Chapitre 21

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Dean était en train de redécouvrir le mot « paroxysme ». Son désespoir, sa peine, sa haine, son affliction...La souffrance qu'il ressentait à cet instant aurait presque pu déclasser l'Enfer. C'était tout dire.

Après tout, le jeune homme venait de perdre le dernier espoir qui lui restait d'un jour revoir son petit frère vivant. Sammy était probablement en train de souffrir le martyre dans les limbes du Paradis et lui, qui avait juré de le protéger jusqu'à sa mort, ne pouvait rien faire pour amenuiser sa douleur. Pour se tenir à ses côtés, comme il l'avait toujours fait.

D'où le chasseur était, agenouillé dans le salon de Chuck, le regard perdu dans le vide, les bras ballants, il ne pouvait voir qu'une imminente et irrémédiable fin. La fin de Sam, la fin du monde, sa fin. Il avait tout perdu.

Peut-être pas tout. Une main se posa sur l'épaule de Dean. La poigne, ferme et protectrice, ne pouvait venir que de Bobby. Le visage antipathique de son vieil ami apparut dans son champ de vision, ses yeux exprimant une infinie tristesse.

-Je suis désolé, gamin.

Les paroles du vieux chasseur résonnèrent dans la tête de Dean, ne lui faisant éprouver qu'un vide intersidéral. Qu'est-ce qu'il en avait à faire de la pitié du monde entier ? C'est de celle de Sam qu'il avait besoin.

Le garçon se releva sans rien dire, n'accordant pas même un regard à Bobby. Chuck et Katherine avaient quitté la pièce, le laissant seul avec l'inguérissable trou qui avait pris la place de son cœur et ne le quitterait désormais plus jamais.

Le jeune homme ne pouvait ressentir qu'une haine viscérale envers l'Univers. Envers son père pour les avoir entraînés contre leur gré dans son monde de chasseur, puis avoir lâchement abandonné sa famille. Envers Azazel, qui était l'élément déclencheur de sa vie de merde, lui qui avait insufflé à son innocent petit frère des pouvoirs démoniaques. Envers lui-même, pour avoir failli à sa tâche de grand frère, pour avoir ouvertement menti à son cadet sur son état mental. Sam allait mourir sans réellement savoir qui était son aîné. Il ne le saurait jamais.

Et plus spécialement envers Zachariah, qui lui avait enlevé son frère et les laissait tous deux dépérir pour sa simple gloire personnelle.

-Je vais tuer ce fils de pute. Je vais tous les tuer.

Sur ces mots, le chasseur prit la direction de la cuisine où Chuck, un verre de scotch à la main, fixait le mur en face duquel il était assis.

-C'est de ma faute, geignit-t-il. Tout ce que j'ai écrit s'est réalisé. Et tout ce par quoi je vous ai fait passer...c'est inhumain. J'ai déclenché l'apocalypse, j'ai tué des centaines des personnes et je t'ai même envoyé en Enfer !

-C'est pas toi qui décide de nos vies, espèce d'idiot ! Tu crois qu'écrire des livres pourris qui suivent tout ce qu'on fait au pied de la lettre fait de toi le roi du monde ? Et bien désolé de ruiner tes espérances, Dieu, mais c'est pas le cas ! C'est juste hyper flippant !

Si Dean avait eu envie de répondre avec autant d'humeur à l'écrivain en robe de chambre ? Indubitablement. Et il devait avouer que ça lui faisait un bien fou. Il avait d'autres problèmes à gérer que la crise existentielle d'un homme qui passait ses journées à boire de l'alcool en peignoir.

-Où est Katherine ?

C'est seulement à cet instant que le chasseur se rendit compte de l'absence de la petite fille dans la pièce. C'est qu'il en était même venu à oublier sa présence. Alors, en plus d'être couronné pire frère de l'année, il prouvait maintenant qu'il était un père exécrable.

-Je crois qu'elle est dehors.

-Tu l'as laissée sortir toute seule ?

