6. Vol

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Mes yeux s'ouvrent violemment. Alors que je reprends peu à peu conscience de mon corps et de l'espace qui m'entoure, des bruits me parviennent à travers la porte de ma chambre. Pour l'amour de Dieu, ce que ce rêve était éprouvant. Les songes m'ont toujours paru affreusement inutiles et néfastes. Aujourd'hui, ils semblent l'être plus que jamais. Soit ces hallucinations de votre subconscient prennent le contrôle de vos pires angoisses dans un mélange de terreur et d'incompréhension, soit ils ne sont que joie et bonheur, rendant alors le réveil morne et insipide. Dans le cas présent, je venais d'expérimenter une parfaite alliance des deux. Je m'étends au fond de mon lit, fixant les fissures du plafond à la lumière de ce milieu de mâtinée. Sous les draps, il fait bon. Je me fait soudain penser à un enfant qui, suffoquant sous sa couette, croit échapper aux monstres sanguinaires du placard. Qu'importe. Dans mon rêve, je parlais d'une enquête à John depuis le salon. Lui, dans la cuisine, me répondait sur un ton léger. Il semblait captivé. Ce n'était rien de plus qu'une bribe de notre quotidien. Une bribe que pour rien au monde je ne changerai. Cependant l'atmosphère est radicalement devenu pesante quand mon colocataire est apparu. Quelques centimètres plus grand. Brun. Costume gris. Accent irlandais. Sourire malsain. Mes yeux se ferment machinalement, je ne veux pas revivre ce moment. John était John. Il répondait à son prénom, poursuivait notre conversation. Mais il avait l'apparence d'un autre. De celui qui hante mon Palais Mental depuis l'épisode maudis de la piscine. Se baladant de pièce en pièce, d'étage en étage, propageant le virus au cœur de la machine. Jim Moriarty. Je saute de mon lit et atterrit doucement sur le parquet.

"B'jour, Mrs Hudson." D'un mouvement de robe de chambre parfaitement contrôlé je m'allonge sur le canapé, les doigts entrelacés.

"Mon garçon, je veux bien vous faire du thé ou des cookies mais je ne suis pas votre gouvernante. Ce n'est pas à moi de faire la vaisselle." Vaisselle ? Alors c'est ça que John fait une fois par semaine, les mains plongées dans l'évier rempli d'eau ? Intéressant.

"Je suis allergique au produit vaisselle." C'est une excuse que j'utilise depuis mes quinze ans et qui semble toujours aussi bien fonctionner. Dans un soucis de fierté masculine, John a dans un premier temps voulu établir un partage équitable des tâches. C'est bien mal me connaître... J'ai des excuses pour tout. Tout le temps. En ce qui concerne la vaisselle, John a abandonné l'idée de me faire laver la moindre assiette un mois après notre emménagement. Même s'il sait pertinemment que cette allergie n'existe pas plus que mon traumatisme d'enfance lié à l'aspirateur. "Où est John ?"

"A l'hôpital Sherlock, comme tous les mâtins." J'allais bruyamment me plaindre de cette informations quand des pas se firent entendre dans l'escalier. Homme. Grand. Musclé. Déterminé. Pas une menace. Personne ne fait autant de bruit s'il vient commettre un meurtre ou tout autre méfait. Même si c'est en vain, il tenterait de se faire discret. Je cris à l'inconnu d'entrer. Celui-ci semble surpris, il ne bouge plus. Puis après un moment, il tourne la poignet et pénètre dans l'appartement. Je découvre alors un homme de main enrubanné dans un costume cintré noir.

"Votre frère vous fait demander, Monsieur Holmes. Maintenant." Bien entendu, pas question de protester. Mycroft aime venir ici, se moquer du rangement et postillonner dans tous les coins. S'il ne le fait pas, c'est qu'il est occupé. Le sous fifre de mon frère se déplace de quelques pas de coté et me tend mon manteau. "C'est urgent." J'avais cru comprendre, oui. Me voilà donc dans la rue, en robe de chambre. Charmante journée !

En bas de l'immeuble m'attend mon carrosse, la traditionnelle jaguar noire. Je prends place à son bord, suivi de prêt par l'inconnu en costume. Je ne l'avais jamais encore vu dans l'arme de mon frère, celui-ci. A ma gauche, Anthea esquisse un bref sourire en guise de bonjour. Polie mais pas plus. Pour une raison qui m'est à la fois inconnue et inintéressante, l'assistante de Mycroft ne m'a jamais accordé la moindre sympathie. De même pour John, qui semble toujours déçu de voir ses piètres techniques de séduction rester infructueuses. 

Derrière La PorteDonde viven las historias. Descúbrelo ahora