[Chapitre 17]

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CHAPITRE 17

***

Il fait sombre. L'odeur d'un sachet anti-mite me chatouille le nez. Je reconnais cette odeur. Elle était dans mon rêve. Je porte mes mains vers la porte et regarde à travers les lattes du placard. Oui, je suis dans le fameux placard. D'ailleurs, je sens encore les bas des manteaux qui frottent sur mes épaules et je sens toujours l'odeur des chaussures en cuir. J'entends les bruits de pas précipités sur le parquet et je dois incliner ma tête pour mieux voir à travers les interstices des lattes de la porte. Je sais que je vais voir cette femme, dans cette sublime robe rouge.

Je n'ai pas besoin de la detailler. Ses épais cheveux bruns seront encore tirés en un chignon. J'entends le rire d'un enfant.  Je tourne ma tête. La petite fille n'a pas besoin d'incliner la tête pour regarder à travers les interstices de la porte. Elle est magnifique, elle a un visage d'ange. La femme se retourne et j'aperçois le visage de ma mère. Elle est magnifique elle aussi, je lui ressemble. Elle s'approche du placard et l'ouvre rapidement.

- Trouvée, crie t-elle, amusée.

Elle s'abaisse, tend les bras et soulève la Roxane de deux ans. Sa mère, notre mère l'embrasse tendrement sur la joue. Je me lève et regarde la mère et l'enfant se câliner. Mon regard se porte sur le miroir, accroché sur le mur face a moi. La petite fille me regarde. Je crois même la voir me sourire. Un homme entre dans la chambre et s'approche de la femme et de la fillette. Il embrasse tendrement sa femme puis dépose un baiser paternel sur la joue de la fillette. Je ne reconnais pas Meyer. C'est mon père que je reconnais. Est ce possible qu'un souvenir puisse être changé?

- Devines où j'ai encore trouvé Roxane? fait la mère.

Mon père rit. J'adore son rire, même si je ne l'entends pas souvent. Il paraissait si heureux avant. Maintenant, il est eteint. Depuis vingt ans.

- Dans le placard sûrement.

Il rit une nouvelle fois puis prend la petite Roxane dans les bras. Il l'embrasse à son tour puis la pose sur le lit. Il lui met ses petites chaussures vernies et ferme les boucles. Il l'aide à mettre son manteau. Ma mère, elle, est déjà prête. Elle annonce qu'elle nous attend en bas.

- On arrive, fait mon père en descendant la fillette du lit.

La petite fille court jusqu'au placard en riant. J'entends alors les deux pop d'un silencieux. Je reconnaîtrais ce bruit entre mille pour l'avoir provoqué plus d'une fois. Mon père aussi l'a reconnu. Il se précipite vers le dressing et caresse les cheveux de la fillette doucement. Il est calme alors que moi, j'aurais déjà pètė les plombs depuis longtemps. Il chuchote des paroles d'amour à la fillette et lui supplies de ne pas faire un bruit. Il a juste le temps de refermer le placard qu'un homme apparaît dans la chambre. Meyer ! Mes poings se serrent lorsque je le reconnais. J'ai une soudaine envie de lui arracher les yeux. Oui, là, j'ai envie de tuer mon père, j'ai envie de tuer Meyer!

Les bips incessants me cassent les oreilles. J'ouvre péniblement les yeux et la lumière m'aveugle aussitôt. J'ai soif et ma trachée m'irrite. Je déplace légèrement ma main sur ma gorge et sens un plastique dur s'entremêlés dans mes doigts. Qu'est ce que je fous là ? Et qu'est ce que c'est que ce tuyau? Je panique aussitôt et j'ai du mal à respirer. Une infirmière ouvre la porte de ma chambre, suivie d'une deuxième, puis une troisième. L'une d'elle exige qu'on bipe le docteur Parrish tandis qu'une autre enleve ce satané tuyau de mes narines.

- Calmez vous Mademoiselle, Calmez vous... fait une infirmière en se penchant au dessus de moi

Je me concentre sur la trotteuse de sa montre. Tic. Tic. Tic. Tic... Les bips de la machine ralentissent progressivement.

BLACK POISON - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant