Chapitre 22

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Nela lui opposa aussitôt un visage fermé. Elle n'avait pas envie de parler, pas maintenant. Son esprit était trop accaparé par les soucis de santé de sa mère. Cela seul comptait pour le moment. Pourtant, en bonne camarade, elle se montra conciliante et accorda un moment à son ami.

Tous deux se rendirent alors dans le petit cabanon près de la piscine, là où étaient rangés les produits d'entretien. Ses poings serrés, sa nervosité, tout trahissait dans son attitude son impatience d'entendre ce que Mattéo avait de si important à lui dire.

— Je suis vraiment désolé de t'avoir entraînée dans cette histoire Nela. Mais comprends-moi, comment aurais-je pu savoir qu'on allait retrouver Édouard transformé en glaçon, pendu à un arbre ? Je pensais qu'on allait s'amuser pas que...

— Il est mort, Matt ! Tu te rends compte ? Et bientôt ta curiosité va te mener à la tombe toi aussi, et je ne veux en aucun cas être mêlée à ça.

— Ne remets pas toute la faute sur moi, je ne t'ai pas forcée à me suivre non plus. Et puis, Juliana ne nous a pas punis, tu devrais être heureuse, je ne te comprends vraiment pas parfois...

Nela resta figée. Comment pouvait-il dire ça après l'horrible accident auquel ils avaient assisté. Après une grande inspiration, sans relever la dernière phrase de Mattéo, elle commença à reprendre le chemin de la piscine. Il fallait qu'elle garde son sang-froid, c'était sa seule mission, rester discrète. Mais comment pouvait-elle rester de glace devant son ami si désinvolte face au décès d'un de leurs camarades ? Ce n'était pour lui qu'un accident banal, peut-être regrettable, mais pas assez pour s'en vouloir d'avoir laissé le garçon mourir dans d'atroces conditions.

— Je t'en prie Nela, ne le prends pas comme ça, on n'aurait rien pu faire de toute façon...

— Ah oui ? Si Juliana et le concierge étaient arrivés quelques instants plus tard, tu y as pensé à ça ? Peut-être aurions-nous eu une autre idée stupide nous aussi, peut-être aurions-nous pu le tuer nous aussi, simplement en voulant l'aider !

— Arrête... Ne pense plus à ça... Une cérémonie va être donnée en son nom, j'ai entendu Juliana en discuter avec un professeur, on pourra tous faire notre deuil. Mais en attendant, tu ferais mieux de ne plus y penser.

— Quoi ? Mais comment veux-tu que je ne pense plus à ça ?

Soudain une étagère du cabanon s'écrasa au sol dans un fracas qui fit sursauter les deux élèves. En même temps, tout se mit à trembler, les balais traversèrent la pièce pour s'écraser contre les petites façades en bois. Planche par planche, le toit commença à se décomposer, menaçant de leur tomber sur la tête. Mattéo eut le réflexe de saisir Nela par le bras, qui, tétanisée, ne bougeait plus, les yeux rivés au ciel, pour l'entraîner avec lui à l'extérieur.

Allongés l'un sur l'autre devant la cabane effondrée, ils reprirent leur respiration. Mattéo, dans un moment d'égarement, posa sa main sur la joue de Nela, l'observant amoureusement, voulant s'assurer que tout allait bien, mais lorsque celle-ci ouvrit les yeux, il se releva brutalement.

— Waouh ! Mais c'était quoi ça ? Ça va Nela ?

Déstabilisée par ce qu'il venait de se passer, Nela ne comprenait pas la peur de son ami, elle l'interrogea alors du regard, se relevant à son tour.

— Ton... ton œil ! Tu devrais aller à l'infirmerie, je crois que tu t'es pris quelque chose, il est... Il est...

Nela comprit alors immédiatement de quoi il s'agissait, elle courut sans perdre de temps aux sanitaires des dortoirs, laissant Mattéo seul face à la colère du concierge.

Adossée contre la porte verrouillée, elle essaya tant bien que mal de se concentrer sur une seule émotion, mais tout se bousculait dans son esprit. Colère, peur, incompréhension, elle ne savait plus quoi penser. Une soudaine nausée monta en elle. Elle courut au lavabo, découvrit, horrifiée, qu'elle avait du sang sur ses mains. Elle releva le visage pour en affronter le reflet dans le miroir... Des frissons parcoururent son dos. Le liquide coulant le long de sa lèvre inférieure n'était rien face à son œil à l'iris jaunâtre. Elle reconnut cette tache caractéristique. Terrifiée, elle se rinça le visage, pensant faire disparaître toute cette détresse présente en elle, mais ça n'eut pas l'effet escompté, la glace renvoyait l'image d'une jeune fille perdue, essayant tant bien que mal de se battre contre une force inconnue. Prise de panique, se sentant délaissée, Nela sanglota, accrochée au lavabo, les mains tremblantes, elle ne contrôlait absolument plus rien.

Maudite, Reine de la rose noire.             [Tome 1]Where stories live. Discover now