Une raison d'espérer

Bonus - Flashback

Hello ^^  !

En attendant la suite d'Une Raison d'Espérer, j'ai décidé,  pour faire patienter mes fidèles lectrices, de publier quelques "bonus".

Ce sont des flashbacks, notamment. J'en ai écrit plein pour m'imprégner du passé de mes personnages, et comme malheureusement ils ne font pas particulièrement avancer la trame du roman, je ne les ai pas ajoutés à l'histoire. Ils sont là, et dorment dans un coin de mon ordi. Je les ai relus, et moi qui aime tant faire vivre mes personnages, je les trouve mignonnes, ces tranches de vie. Pourquoi ne pas en faire profiter celles qui veulent retrouver un peu de mes "trois L" ?

Voici donc un petit flashback que j'ai écrit pour développer la complicité des deux frères autrefois, le temps des jours heureux.

Evidemment, j'en profite pour laisser un message de bienvenue aux nouvelles lectrices, ainsi qu'un grand merci à toutes... c'est toujours un plaisir de voir fleurir vos petites étoiles (une belle récompense pour des heures passées à écrire et à essayer de vous offrir les meilleurs chapitres possibles à mon petit niveau), de voir vos commentaires, vos ajouts à vos listes... Je suis toujours autant touchée :) et motivée pour avancer !

Bonne lecture ! A bientôt ( pour celles qui voudront) pour un nouveau bonus !

Nath ^^

***

Lila – Douze ans plus tôt

Il arrivait que Ludovic soit là lorsque nous faisions nos devoirs. Autant Loïc avait d'étonnantes facilités pour quasiment toutes les matières, autant Ludovic avait de grosses difficultés avec la grammaire. Loïc pestait de le voir faire tant de fautes, malgré ses explications. Ce jour-là, j'étais assise devant le bureau tandis que les deux frères commençaient à lever le ton depuis le lit où ils étaient tous deux affalés. Je mâchonnai mon capuchon de stylo tout en m'efforçant de lire un extrait de texte philosophique.

— C'est quand même pas compliqué « elles se sont dirigées »... ce sont elles qui se sont dirigées. Tu accordes le participe passé avec le pronom.

— Alors « elles ont bues »... ça s'accorde aussi...?  Ce sont elles qui ont bu...

Loïc envoya valser la dissertation de son frère avec humeur.

— Tu fais chier Ludo...je t'ai dit qu'avec le verbe avoir c'est pas pareil.

Il se pencha toutefois pour désigner avec agacement un mot sur la copie, qui trônait désormais au bout du lit, prête à tomber.

— Et là, là...tu as encore mis la terminaison de l'imparfait, alors que c'est du passé simple !

— C'est pas de ma faute si tu expliques mal, Ducon.

— Je vais te faire bouffer ta rédaction, frérot.

— C'est ça, ouais... Essaie un peu...

Les deux garçons s'empoignèrent et glissèrent du lit pour atterrir lourdement sur le parquet. Evidemment, j'assistais à une bagarre en règle, au sol. La énième depuis que je les connaissais. Dans un entremêlement de bras et de jambes, la dissertation se retrouva roulée en boule, Loïc essayant d'ouvrir la bouche de son frère pour la lui glisser à l'intérieur.

Je levai les yeux au ciel, le stylo en l'air, prête à intervenir, mais la porte s'ouvrit à la volée. Hélène Legrand apparut, les sourcils froncés, et les mains sur les hanches, l'air faussement sévère.

— Les garçons, arrêtez ça tout de suite, ou c'est la corvée de nettoyage des toilettes pour tous les deux pendant une semaine !

Les deux frères s'arrêtèrent instantanément. Ludovic lâcha la tignasse de Loïc qu'il avait agrippée pour le maintenir à distance, et Loïc desserra sa poigne de la mâchoire de son frère qu'il tentait de maintenir ouverte.

— Ok, m'man, c'est bon...grogna Ludovic en donnant une dernière bourrade.

Loïc plissa les yeux mais sourit à sa mère, la copie double en boule dans sa main.

— J'essayais juste de lui faire avaler les accords du participe passé...

J'eus envie de pouffer de rire mais je me retins, et je vis qu'Hélène tentait tant bien que mal de garder son sérieux.

— Oui, eh bien...il va falloir trouver un autre moyen de réviser la grammaire, soupira-t-elle.

Elle me fit un clin d'œil avant de sortir, et de disparaître dans un léger frou-frou, celui que faisait l'étoffe de ses jupes longues. J'étais prête à parier qu'elle riait sous cape en descendant l'escalier.

Les deux frères se contentèrent ensuite de quelques insultes bien senties, qui se transformèrent en fou rire, puis en chuchotements complices. L'instant d'après j'étais bombardée de petites boulettes de papier. Je ripostai aussitôt. Pour moi, c'en était fini de Platon, Hegel ou Kant, qui me donnaient presque de l'urticaire. La philosophie pouvait bien attendre un peu.

Lucie, alertée par le bruit et les rires, vint passer sa tête blonde aux longues nattes dans l'entrebâillement de la porte. Je lui fis signe de me rejoindre derrière la chaise de bureau où je m'étais refugiée. S'ensuivit une bataille de boulettes dans un joyeux chaos. Bien sûr, il nous fallut tout ramasser et remettre en ordre.

Lorsque nous nous retrouvâmes face à face, à quatre pattes, dans un recoin de la chambre à traquer les dernières boulettes de papier, et que  nos regards se croisèrent, si pleins de tout ce qu'on ne se disait pas, Loïc effleura subrepticement mon petit doigt sur le sol avec le sien. Un infime contact qui n'était presque rien et tout à la fois. Comme si souvent, mon cœur et mon esprit s'emballèrent, sous le coup d'émotions et d'espoirs incontrôlables. J'espérai qu'il l'avait fait exprès. J'espérai qu'il recommencerait. Lucie se jeta brusquement entre nous et interrompit ce bref moment d'intimité.

— Vous êtes z'amoureux ? demanda-t-elle en nous regardant l'un après l'autre, avec sa bouille malicieuse constellée de taches de rousseur.

Je m'empourprai tandis que Loïc, gêné, détournait les yeux.

— Petite chipie...gronda-t-il avec une voix de monstre, sans répondre.

Il se pencha alors sur sa petite sœur pour la chatouiller sous les bras. Elle éclata de rire en se tortillant. Et je notai, le cœur battant, que Loïc n'avait pas démenti.

Ludovic revint nous vider la corbeille à papier sur la tête avec un " tadaaam" triomphant.

— Ludoooo  ! nous nous écriâmes en cœur, tandis qu'une centaine de boulettes de papier s'éparpillait de nouveau autour de nous.