Chapitre 23

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  - Mais je suppose que je ne peux pas garder ça en moi éternellement.

Elle s'allongea à plat ventre sur le matelas et entama d'une voix entrecoupée par l'émotion son discours.

- Je t'ai dit que je vivais avec ma tante, tu te souviens ?

Je hochai la tête d'un air entendu.

- Ce que je vais te raconter, il n'y a que Cécile et sa famille qui en ont connaissance. J'aimerai vraiment que tu le gardes pour toi.

- Tu peux me faire confiance, je ne dirai rien.

- Quand j'étais petite, on vivait en Polynésie avec mes parents et ma sœur. Oui, j'ai une sœur aînée. Enfin, j'avais...

Je la fixai sans comprendre. Elle n'avait jamais parlé des membres de sa famille hormis sa tante.

- Ma mère était une femme coriace. Prête à n'importe quoi pour préserver sa famille. Mon père en revanche... Ce n'était pas quelqu'un de bien. Plus les années passent, et plus je me dis qu'il était fou et cela le rendait violent. Très violent...

Son regard se perdit au loin à l'évocation de son passé, et je sentais qu'elle se retenait de craquer.

- Bien souvent, il s'énervait à cause de mes bêtises et c'était toujours ma mère qui s'interposait pour me protéger et qui recevait des coups devant nous. Parfois elle se défendait et les deux finissaient par se calmer. Je me souviens que ma sœur m'emmenait toujours à l'écart pour m'épargner ce spectacle. Seulement un jour, ça a dégénéré. Je ne saurais pas me rappeler exactement la scène, j'avais peut-être cinq ou six ans. Tout ce dont je me souviens, c'est que ma mère ne s'est pas relevée. Quand Naumi a comprit ce qui s'était passé, elle a commencé à hurler, à briser des choses. Moi je me suis lâchement cachée dans ma chambre, j'ai commencé à pleurer. Je n'ai pas osé quitter mon repère. J'ignore combien d'heures se sont écoulées avant qu'on ne me trouve. Les voisins alertés par les cris se sont pointés une fois le calme revenu et m'ont découvert. Ils ont été cherchés ma tante qui vivait plus loin. Mon père et Naumi avaient déjà disparus et après quelques semaines sans aucune trace d'eux, ma tante s'est résolue à abandonner les recherches. Elle devait depuis quitter l'île pour s'installer en France avec Claude, qui est mon oncle par alliance. On ne m'a pas vraiment laissé le choix, ni le temps de m'adapter à la situation... On a d'abord vécu près de Bordeaux, avant de s'installer à Paris.

- Je n'imagine même pas ce que tu as pu ressentir Taïna, c'est terrible...

- Si. Tu l'imagines bien mieux que quiconque autour de moi. Toi aussi tu as perdu ta mère d'une certaine manière. Mais tu as une chance de la revoir un jour. Moi j'ai perdu toute ma famille, non pas que mon père me manque, loin de là. Mais ma sœur en revanche... Il y a deux ans j'ai exigé qu'on entreprenne des démarches auprès d'un détective. Ma tante a été dure à convaincre, elle savait ce que mon père avait fait et elle n'avait pas envie d'apprendre d'autres mauvaises nouvelles. Avec l'ignorance il nous reste l'espoir. Mais rien... toujours rien. Comme volatilisés. Si je les force à retourner en Polynésie chaque année ce n'est pas pour ma grand-mère malade où les gens que je connais là-bas mais uniquement pour puiser des renseignements. J'aimerai tellement apprendre que ma sœur est en vie, qu'elle a trouvé un foyer convenable. Je n'ai jamais compris pourquoi ils étaient partis sans moi, bien que je ne le regrette pas. J'ai eu la chance d'être élevée par un membre de ma famille. Et regarde moi... Mes vêtement hors de prix, l'endroit où je vis ? Je suis pourrie gâtée et ne le mérite pas.

Et ce fut à ce moment là, que Taïna fondit en larmes. Je n'avais pas les mots, ni même les gestes pour la réconforter. Qu'aurais-je pu dire de toute manière ?

RevirementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant