II - Les révélations - Partie 1

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Aymeline

Aymeline

Au même instant

J'ouvris péniblement les yeux. J'étais allongée, mon corps engourdi semblait plus lourd que d'habitude.

Mais où étais-je ?

La porte entrebâillée laissait entrer un fin faisceau de lumière bleutée qui éclairait une peinture abstraite, vraisemblablement à l'huile. Elle représentait un lever de soleil radieux se reflétant dans une mer déchaînée où seuls quelques rares bateaux s'étaient aventurés. Les couleurs vives s'échappaient du centre du mur blanc tel le magma en fusion gisant d'un volcan. La lave s'écoulait le long des parois pour disparaître dans l'eau salée. Je me sentais fade, insipide en comparaison de cette toile. Pourquoi n'avais-je pas ces teintes, ces effusions ?

Sur ma droite se trouvaient une large fenêtre ainsi qu'un magnifique miroir sur pied dans lequel je devinais mon reflet. La pièce devenait de plus en plus familière jusqu'à se révéler : ma chambre chez Adrian !

Je contemplais à nouveau le tableau. Il ne m'était pas inconnu même si c'était la première fois que je le voyais accroché sur ce mur. Soudain, un sentiment de satisfaction m'envahit. Face à mon insistance, mon frère avait donc cédé et l'avait acheté à ce jeune peintre amateur que nous avions croisé sur les berges du Rhône. Un large sourire vainqueur se dessina sur mon visage puis la réalité me rattrapa.

Mais que faisais-je ici ?

De la musique et des voix me parvinrent de la pièce principale, ou peut-être était-ce de la mezzanine. Je reconnus celle d'Adrian, grave et rêche. Elle marquait son mécontentement, voire sa colère.

« ... te mêler de tes affaires... au moins une seule putain de fois ! » Il appuyait ses paroles avec une âpreté que je ne lui connaissais pas. « ... tôt ou tard, ils auraient découvert la vérité ! »

Le tonnerre gronda, ponctuant abruptement cette dernière réplique vindicative. Ce faisant, il me glaça jusqu'au bout des ongles. Un long silence s'ensuivit. Je restais immobile, quêtant un son, un mot lénifiant comme nous attendons une approbation après une réprimande.

« Anaïs, peux-tu t'occuper des invités ? »

Anaïs, la fête d'anniversaire, Adrian et Léanne, Adrian et cette fille, la crise de panique... Tout se chamboulait pour reprendre sens dans mon esprit.

J'essayais de me redresser quand une main fermement posée sur mon épaule m'arrêta.

— Ne bouge pas, ma Little Fairy, tu as besoin de te reposer, me chuchota mon frère comme s'il apaisait une bête apeurée.

Le changement dans son intonation était saisissant. Son agressivité avait fait place à de la conciliation presque à de la compassion.

— Je me sens mieux, objectai-je prestement.

Il arqua son sourcil gauche d'un air incrédule.

— Adrian, je t'assure, je suis bien. Laisse-moi me relever, s'il te plaît.

— C'était une crise de panique, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai d'un hochement de tête discret et silencieux, pas du tout encline à m'épancher sur le sujet. Il poursuivit, inquiet :

— Je pensais que tu n'en faisais plus depuis le collège. En as-tu souvent ?

— Parce que tu surveilles ma santé maintenant ? lançai-je, dubitative, la voix calme, mais froide.

Cœurs effacés [dispo en e-book & broché]Where stories live. Discover now