Une vague de panique engloutit soudain l'être de Dean, noyant toute cette indifférence qui l'habitait jusqu'alors. Il ne pouvait pas abandonner. Il n'y avait pas que sa propre vie en jeu, mais aussi celle de cette fillette, qui avait déjà trop perdu par sa faute. Cette fillette qui, en un seul instant, avait changé sa vie d'obsédé sexuel kamikaze, qui lui avait fait découvrir cette facette de lui qu'il avait appris à dissimuler, soit celle du gentil garçon, du meilleur ami...du père.

Et cette fillette était seule, dehors, sans aucune protection. Le jeune homme courut jusqu'à la porte d'entrée, s'attendant déjà mentalement à toutes les surprises. Zachariah était assez trou du cul pour s'en prendre à la gamine en se soustrayant aux règles. Mais il la trouva assise sur les marches du perron, les coudes appuyés sur les genoux, observant les étoiles qui parsemaient désormais le ciel obscur. Il souffla de soulagement. Elle ne semblait pas le moins du monde en danger de mort.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

La petite se tourna vers Dean, le visage impassible. Pendant un instant, le chasseur eut l'impression de revenir à ce soir d'octobre, quand il avait mis le pied pour la première fois dans le garage des Hamill pour rencontrer ce petit animal sauvage qu'était Katherine.

-Qu'est-ce que j'ai l'air de faire ? répondit-elle.

Dean s'assit aux côtés de la gamine, adoptant une position semblable à celle de la petite. Plus il se rapprochait d'elle et plus il remarquait des points qu'ils avaient en commun. Pas seulement dans leurs goûts et leurs manières, mes aussi dans leurs gestes. Sans pour autant que cela ne paraisse masculin, elle avait la même façon de lever les yeux au ciel lorsqu'elle était exaspérée, de relever la tête quand quelque chose piquait sa curiosité ou de se raidir lorsqu'on jouait sur ses nerfs.

-T'es en colère contre moi ?

Katherine garda les yeux rivés sur l'horizon. Quelque chose la tracassait, Dean pouvait le sentir.

-Non.

-Alors qu'est-ce que tu as ?

La fillette osa enfin poser son regard sur son géniteur. Il vit alors qu'elle avait pleuré et qu'elle semblait prête à s'écrouler de nouveau à tout moment. Une partie du cœur du jeune homme (celle qui était encore fonctionnelle émotionnellement) se brisa. Il prit la frêle carrure de l'enfant dans ses bras sans poser de questions et la laissa éclater en sanglot contre son épaule.

-Pourquoi est-ce qu'il veut que j'aille avec lui, hein ? s'exclama-t-elle d'une voix chevrotante. Et pourquoi il ne veut pas te rendre ton frère ?

-T'as pas à t'inquiéter, Kath. Peu importe ce que ce salaud à en tête, je ne le laisserai pas s'en prendre à toi. Et Sam est un grand garçon, tu sais. Il va se sortir de là et tout redeviendra comme avant, j'en suis sûr.

Y croyait-il vraiment ? Non. Dean Winchester avait cessé de croire depuis longtemps. Mais il ne pouvait pas négliger cet effet apaisant qu'il avait ressenti face à ses paroles.

-Tu n'aurais pas dû voir ça.

Le chasseur maintint son étreinte avec la gamine pendant un long moment, son menton posé sur sa tête, sa main allant et venant sur son dos dans ce qui se voulait comme un geste rassurant. Ce qu'il ne voulait pas s'avouer, cependant, c'était que lui aussi avait besoin d'être apaisé.

Puis, son téléphone sonna.

Tous deux sursautèrent. Dean s'empara machinalement du combiné, regardant à peine le nom qui était apparu sur l'afficheur. Sam. C'était Sam qui l'appelait.

C'était Sam qui l'appelait ? Le Sam pour qui il se faisait un sang d'encre depuis quatre jours ? Son petit frère qui, aux dernières nouvelles, se laissait mourir de faim dans sa geôle angélique ? Son Sammy ? Sans plus attendre, il décrocha.

-Sam ?

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Ave ! Comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Aimez-vous la relation entre Dean et Katherine ? Dites-moi ce que vous en pensez, j'aime bien savoir vous impressions ! :P

Sauvés de la PerditionWhere stories live. Discover now