Facétie de centenaire et le marchand de catastrophe

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- « Il est bien mignon votre assistant ! »

L'oreillarde était sans équivoque et le petit coup de coude dans les côtes de Pénélope appuya encore cette déclaration. L'intéressé fit mine de ne pas avoir entendu pour ne pas croiser le regard de la jeune femme, ses joues avait pris des couleurs lorsqu'il avait entendu le compliment. Pénélope sourit de bon cœur et fit les présentations :

- « Madame Adile, je vous présente Emilien ! Il vient de Freïa et va m'aider à la boutique un certain temps.

- Enchanté jeune homme ! sourit la cliente. J'arrive avec une ou deux générations de retard semble-t-il, s'amusa-t-elle encore devant l'apprenti qui semblait visiblement embrassé à être soudainement au centre de l'attention.

- Madame Adile est la doyenne de la ville, précisa Pénélope. Bientôt cent ans ! C'est aussi notre plus fidèle cliente !

- Je viens ici toutes les deux semaines, le mercredi. Je suis à l'autre bout de la ville, mais le talent de notre Pénélope vaut bien le détour ! Je viens chercher mes vétivaires voyez-vous, leur chant calme mes rhumatismes. Il parait que c'est un délire de vieille folle, mais et alors ? En tout cas je sais que vous n'étiez pas là la dernière fois, reprit la vieille femme pas décidée à laisser la conversation se détourner vers elle, notre chère Pénélope vous cachait-elle dans la cave pour vous garder pour elle ?

- En réalité je suis arrivé il y a peu, précisa Emilien comprenant qu'elle n'était pas du genre à le laisser se défiler, à peine plus d'une semaine. »

La clochette tinta une fois de plus et Madame Adile fit signe à Pénélope de s'occuper du nouvel arrivant.

- « Je suis entre de bonnes mains, ne vous en faites pas ! »

La jeune femme s'éloigna effectivement sereinement en pensant que c'était surtout Emilien qui était entre de bonnes mains. La centenaire semblait la personne idéale pour bousculer un peu le réfugié.

A peine leur avait-elle tourné le dos que Madame Adile faisait signe de sa main ridée pour qu'Emilien approche son oreille.

- « Une semaine déjà ! lui confia-t-elle en catimini. C'est peu, mais ne laissez pas passer trop de temps ou bien elle vous filera entre les doigts. Des comme ça vous n'en croiserez pas mille ! »

Si Emilien avait légèrement rougit plus tôt, il devint écarlate et s'étrangla.

- « Je ne suis que de passage, tenta-t-il maladroitement pour cacher le fait qu'il soit mis si facilement à découvert. Je retournerai probablement à Freïa...

- Allons donc ! Si j'ai bien suivi toute cette histoire de mondes, les gens de Freïa sont particulièrement insouciants ! Vous êtes jeune ! Profitez-en ! »

Sous le malaise d'Emilien Madame Adile était loin d'imaginer qu'il y avait plus que de la retenue. Depuis une semaine lui et l'oiseuse mettaient au point une histoire qui devait dissimuler les vraies circonstances de sa présence de ce côté du passage, et c'était la première fois que l'histoire se retrouvaient exposée à un esprit extérieur.

S'ils avaient fait croire qu'Emilien était né de ce monde il est évident qu'il aurait éveillé les soupçons tellement il peinait à cacher qu'il le découvrait à chaque seconde. Alors elle avait proposé qu'il se fasse passer pour un habitant de Freïa, car ce monde s'était développé autour d'une philosophie particulière et ses ressortissants fondaient leur vie sur l'instant présent. Ce n'était pas un trait de caractère dominant chez le terrien mais cela lui fournissait une excuse pour éluder les conversations sur un monde qu'il aurait soi-disant quitté et dont il ne connaissait en réalité que très peu de choses.

Le passage des aiguillesWhere stories live. Discover now