Part 24 - Loin du Paradis, proche de l'enfer

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Elena sort enfin de la porte à côté de la scène. Elle est à peine plus habillée et a toujours ce pot de peinture sur le visage. Ses longs cheveux couvrent le haut de son corps, mais pas assez pour cacher sa poitrine généreuse. Je suis hors de moi.

Elle se dirige vers le bar et, déjà, des connards la suivent comme des chiens en rut. J'ai envie de tout péter quand j'en vois un qui la prend par la taille – elle se laisse faire.

Elle se commande une boisson et trois mecs proposent de la lui offrir. Mais elle se tourne vers moi et me regarde avec défi tout en levant son verre.

— T'étais où ?

Stéphanie m'emprisonne le bras.

— Nulle part. Viens, on s'en va.

Je raccompagne Stéphanie devant chez elle. Je lui dis que c'est le moment. Elle sait de quoi je parle. Elle s'accroche à ma chemise, y laisse du mascara. Elle n'ignore pas que notre relation doit avoir une fin. Et c'est maintenant. Je l'avais prévenue dès le début.

J'ai arrêté de sauter d'une fille à l'autre après mon retour sur Paris. J'ai rencontré Stéphanie à la faculté. Notre relation a commencé avant les vacances de Noël.

Ce jour-là, j'avais un examen, et comme il neigeait et je ne pouvais pas prendre la moto pour m'y rendre. Ça me les cassait, mais je n'avais pas envie de finir en compote sous un bus.

Quand je suis arrivé dans l'amphi, Stéphanie m'avait gardé une place à côté d'elle comme d'habitude – elle essayait de me chauffer depuis des mois. Elle avait encore forcé sur le parfum Angel. Je le déteste, mais ça ne m'a pas empêché de lui en racheter un flacon pour son anniversaire.

— Ça va, beau gosse ?

Les flatteries ne me touchaient plus depuis un moment. Elles glissaient sur moi comme une goutte de mercure sur le sol. Mais j'ai souri et je l'ai sentie prête à tout. L'attraction que mon physique provoquait sur les femmes m'amusait autrefois, maintenant je m'en sers.

— Tu es OK pour l'examen ? a-t-elle susurré à mon intention.

Bien sûr que je l'étais. Les cours étaient une partie de plaisir pour moi. Je retiens tout.

— Oui, ai-je répondu, distant.

À la fin de l'épreuve, elle m'a suivi dans le couloir et interpellé :

— Fares ! Je te ramène ?

— Pourquoi pas.

Elle m'a raccompagné dans sa décapotable et, devant chez moi, je l'ai embrassée.

Ces filles-là ne m'intéressent plus, mais je suis restée avec elle. Je n'ai regardé personne d'autre et le seul plaisir que je m'autorisais est le sexe. Je l'ai pratiqué égoïstement. En contrepartie, j'acceptais d'être à son bras comme un bijou hors de prix. C'était donnant-donnant. Je lui ai dit d'emblée qu'il n'y aurait jamais aucun sentiment.

De retour chez moi, je repense au show d'Elena qui m'a excité au plus haut point. Peut-être que j'aurais moins de remords à me taper cette Elena-là. Et finalement, si c'est ce qu'elle veut, ce serait avec plaisir. Je suis son homme. Je touche ma douloureuse érection produite uniquement par son souvenir. Putain, c'est la première fois que j'ai envie de baiser une femme jusqu'à marquer sa peau, la mordre jusqu'à lui faire mal. C'est l'effet qu'elle a sur moi, je deviens fou.

Je m'affale sur mon canapé et pose mes pieds sur la table basse avec frustration.

Mon regard tombe sur une photo encadrée de moi et de mes parents. Je me lève et la jette contre le mur avec rage. Cet appartement, je l'ai eu à la mort de ma mère. Elle y a habité quand elle était étudiante en journalisme. Mon père m'a donné les clés le jour de mon départ, deux ans plus tôt. Il ne m'a pas demandé de choisir. Je le savais, les études et après... Je ne veux pas y penser. Il n'y peut rien. Ce qui est fait devait être fait. J'ai signé ces papiers devant lui et j'ai posé tranquillement le stylo.

