Chapitre 3 : Haymitch

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Y a une jeune fille devant chez moi, et je ne sais pas qui c'est. En tout cas, elle n'a pas l'air de provenir du District Douze. Un peu plus grande, des cheveux moins longs – en général, les filles d'ici ne coupent pas les leurs – une peau plus blanche, et un corps en meilleure santé. Ce n'est pas un produit de terroir local. Peut-être du District Un ou Deux. En tout cas, elle ne se décide pas à approcher. Cela doit faire bien plus d'une heure qu'elle poireaute là. Et comme je ne compte pas me lever pour l'accueillir, elle peut attendre longtemps.

Je ne peux pas me montrer à quelqu'un dans mon état, de toute façon.

La nuit dernière, mes cauchemars se font faits plus féroces encore. S'alternaient les images de mes tributs heureux et vivants, avec des flashs de leurs dépouilles décharnées. Rapidement. Brutalement. Continuellement.

J'avais mal, et envie de pleurer. Et d'ailleurs, mes joues ne se sont pas humidifiées seules. Alors je suppose que, terrifié comme un enfant, et imprégné de solitude comme seules le sont les personnes âgées qui ont tout perdu, j'ai laissé mes larmes couler une nouvelle fois. Ce qui n'a rien d'exceptionnel chez moi, puisqu'il s'agit plus ou de moins de ma réaction ordinaire aux nuits agitées de monstruosités. Moi, un vieil homme, je fonds en larme comme un enfant terrorisé. Mais je ne suis plus un enfant, et personne ne vient me consoler. Je suis simplement seul.

Je m'en rends compte, jour après jour.

Cauchemar après cauchemar.

A chaque seconde qui passe.

Je reprends une longue lampée de la bouteille que j'ai à la main pour apaiser mon vieux cœur. Si tout était aussi facile que de descendre un litron de vin, la vie – en tout cas, la mienne – serait bien plus simple. Ne plus rien penser, ne plus se réveiller en sueur, en pleurs, et ne plus dormir que dans la frayeur.

C'est cela, mon utopie, mon eldorado.

Ce que je désire, ce que je ne recherche pas et n'essaie même plus.

Mon eldorado est l'oubli, la fuite, et même pas une fuite en avant. Juste un recul, un de plus.

Après avoir survécu la première fois, après être rentré – seul –, après avoir élu domicile dans une maison de vainqueur trop grande pour moi, puis après la première fois que j'ai bu à tout oublier, et les nombreuses fois qui ont suivies, et mon premier coaching de tribut. Et les erreurs que j'ai faites depuis. Toutes des reculs, non pas des pas en arrière, mais des kilomètres pour chacune.

Avancer, c'est accepter, se sentir utile à défaut de l'être véritablement, pouvoir vivre dans le présent, voire dans l'avenir, et non dans les affres vainement douloureuses d'un passé immobile et inamovible.

Une nouvelle gorgée réchauffe ma gorge, et je me rends compte que ce n'est pas du vin, mais du rhum. La bouteille est déjà moitié vide. Ses quatre sœurs jonchant la table basse – je ne peux décemment utiliser le verbe « poser » - m'apprennent que ce n'est pas la première de la journée. L'horloge sur mon mur indique midi trente-deux.

Soudainement, je me sens mal.

Et puis le monde, il devient bizarre.

Noir.


Bonsoir ! Ce chapitre présentait Haymitch, ermite désespéré tombé dans l'alcool pour oublier ses blessures. Ai-je bien respecté le personnage ?

N'hésite pas à me donner ton avis, ami lecteur, les commentaires et messages privés sont là pour ça ! ^.^

Deviens mon foyer (Hayffie)Where stories live. Discover now