Charlie

Chapitre Vingt - « Même son regard a changé »

- Quoi ? Mais comment c'est possible ? T'étais pas en âge de conduire au moment de l'accident !, s'exclame Anna

- Mon père est mort d'une crise cardiaque, seulement, c'est dans la voiture qu'il l'a fait et il a perdu le contrôle du véhicule et..., Charlie ne peut pas continuer, les sanglots prennent le dessus

Anna ne comprend pas tout de suite ce que dit Charlie, puis, doucement, elle assemble les pièces du puzzle et tout devient clair. Elle qui était prête à consoler Charlie... Elle se lève brutalement de sa chaise et elle sort du bar d'un pas mal assuré. Elle a envie de partir loin et aussi vite que possible.

Lorsqu'elle est enfin dehors, Anna ne contrôle plus rien et les larmes inondent bientôt ses joues. Elle pleure comme une enfant et elle pleure si fort que les passants se retournent vers elle. Mais Anna ne voit plus rien, mis à part le corps inerte de son frère, alors qu'on allait fermer le cercueil. Anna tombe à genoux sur les pavés et pleure de plus belle.

Charlie arrive en courant, il s'approche d'Anna et l'aide à se relever. Il ne sait pas quoi faire, lui aussi pleure, lui aussi n'arrive plus à contrôler ses larmes. Toute la tristesse et le remords qu'il avait enfouis en lui ressortent à cet instant précis. Il a envie de prendre Anna dans ses bras, de s'excuser encore et encore, mais alors qu'il fait un pas vers elle, la main d'Anna s'élance et s'abat lourdement sur la joue de Charlie.

- Je te déteste ! Je veux que tu meures toi aussi, je te hais !, hurle Anna

Mais la jeune femme a si peur des représailles qu'elle part en courant. Charlie reste seul, devant le bar, la main sur sa joue encore brûlante du coup que vient de lui porter Anna. Le jeune homme reste longuement seul, au milieu de la rue et puis il se décide finalement à rentrer chez lui. Il se doutait que cela se passerait comme ça, mais ce dont il ne se doutait pas, c'est que cela lui ferait autant de mal.

Anna ne sait plus vraiment où elle est, elle pleure tellement que sa vue est brouillée par les larmes et elle ne pense qu'à une chose ; l'accident qui a tué son frère. Tout ça à cause de Charlie, c'est lui qui a foncé sur Adrien et Anna ne veut même pas savoir comment cela s'est passé. Elle revoit encore et encore ce corps sans vie, recousu de part et d'autres, maquillé pour cacher certaines blessures.

La jeune femme s'arrête bientôt dans sa course folle, elle s'assied sur le banc à l'arrêt de tramway et elle tente de calmer ses sanglots. Elle est repliée sur elle-même et ne prête pas attention à tout ce monde autour d'elle. Les gens se demandent ce qui lui arrive, une vieille dame dit qu'elle a dû se faire agresser et quelqu'un d'autre surenchérit en disant que si cela se trouve, c'était un viol.

Anna n'écoute plus, elle se concentre sur sa respiration et puis les sanglots cessent et bientôt il n'y a plus que quelques larmes silencieuses qui coulent sur ses joues un peu rondes. Elle regarde dans le vide, ignorant le mouchoir qu'on lui tend ou cette main sur son épaule. Dès que le tramway arrive, elle s'engouffre à l'intérieur et va s'asseoir au fond, près de la vitre.

Elle regarde le paysage défiler, mais cela ne fait plus sens. Anna a l'impression que sa tête est emprisonnée dans un casque, elle ne voit plus rien autour d'elle, parce qu'elle souffre trop. Son cœur pleure, lui aussi. Ce trajet en transports en commun est si long qu'Anna se demande si elle arrivera chez elle un jour.

Mais lorsque le bus s'arrête enfin à l'arrêt désiré, Anna se précipite à l'extérieur et court jusqu'à chez elle. Elle ouvre la porte à la volée et sa mère qui passe dans le couloir à cet instant, sursaute légèrement et remarque dans la seconde suivante qu'Anna pleure. Alors, elle la suit jusqu'à dans sa chambre, là où Anna compte s'enfermer jusqu'au lendemain.