***

Je réussis mes shoots dans le panier de basket les uns après les autres. J'ai trop d'énergie. Je suis une boule de nerfs. Il faut que toute cette tension me lâche. Mes muscles sont tendus et je sais qu'un truc pourrait me détendre... Il faut que j'arrête d'y penser. Ça fait plus d'une semaine que j'ai envie de tout casser.

L'Elena de mon passé me revient en mémoire, son sourire enjôleur, ses yeux d'un vert hors du commun, sa façon d'être, de me regarder. Rien à voir avec les filles du lycée. Je voulais tout lui donner. C'était nouveau pour moi et, quand elle m'a emmené dans sa chambre, j'ai eu envie d'elle, envie de son corps, de ses pensées, de son âme. Je voulais répondre à chacun de ses besoins quitte à m'oublier moi-même. Je voulais la combler. Nous étions différents sur pas mal de points, mais nous étions aussi liés par un truc qui me dépassait. Pour elle, j'aurais fait une erreur qui m'aurait coûté cher, mais pour celle que je croyais qu'elle était, j'aurais payé mille fois le prix.

J'avais encore le goût métallique du sang de ses lèvres dans ma bouche quand j'ai pris le billet d'avion pour rentrer chez moi, je n'arrivais plus à réfléchir. Je ne supportais pas de m'être trompé sur elle. Je suis doué d'habitude pour cerner les gens, mais cette fois, je n'ai rien vu venir. Je savais pertinemment qu'elle représentait une faiblesse et je suis parti, car j'ai eu peur de lui pardonner. Je craignais surtout que ma rage et ma vengeance ne la détruisent complètement.

Tous mes ballons atteignent leur cible au grand désespoir de mon adversaire en sueur. Il se penche et pose ses mains sur ses genoux.

— Temps mort, mec. Putain, tu es en forme, Fares. Ça fait longtemps que tu n'as pas tiré ton coup, on dirait.

Quel blagueur !

— La ferme, Isaac.

Isaac est un mec de la fac, on se fait souvent des matchs de basket et je ne me rappelle pas avoir perdu un jeu contre lui.

— Elle est où, Stéphanie ? demande-t-il en se redressant.

— Lâche-moi ! Je ne suis plus avec elle, dis-je pour couper court à ses questions.

Il a l'air suspicieux et je vois un sourire se dessiner sur ses lèvres. Je l'ai déjà vu jouer son don Juan devant elle. Elle m'a souvent dit qu'il la draguait dès que j'avais le dos tourné. S'il veut se la faire, qu'il n'hésite surtout pas !

— Holà ! Toi, tu as quelqu'un en tête que tu n'arrives pas à choper. Je connais trop cet air frustré.

Tu m'étonnes que tu le connais, tu l'as en permanence figé sur la tronche.

— Ferme-la !

— On pourrait peut-être se lancer un pari. Dis-moi qui c'est et on verra qui la saute en premier.

En deux enjambées, je suis face à lui, mon avant-bras sous son menton, l'obligeant à reculer de quelques mètres. Je le coince contre le grillage du terrain.

— Je t'ai dit de la fermer !

J'espère qu'il voit toute la rage dans mes yeux et qu'il va me lâcher. Taper sur le premier venu pourquoi pas, mais Isaac n'est pas celui qui me vient tout de suite à l'esprit pour me calmer.

— C'est bon lâche-moi, je plaisantais. Toi, tu as besoin d'un remontant. Ce soir, je te paie un verre. OK ?

Je le laisse se dégager et il marche sur le terrain pour récupérer le ballon, mais je n'ai plus envie de jouer. Qu'est-ce qui m'a pris de ne pas la prendre ? Ce n'est pas comme si c'était une sainte. J'en ai envie depuis longtemps et il n'y a peut-être que ça qui pourrait me soulager. Tout en elle m'obsède comme m'irrite et me replonge dans une névrose qui alimente ma frustration.

Putain, il faut que j'y retourne, je vais faire ce que j'aurais dû faire il y a bien longtemps. La goûter et la jeter comme elle le mérite. La baiser jusqu'à m'enlever ces images de l'esprit.

OK, je vais aller prendre un verre avec lui, à condition que ce soit moi qui choisisse l'endroit.

I Hate U Love Me - Saison 1 (BLACKMOON éditions Hachette)Where stories live. Discover now