I - L'anniversaire - Partie 3

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Adrian

L'ambiance était festive et joviale, pourtant ce sentiment de solitude recommença à sourdre en moi.

Je rejoignais Léanne quand je vis Miss pot de colle. Cette nana était incroyable par son audace. Depuis son affectation dans le service de pédiatrie de Léanne, elle l'avait suivie comme son ombre. Aux proportions certes idéales, elle était un ravissement pour mes yeux et une excitation permanente pour mon corps. Mais les airs hautains et présomptueux qu'elle affichait m'avaient suffi pour ne l'avoir jusque-là jamais abordée. Ne serait-ce que pour connaître son prénom.

— Que fait-elle ici ? lui demandai-je, excédé.

— Elle s'est invitée. Au lieu d'être en colère, mets-la dans ton lit, cela vous fera le plus grand bien à tous les deux !

— Si, en plus, j'ai ton approbation, la taquinai-je.

Elle était de bon conseil, aussi m'approchai-je de ma proie, bien décidé à jouir de tous les plaisirs que m'offrait cette soirée.

— Quoi qu'il se passe ce soir, demain, je ne veux plus te voir.

— Oui, et ça m'convient parfait'ment ! Faudrait être aveugle pour pas piger que t'es fou d'elle.

— De qui ? rétorquai-je, paniqué.

— J'sais pas. Et à ta gueule, elle non plus, le sait pas ! Assez parlé, profite de ton cadeau d'anniversaire, me susurra-t-elle en se dandinant, l'index pointé sur mon torse.

Je m'exécutai sans discuter, car converser avec elle et endurer son timbre de voix était deux cruelles tortures pour les oreilles.

Je commençais à me chauffer quand Léanne me tira en arrière en demandant à mon divertissement de s'écarter.

Pourquoi ? Elle m'a jeté dans ses bras et, maintenant, ça ne lui plaît pas...

— Hey, que fais-tu ?

— Tais-toi et écoute, me coupa-t-elle l'intonation grave. Aymeline est là, et il se pourrait qu'elle ait appris pour nous deux. Anaïs a un peu trop parlé !

— Comment ça, Aymeline est là ?

Elle me tourna en direction du hall d'entrée. Mon cœur faillit s'arrêter quand je la vis, les yeux fermés, appuyée contre la porte, complètement repliée sur elle-même. Elle souffrait.

— Elle fait une crise de panique, criai-je avant d'accourir à ses côtés.

Dès que je l'eus transportée jusqu'à sa chambre, je l'allongeai avec délicatesse sur le lit. Inquiété par l'image de son corps inerte, je scrutais le visage de Léanne, cherchant une expression. Elle était de marbre, n'affichant aucune émotion particulière. Avec les années, nous avions appris à nous comprendre sans nous parler. C'était donc volontairement qu'elle redoublait d'efforts pour ne rien laisser paraître.

Les secondes me semblèrent des minutes quand, enfin, après avoir fini de l'ausculter, elle me rassura :

— Elle est évanouie, mais elle va bien. Nous allons lui soulever légèrement la tête avec un oreiller et attendre qu'elle revienne à elle.

— Mais que s'est-il passé ?

— Je ne sais pas... Le stress ? La chaleur ? Ou peut-être l'alcool... ? N'imagine pas le pire ! Ce n'est pas la première fois qu'elle fait un malaise.

Je n'arrivais pas à détourner mes yeux de ma Little Fairy. Je m'assis sur le bord du lit et enlaçai sa main dans les miennes. Elle était si froide que je la portai à ma bouche pour la réchauffer. À ce contact privilégié, notre échange du matin me revint en mémoire. Somme toute avait-elle eu raison. Elle avait bien mené son jeu et avait finalement réussi à me cacher quelque chose ! Cette pensée me soutira un rictus avec un arrière-goût des plus âpres.

Je téléphonai à Éléanore. Je fus étonné d'apprendre qu'elle avait été complice de cette visite inopinée.

— Je suis en ville. J'étais persuadée qu'Aymeline changerait d'avis, qu'elle me demanderait de rentrer à la maison. Je serai chez toi dans quelques minutes, me balbutia-t-elle d'une voix tremblante, trahissant l'anxiété.

Je regrettai instantanément cet appel. Elle était enceinte, de telles contrariétés devaient lui être évitées.

Je me retournai alors vers Aymeline et l'observai. Ma petite sœur était devenue une très belle femme, et ce, depuis déjà quelques années. Néanmoins ce soir-là, il y avait quelque chose de différent, elle était rayonnante. Ce fut alors que je remarquai qu'elle s'était légèrement maquillée, de manière à souligner ses magnifiques yeux verts en amande. Elle était si paisible qu'on aurait dit un ange. Elle portait son pull et son jean préférés, ce qui m'amenait à penser qu'elle s'était faite violence pour venir.

— Adrian, laisse-la se reposer. Retourne auprès de tes invités. Je te préviens dès qu'elle se réveille, m'assura ma meilleure amie.

Son ton de voix posé et rassérénant, mais autoritaire, ne parvint pas à me convaincre.

— Non, je reste à ses côtés. Je n'ai plus la tête à faire la fête...

— À aucun moment tu n'as eu la tête à faire la fête, me reprit Léanne sèchement. Bon, OK, nous avions prévu de continuer la soirée en boîte. Je vais demander à Anaïs qu'elle les accompagne.

À ce prénom, je me crispai. Qu'avait-elle dit précisément à Aymeline ? Sans réfléchir, je me levai et me dirigeai vers la mezzanine aménagée en face des chambres. S'y était-elle réfugiée, honteuse de ses paroles ou préoccupée par l'état de santé de ma sœur ? Aussitôt à sa hauteur, je l'interrogeai. C'était sans compter sur son caractère rebelle. Nullement déstabilisée, elle m'expliqua calmement qu'elle ne l'avait pas reconnue et me fit un rapide résumé de leurs échanges. Le comble était qu'elle ne se sentait même pas responsable, prétextant le cloisonnement que j'avais instauré entre mes vies professionnelle, sociale et familiale.

À cette remarque, je ne pus contenir mon acrimonie, cette agressivité rageuse bouillonnante en moi, et l'extériorisai :

— Je ne comprends pas que tu racontes tous nos faits et gestes à la première inconnue que tu croises ! Et ça, parce que tu as eu un bon feeling, lui reprochai-je.

Je fermai et ouvrai les poings à plusieurs reprises pour me calmer. En vain. Ce faisant, mon attention se portait sur l'effervescence joyeuse qui régnait dans le salon du bas. Cette dernière, communicative, m'apaisa suffisamment pour me permettre de poursuivre :

— Tu ne pouvais donc pas te mêler de tes affaires, au moins, une seule putain de fois !

— Arrête de t'en prendre à elle ! me rétorqua Léanne. Tôt ou tard, elle aurait découvert la vérité.

— C'est ce que tu me répondrais si je révélais votre relation à tes parents ? Tôt ou tard, ils auraient découvert la vérité !

Face à leur visage apeuré, je réalisai que j'avais décoché le regard noir et le ton sévère, réprobateurs, que d'habitude je réservais à mes salariés négligents. Toute diplomatie envolée, j'avais récusé arbitrairement toute argumentation.

Sous l'empire de la colère, je les avais blessées et elles ne le méritaient pas. Je m'étais emporté contre elles, alors que la seule personne à blâmer, c'était moi.

Cœurs effacés [dispo en e-book & broché]Where stories live. Discover now