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Halte ! Où vas-tu comme ça ?

En fait, ce n'étais pas tout à fait ces mots, mais c'est comme ça que je les comprenais. J'avais l'impression étrange d'avoir un traducteur dans la tête pour me faire comprendre les pensées de... de cette magnifique sirène qui ondulait vers moi avec souplesse et rapidité.

J'étais comme glacée d'épouvante devant cette apparition, ou bien était-ce de l'émerveillement, je ne savais pas trop. La femme-poisson, très belle, portait une armure en matériau inconnu sur sa poitrine et ses avant-bras, ainsi qu'une sorte de casque qui protégeait son front et son nez. Elle pointait vers moi ce qui semblait être une arme (inconnue au bataillon) et avait une queue aux écailles orange. Ses longs cheveux noirs tressés d'or flottaient derrière elle et lui donnait un aspect encore plus irréel.

Comme je n'arrivais pas à formuler de réponse, elle insista par télépathie d'un ton froid :

Je ne comprends rien à tes mots ! Dis-moi qui tu es et ce que tu fais aussi près de la surface !

J'avais du mal à me concentrer, mes pensées allaient dans tous les sens, il fallait que je me ressaisisse pour lui fournir une explication !

Je... j'habite à la surface, tentai-je de formuler dans ma tête.

Les sourcils quasi-inexistants de la sirène se froncèrent. Elle s'approcha à quelques centimètres de moi et son regard de la même couleur que sa queue fixa le mien sans ciller. Son doigt pointa ma tempe sans me toucher.

Tu crois pouvoir me faire croire une idée aussi stupide ? Tu vas me suivre et nous mettrons cela au clair plus tard. Pour l'instant, tu es en danger ici.

Ah mais non ! Non, non, je viens de là-haut, j'y retourne et on n'en parle plus !

Sa main puissante m'arrêta dans ma tentative de m'éloigner, et me fit faire volte-face en direction du gouffre. Alors que sa main aux longs doigts palmés enserrait mon bras tel un étau pour m'emporter, mon corps se mit à trembler et je tentai encore une fois de lui transmettre ma pensée :

Je suis à moitié humaine, ma famille est sur la terre, laissez-moi partir !

Elle ne réagit même pas. Tout effort physique pour me dégager était vain, elle était bien plus forte que moi. A mon plus grand désarroi, je m'enfonçais dans la profondeur de l'océan sans pouvoir rien y faire. La sirène fixait le noir devant elle sans me regarder.

Sa voix se fit entendre de nouveau dans ma tête :

Es-tu capable de cesser ce flot de mots assourdissant, oui ou non ?

Je la regardai d'abord sans comprendre, puis les paroles de mon père me revinrent : ma télépathie avait des lacunes. La sirène devait, elle aussi, entendre bien plus de choses que ce que je voulais bien partager.

Je ne sais pas comment on fait...

Elle grogna et continua la descente. Comme me débattre ne servait visiblement à rien, je me mis à l'observer discrètement.

Son visage était lice et clair, ses traits fins et osseux. Comme mon père, elle avait les oreilles pointues et les mains palmées. De sa colonne vertébrale sortait un nageoir dorsal plus imposante que la mienne, qui ne commençait qu'au niveau de mes reins. Sa queue était plus grande, et sûrement plus musclée que la mienne. Il m'était impossible de lui donner un âge, elle n'était ni jeune, ni âgée. Impossible d'en dire plus.

Alors que la descente me semblait interminable et que ma poitrine me gênait de plus en plus, je commençai à réaliser que j'allais arriver dans un lieu qu'aucun humain n'avait encore jamais vu.

Mais vu qu'il n'y avait visiblement pas beaucoup d'oxygène dans les parages, c'était peut-être pour ne jamais remonter vivante...

BLEU océan (tome 1)Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt