Cœurs effacés [dispo en e-book & broché]

I - L'anniversaire - Partie 1

Aymeline

Lyon, appartement d'Adrian, jeudi 7 avril 2016

                       

Je donnai un nouveau coup d'œil dans le rétroviseur pour vérifier mon maquillage et ma coiffure. Je ne m'apprêtais que très rarement, j'avais donc un peu de mal à me reconnaître.

— Aymeline, pour la énième fois, je t'assure, tu es belle comme un cœur ! Veux-tu toujours y aller ? s'enquit ma mère avec un sourire affable.

— Oui, bien sûr !

Non, bien évidemment ! riposta ma bonne conscience du tac au tac.

— S'il n'est pas content de me voir ? Il ne sait pas que je viens. Tu ne lui as rien dit, j'espère !

C'était la première année que mon frère n'était pas à la maison le jour de son anniversaire. Je l'avais appelé le matin même dès mon réveil pour lui fêter ses 25 ans, mais ce n'était pas pareil.

Nous nous étions taquinés : moi sur son grand âge pleurant sa belle chevelure qui se raréfiait ; lui sur mon jeune âge déplorant la loi française qui accorderait sous peu le droit de vote à sa Little Fairy.

— Eh oui, dans moins de quatre mois, j'ai 18 ans !

— Lot gagnant : des sorties au bureau des électeurs. Alléluia ! railla la mauvaise. Pitié ! Arrêtons de croire que cela changera quoi que ce soit à la platitude de notre existence...

Le surnom qu'il m'avait choisi était un clin d'œil au personnage Blue Fairy de Walt Disney. Même bientôt majeure, je continuais à en regarder un de temps en temps. Il avait peut-être raison en fin de compte.

Je ne suis encore qu'un bébé, admis-je, amusée.

— Enfin un sourire ! s'exclama ma mère. Non, j'ai gardé le secret comme promis ; oui, il sera ravi de te voir. Ne dis pas de bêtises !

Elle soupira bruyamment, à l'évidence exaspérée par mes incertitudes et mon agitation puérile qui ne me menaient nulle part.

— Rentrons à la maison si tu préfères. Nous finirons de tout organiser pour la fête surprise d'Adrian.

Fête surprise qui ne l'était plus vraiment. Il avait deviné ce que nous lui mijotions pour ce dimanche.

J'étais prête à descendre de cette voiture. Du moins faisais-je tout pour m'en convaincre. Il ne s'agissait que de l'anniversaire de mon frère !

— Je n'aurais pas dû mettre...

— Arrête de te regarder dans ce rétroviseur. Tu es en train de me rendre folle... Et ce n'est pas bon pour le bébé ! me réprimanda-t-elle, affectueusement. Allez, ouste ! Va le rejoindre.

Elle décrocha ma ceinture de sécurité puis se pencha autant que son ventre de femme enceinte le lui permit pour m'entrouvrir la portière.

— Souhaite-lui un joyeux anniversaire de ma part ! m'encouragea-t-elle, faisant ainsi taire mon indécision.

J'attrapai le cadeau, mon sac bandoulière, et me dirigeai vers l'immeuble. Deux ans déjà – vingt-six mois pour être exacte – qu'il y avait emménagé. Pourtant, à chacune de mes venues, un frisson me parcourait le dos. Celui-là même qui avait glacé mon corps jusqu'à la plus infime partie quand il m'eut annoncé son déménagement.