Le poids du passé

6.3K 283 96
                                    

Assise à la table des professeurs, la jeune femme laissait son regard errer sur les tables des élèves qui bruissaient de leur habituel bourdonnement de bavardages, de rires et de querelles d'adolescents. L'insouciance de la jeunesse avait repris ses droits, le poids qui avait pesé sur les épaules de leur génération, les faisant vieillir trop vite, s'était évanoui. C'était une sensation étrange de se dire que dix ans plus tôt, elle avait été une de ces étudiantes en uniforme, assise là-bas, à la table des Gryffondors, que dix ans plus tôt, aussi, cette même salle avait servi d'hôpital de campagne et même de morgue, lors du dernier grand affrontement. Elle en rêvait encore parfois, même si ses cauchemars s'étaient un peu espacés avec le temps. Elle faisait partie de ces étudiants qui avaient participé à la bataille finale, et avaient vécu au plus près les horreurs de la guerre, elle faisait même partie du trio qui avait permis l'éradication de Voldemort en recherchant et en détruisant les Horcruxes créés par le mage noir dans le but d'assurer son immortalité.

Elle prit soudain conscience, avec un certain étonnement, que certaines choses avaient bien changé. Les quatre immenses tables étaient toujours là, sous les blasons de leurs Maisons respectives, magiquement suspendus dans les airs, mais hors circonstances spéciales, les élèves y prenaient maintenant place au gré de leurs envies ou de leurs amitiés, sans distinction d'appartenance. Et même si le rouge dominait toujours à la table des Gryffondors, on pouvait y distinguer çà et là, des cravates aux rayures bleues, jaunes et même deux ou trois de vertes.

Hermione soupira, et jeta un regard autour d'elle à la table du personnel. Une grande partie des enseignants qu'elle avait connus étaient encore là, et elle sourit gentiment à Hagrid qui lui adressait un petit signe de la main. Le garde-chasse avait renoncé à son poste de professeur de soins aux créatures magiques au profit de Charlie Weasley, qui avait choisi de rester en Angleterre après la guerre. La perte d'Arthur et de George, suivie quelques semaines plus tard par celle de Ron, qui avait été atteint par un sort auquel personne n'avait réussi à trouver de parade, avait été un choc atroce pour Molly et ses enfants, et la famille s'était encore plus soudée autour de la matriarche.

Aurora Sinistra, qui avait pris la tête de la Maison Serpentard, discutait avec le petit Filius Flitwick, et Minerva s'efforçait de répondre poliment aux élucubrations habituelles de Sybille Trewlawney. Après la guerre, Firenze était retourné vivre parmi les siens et les candidats au poste de Divination étaient rares, Sybille avait donc conservé le sien... Les professeurs de botanique et de potions étaient d'anciens condisciples, et un homme dans la cinquantaine, un Auror de la génération de Kingsley Shacklebolt, se souvenait-elle sans réussir à mettre un nom sur son visage occupait le poste de professeur de Défense contre les Forces du Mal. Elle avait entendu dire qu'il serait remplacé à la rentrée : le travail sur le terrain lui manquait. Le poste n'était plus maudit depuis la chute de Voldemort, et pourtant personne ne l'avait jamais occupé plus de deux ans d'affilée. En terminant son tour de table, elle se rendit soudain compte qu'elle s'était presque attendue, contre toute logique, à y rencontrer une longue silhouette sombre et renfrognée. Son absence était presque aussi choquante que celle de Dumbledore.

Une aura de mystère entourait le sort du Maître des potions. Le corps de Severus Snape n'avait en effet jamais été retrouvé. Elle avait été la première, après la révélation publique par Harry Potter de son véritable rôle, immédiatement après la mort du Seigneur des Ténèbres, à se soucier d'aller chercher le corps de son ancien professeur, que dans l'urgence ils avaient abandonné dans la Cabane Hurlante, afin qu'il repose parmi les autres combattants de la Lumière, et puisse recevoir l'hommage qu'il méritait. Mais hors une large flaque de sang déjà figé, ainsi qu'une sinistre traînée de même nature conduisant à la porte, la Cabane était vide. A l'extérieur, la trace se perdait sur la terre piétinée du chemin qui traversait le petit enclos qui entourait la maison pour rejoindre l'embranchement de la route de Pré-au-Lard et du domaine de Poudlard.

VulneraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant