Chapitre 8 - L'atelier

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Lila


Dans mon atelier, je ponce, je traite le bois, je peins, je patine, je cire... sur fond de musique, et j'oublie tout. Enfin presque, parce que depuis trois jours, depuis CE jour, il m'est difficile de penser à autre chose qu'à LUI.

En début d'après-midi, j'entends des voix masculines s'élever dehors par-dessus le son de mon lecteur CD. Je frotte mes mains pleines de sciure sur ma vieille chemise à carreaux pour aller passer la tête par la porte de mon atelier. Le froid me pique le bout du nez. A une quinzaine de mètres de l'autre côté de la cour pavée, j'aperçois la porte de la cuisine de l'Auberge, et Tom et Papa sur le palier qui se font face en gesticulant.

— Ahah ! Je t'avais dit de ne pas mettre de persil ! C'est du céleri qu'il fallait mettre !

— Ni l'un ni l'autre ! Du basilic, je te dis!

— Mais pas dans cette sauce !

— Jean ! Tu m'emmerdes ! Moi je dis basilic, c'est plus innovant que ton satané céleri !

— Innovant, innovant ! Moi je te parle de cuisine du terroir ! Je vais finir par rendre mon tablier si tu continues de me parler innovation!

— C'est ça, oui, ça me fera des vacances, tiens...

— Tu me les casses Tom, tu me les casses !

Je regarde papa se diriger vers moi d'un pas vif et rageur, dans sa blouse blanche de cuisinier, un thermos de café à la main. Ses cheveux poivre et sel tombent sur son front, et encore un peu de la fumée lui sortirait des narines. II vient déposer un baiser sur mon front.

— Bonjour ma puce, souffle-t-il dans mes cheveux, avant de se détourner, une main sur la hanche.

Je suis sa fille unique. Et je serai toujours « sa puce », comme il se plaît à le dire.

— Non mais qu'est-ce qui m'a pris, je te le demande, de reprendre du service avec cet abruti ?! s' exclame-t-il.

Il jette un regard courroucé par-dessus ses lunettes, vers la porte de l'arrière cuisine de l'Auberge. C'est la question qu'il se pose à peu près tous les jours.

— Tu t'ennuies Papa, quand tu ne cuisines pas...

— Oui, eh bien, je devrais peut-être me remettre à la pêche! Ce serait plus reposant pour mes nerfs !

— Tu adores te disputer avec Tom. Tu adores Tom. Et puis la pêche en hiver, tu dis toi-même que ce n'est pas terrible.

Papa ne répond pas mais retient un sourire en me tendant le thermos, et me suit tandis que je rentre dans mon atelier.

— Et toi, comment tu vas ? Tu avances comme tu veux sur cette commode ?

Il jette un coup d'œil sur mon travail en cours, passe une main sur les angles du meuble.

— Oui, je pense que j'aurai terminé de la poncer d'ici ce soir.

— Bien, bien... Fais donc une petite pause, je vais finir cette partie.

Il prend ma ponceuse manuelle et entreprend de terminer le tiroir que j'ai commencé. Je le regarde faire, mi- agacée, mi- amusée. Il ne peut pas s'empêcher de se mêler de tout. Je vais m'appuyer contre mon établi, pour me verser un café. Je cherche mes mots pour aborder de la meilleure façon possible la question qui me turlupine sur ce qui m'empêche de dormir depuis trois jours.

— Papa ?

— Hmmm ?

—Tu te souviens quand Loïc est parti...

Une raison d'espérerDonde viven las historias. Descúbrelo ahora