Chapitre 35

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Sa présence dans ma chambre une heure à peine après ce message me soulagea quelque peu. Jules dégageait cette sérénité naturelle qui rendait le monde plus facile à vivre.

Nous nous tenions à bonne distance, lui calé sur ma chaise de bureau et moi assise mollement sur le tapis, le dos pressé contre le lit. Je lui avais raconté la courte entrevue avec ma mère et il ne savait visiblement pas quoi me conseiller.

Contrairement à Thomas, Jules n'était pas tactile dans ces instants là, il ne cherchait pas non plus à me rassurer avec des phrases pleines de bons sens. Il se contentait de hocher la tête ou de laisser filer quelques « hmm » ou bien « je vois » à intervalles réguliers tout en me laissant vider mon sac.

Je me demandais presque pourquoi il était venu si ce n'était pas pour m'épauler, mais je compris vite qu'il voulait aborder un autre sujet épineux.

Non pas que le moment soit idéalement choisi mais il faudrait bien crever l'abcès un jour ou l'autre :

- Il n'y a rien à espérer je me trompe ? souffla-t-il enfin sans soutenir mon regard.

- Tu parles de ma mère ou de notre écart de conduite ? Dans un cas comme dans l'autre, on ne devrait pas s'attendre à grand-chose...

Sa mâchoire se contracta et une petite veine sur son front apparue, trahissant sa contrariété.

- Cela ne signifie pas que je n'en ai pas envie pour autant, conclus-je enfin pour abréger sa torture.

- Et là ? Tu parles de ta mère ou de notre écart de conduite ? riposta t-il malicieusement.

- De toi évidemment...

Je me relevai pour le rejoindre, m'installant prudemment sur ses genoux avant de glisser ma main dans ses cheveux pour les replacer.

- Je dois jouer l'amant du placard alors ?

Cette perspective ne l'enchantait pas, mais je n'étais plus sûre de rien. Encore profondément attachée à Thomas je ne me voyais pas le quitter dans l'immédiat. Un simple baiser ne pouvait rivaliser avec un an et demi de relation et une amitié de longue date. Ces derniers mois avaient remis en question mes sentiments, mais ils existaient bel et bien.

Mais je ne me voyais pas non plus renoncer à Jules, le laisser courir d'autres filles sous mes yeux sans éprouver une profonde jalousie.

- Je suppose que je n'ai pas le choix de toute façon, concéda t-il face à mon mutisme.

- Dès que cette histoire avec mes parents sera réglée, j'aurais les idées plus claires. Nous aurons le temps d'en rediscuter et d'être fixés.

- J'ai aucune chance contre monsieur parfait, alors prends ton temps pour réfléchir et ne déménage pas tout de suite.

Il était résigné à n'être qu'un court épisode de ma vie et ne savait pas que mes plans d'avenir étaient tout aussi confus que mes sentiments à son égard.

Allais-je continuer à leur faire du mal à tous les deux, à les manipuler ainsi pour mon propre bonheur ? Je ne me savais pourtant pas si égoïste.

- On n'est pas obligé d'amorcer quoi que ce soit, précisai-je. Surtout que ça risque d'être compliqué à gérer avec les gens... Au lycée.

- Ma notion du bien et du mal est différente de la tienne, me coupa t-il vivement. N'essaie pas de me convaincre de renoncer, tu n'y arriveras pas. Je veux bien respecter ton choix, à condition que tu en fasses un pour commencer. Et pour Taïna cesse de t'en faire, ça ne la regarde pas.

- Je n'ai pas envie de perdre mes amies ou ma réputation pour si peu.

- J'embrasse si mal que ça ? s'offusqua t-il.

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