Chapitre 2 : Effie

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Haymitch est un porc. Il ne se lave jamais, ne vit qu'avec sa bouteille, fait preuve d'une vulgarité étonnante, d'une désinvolture criminelle, et honnêtement, je me demande comment une personne dotée d'aussi peu de bon sens a pu ressortir vivant des Jeux de la Faim.

Je le déteste.

Lui, et sa manie de la bouteille.

Lui, et ses yeux trop bleus.

Lui et les cicatrices sur son corps qu'il m'a été donné de voir.

Lui, et ce fichu regard qui exprime bien trop de choses à la fois !

Je le hais, de tout mon cœur et de toute mon âme. Comment ne pas haïr ce qui me rappelle tant ce que je regrette le plus ?

Les Jeux de la Faim.

Les Jeux de la Faim, et ce qu'ils m'ont obligée à accomplir.

La vérité, c'est qu'au Capitole, travailler à leur bon déroulement, c'est la même chose, à peu de choses près, que d'avoir intégré le staff d'un quizz télévisuel. Les enjeux politiques mis à part. Les Districts pensent que le Capitole est privilégié, mais ce sont des mensonges. Et en parlant de mensonge, qui a plus grandi dedans, aveuglé, que le Capitole ? Le Capitole, ses habitants désœuvrés et ses logements dorés ? Le Capitole, ses monstrueux dirigeants et les sujets soumis, hochant joyeusement la tête à chaque nouvelle horreur, sans même comprendre les conséquences de quoi que ce soit ?

Depuis que je suis enfant, le monde est ainsi autour de moi : au rythme des Jeux, les parents, les enfants, tous se pressent devant l'écran de leur télévision.

Dégustant des mets aussi copieux qu'onéreux, avec devant leur yeux de jeunes tributs s'entretuant, dans un immonde carnage, juste pour survivre.

Comme des animaux.

C'est ça, la réalité de la d'où je viens. Un monde riche d'avoir ponctionné les Districts, asseyant sa domination sur la peur et la violence. Rien ne pourra jamais rattraper le mal qui a été fait. Rien ne pourra jamais compenser les centaines de morts causées par les Jeux depuis plus de cinquante ans.

Vingt-quatre tributs envoyés à l'abattoir chaque année, un seul survivant, et ce depuis un peu plus de cinquante ans. Sans compter les Jeux d'Expiation.

Cela fait beaucoup de personnes sacrifiées pour le bon plaisir des dirigeants du Capitole.

Et à mon sens, une seule est déjà une de trop.

Ce qui me fait penser... si les tributs avaient été moins nombreux, si le pire de la boucherie avait été évité, combien de temps, aurait-il fallu à la Révolution ? Si un seul tribut avait été nécessaire, si Katniss Everdeen n'avait jamais été envoyée aux Jeux ? Si Peeta n'avait pas été là pour plaire à la foule et réussir le tour de force de faire ressentir de la compassion à la population du Capitole ?

Peeta... Katniss a été la bombe qui a fait exploser le système des Jeux, mais Peeta est la flamme qui en a embrasé la mèche. Si cela avait été n'importe quel autre homme du District Douze, il n'aurait probablement pas survécu aussi longtemps, et même dans le cas échéant, je suis à peu près certaine que Katniss l'aurait éliminé. Difficilement, certes. La mort dans l'âme, sans doute. Mais elle l'aurait fait.

De toute façon, qui ayant participé aux Jeux, de quelque manière que ce soit, n'en repart pas la mort dans l'âme ? N'est-ce pas ce que fait naître une telle pratique ?

C'est en tout cas ce que je vois dans les yeux des amants maudits des. C'est ce que je vois dans leurs yeux, mais c'est accompagné du semblant de paix qu'ils ont retrouvé dans ce qu'ils ont accompli durant le soulèvement, dans leur couple et leurs familles.

C'est aussi ce que je vois dans celui d'Haymitch, et dans le mien. La paix en moins.

A vrai dire, je ne sais pas ce qui me terrifie le plus. Son regard, ou le mien ?

Dans mes propres yeux que je dissimule derrière des lentilles de contact accordées à la couleur de mes vêtements, je ne vois rien qu'un vide immense, impossible à combler. Et je le ressens, aussi.

Cette sensation de n'être qu'une ombre, seule, sans même quelqu'un qui voudrait bien s'inquiéter pour moi. Sans même parler du grand amour, sans même parler d'amour tout court, juste, tout simplement, une personne pour laquelle mon existence aurait un sens.

Pour laquelle me toucher ne soulèverait pas le même dégoût que je vois chez ceux qui croisent ma route.

« Elle organisait les Jeux, et elle souriait. Le monstre. »

C'est ce qui se dit dans mon dos, à présent. Ce que disent les mêmes personnes qui se passionnaient pour cette boucherie et qui, versatiles, ont oublié ce qu'elles faisaient et me considèrent désormais comme une paria.

Comme quoi, le Capitole n'a pas changé et ne changera probablement jamais. Il restera cet esprit qui crée la mode. Les Jeux de la Faim et d'Expiation ne sont plus que ça, désormais. Une mode dépassée. Non un crime contre l'humanité.

Juste une simple mode, considérée ni plus ni moins que comme une erreur de goût. Et basta.

Ils ont tiré un trait ce qu'ils étaient, ce qu'ils faisaient avant le soulèvement. Ce sur ce qu'ils pensaient aussi. Et ce sont ceux qui, terrifiés par Katniss Everdeen la veille de la prise du Capitole, m'insultent et me méprisent aujourd'hui.

« Tous ces tributs morts, et elle n'a pas pleuré une seule fois. »

Alors il s'agit de cela ? C'est parce mes yeux ne peuvent verser ce stupide et inutile liquide salé que je suis si monstrueuse ?

La vie au Capitole n'est pas faite pour moi.

N'est plus faite pour moi.

Haymitch, si je te disais que j'ai mal, et que j'ai peur, et puis que je trouve ma coiffure stupide, tu me croirais ?

Haymitch, si je voulais partir, tu m'accueillerais ?



Ce chapitre se termine ici, et l'introduction des personnages avec lui. Et toi, tu as un avis ? =)
N'hésite pas à me le donner, ça me fera très plaisir ! Le nouveau chapitre arrive bientôt !

Deviens mon foyer (Hayffie)Where stories live. Discover now