déjà vu son ami démonter et remonter son Beretta les yeux bandés.

Deimos soupirait en se regardant dans le miroir. Il portait sur lui l'attirail complet du parfait petit tueur à gages, largement inspiré des tenues des forces spéciales. Seulement, ce soir, il se disait qu'il préférait mille fois être largué au beau milieu de rebelles afghans. Plutôt faire la guerre à une armée entière que de se retrouver en face d'Érèbe.

Le trentenaire regardait une dernière fois l'heure avant de se décider à quitter sa chambre. Tête baissée, il fonçait vers l'ascenseur et quitta les locaux de l'Enfer pour rejoindre le parking souterrain adjacent à la tour. Sa précieuse Mercedes GLS l'attendait sous une bâche protectrice. C'était sa voiture, son premier bien rien qu'à lui, qu'il s'était payé avec l'argent accumulé avec les meurtres. Dans le coffre de l'imposant SUV se cachait tout un attirail d'armes en tous genres, et une trousse de secours au cas où quelque chose tournerait mal.

Deimos pouvait tuer pour sa voiture.

Le trentenaire replia la bâche et la déposa sur les sièges arrières. Au volant de son véhicule, il soupira de nouveau avant de finir par inscrire l'adresse donnée sur la lettre dans le GPS. Apparemment, il en avait pour un bon trois quart d'heure alors il se mit en route sans trop tarder pour arriver avant que la nuit ne soit totalement tombée.

Généralement, il roulait accompagné de la radio à fond. Mais ce soir, il avait l'impression qu'il fallait mieux garder sa concentration au maximum.

Il traversait les grands boulevards sans se préoccuper de ce qu'il se passait autour de lui. Sans surprise, il grilla quelques feux et passa devant plusieurs piétons. Dans son esprit, les choses se brouillaient. Au fond de lui, il ressentait une certaine excitation de revoir son ami, mais la réalité le rattrapait bien vite au point qu'il en avait envie de vomir.

Son GPS lui indiquait de tourner à droite, sur un chemin de terre menant au cœur d'une forêt. Deimos l'écouta bêtement et suivit les indications. Il était soulagé que la pluie ne soit pas tombée ces derniers jours. La route était accidentée et si la boue s'y serait mêlée il aurait pu se retrouver coincer. Fort heureusement, la terre était sèche et sa Mercedes grimpait et descendait les dénivelés sans trop de difficulté. S'il ne meurt pas ce soir, il lui payerait un bon nettoyage demain.

Après un bon kilomètre entre les arbres, le chemin s'arrêta net à quelques mètres d'une imposante villa. Il ne voyait aucun autre véhicule sur place, avec un peu de chance, Érèbe était absent.

La bâtisse de plain pied était recouverte de baies vitrées sur une bonne partie de sa superficie. Deimos pouvait voir aisément à l'intérieur, surtout qu'une lumière semblait éclairer une pièce.

Merde...

Finalement, il y avait bel et bien quelqu'un dans la maison.

Le brun prit son courage à deux mains et sortit de sa voiture. Ses rangers foulaient le sol aussi discrètement que possible et il rejoigna la lumière qui l'attirait tel un insecte. L'air s'était rafraîchi et il regrettait de n'avoir rien enfilé de plus chaud qu'un mince t-shirt.

Deimos s'arrêta devant la baie. Au travers de la vitre, il voyait quelqu'un, assit sur un tabouret, autour d'un colossal bar en bois sculpté. Le trentenaire ferma les yeux un instant. Même aveugle, il reconnaîtrait cette nuque entre milles. Il l'avait côtoyé si longtemps.

Deimos ne bougea pas pendant un moment. Il ne savait pas dire combien de temps il était resté là, debout dans la pénombre à fixer le dos de son ami. Mais il finit par remarquer le miroir rectangulaire qui courait le long du mur, à moitié camouflé par une une dizaine de bouteilles aligné sur le comptoir. Il y voyait son reflet, alors Érèbe avait dû le remarquer aussi.

Subitement, le blond secoua un verre rempli d'un alcool ambré puis se retourna pour faire face à un Deimos désemparé. De l'extérieur, il avait l'impression qu'Érèbe se moquait de lui. Il faut dire que l'on avait vu plus discret comme cachette.

Le brun finit par s'avancer. La baie vitrée était légèrement entrouverte alors il coulissa la vitre afin de l'ouvrir suffisamment pour pouvoir rentrer. Il suspectait que ce n'était pas une erreur de son ami. Érèbe savait certainement que quelqu'un viendrait mais au vu de son regard, il ne s'attendait certainement pas à Deimos.

– J'aurais parié qu'ils allaient faire ce coup là, murmura Érèbe en passant une main nerveuse sur son crâne.

Le blond avait l'air déboussolé. Il fixait un point imaginaire à côté de Deimos mais ne posait pas ses yeux sur lui. Il reposa son verre de Scotch et se leva de son tabouret. Il grimaça en posant les pieds au sol et instinctivement porta sa main sur le côté gauche de sa poitrine.

Deimos fronçait les sourcils. L'attitude de son ami révélait qu'il s'était passé autre chose. Il avait l'air de souffrir, des côtes sûrement.

– Qui t'a fait ça ? questionna Deimos en gardant ses distances.

– Vous n'êtes pas les seuls à vouloir ma peau, Deimos.

Le brun ne comprenait pas. Ce qui se passait en Enfer restait en Enfer et personne d'autre ne pouvait s'y mêler.

Érèbe mordait sa lèvre inférieure nerveusement. S'il était parti, c'était pour une très bonne raison. Seulement, il imaginait la réaction de Deimos et ça lui serrait le cœur. Il aurait voulu se confier bien avant, mais il ne pouvait pas. Aujourd'hui, il n'avait plus rien à perdre.

– J'étais flic, Deimos. On m'a infiltré pour faire couler l'Enfer, avoua finalement le blond en serrant les poings.

Deimos porta instinctivement sa main droite à sa ceinture. Il serrait la garde de sa lame sans réellement savoir ce qu'il allait en faire. Son ami, flic ? Impossible. Le brun laissa échapper un rire moqueur.

Il ne se moquait pas d'Érèbe mais de lui-même, pour s'être fait berner si longtemps par un imposteur.

Cette nouvelle bousculait tout dans l'esprit de Deimos.

Maintenant, s'il ne tuait pas le blond, l'Enfer risquait d'être rattrapé par la justice et de s'écrouler, avec tous ceux qui y travaillaient, lui compris.

Le Septième cercle Where stories live. Discover now