Chapitre 3

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San francisco - 5 Seconds of Summer

*

Encore coincée dans le noir complet, cette obscurité me pèse et m'effraie. Je dois refaire le même rêve, ça ne me rassure pas du tout. Toujours cette lumière ou plus exactement le visage de mon père, mais cette fois je peux comprendre ce qu'elle dit. Sa voix est étrange, inquiétante, grave. Elle me menace.

« Je te surveille, fais attention, je suis là... »

Ces mots me trottent dans la tête, de plus en plus fort, il crie. Je ne supporte plus cette pression. Il hurle, me brisant les tympans.

Je me réveille en sueur. Plus rien, le silence complet. Je me demande ce qu'il voulait dire. Pourquoi essaye-t-il de me faire peur ? Après tout ce n'est qu'un rêve, mais il faut quand même que je sache pourquoi il me dit ça. Il ne peut pas me voir, il ne peut pas me surveiller. Il est mort ! Cela n'a aucun sens. Comment peut-il encore et encore essayer de me faire du mal, de me faire souffrir, même après sa mort. Il veut me torturer. Tout à coup des souvenirs reviennent...

Il fait noir, je suffoque. Je me suis cachée dans le placard. Papa veut me faire mal, il dit que j'ai été méchante. Il a pris Sophie, ma poupée, il l'a prise. Il m'a dit qu'elle le regardait mal et qu'il ne voulait plus la voir, que ce n'était pas bien que j'aie une poupée parce que j'étais à lui et à personne d'autre. J'ai vu la tête de Sophie, elle voulait que je l'aide mais je ne pouvais pas, je ne pouvais pas dire à papa d'arrêter sinon, il m'aurait fait mal, il me fait peur papa. J'ai dit à Sophie que j'étais désolée mais papa a pris des ciseaux et il m'a dit de regarder. Je ne voulais pas voir ça mais papa m'a pris la tête et m'a mis une claque. Il m'a dit qu'il voulait que j'ouvre les yeux. Il a commencé à découper les bras de Sophie, j'ai pleuré mais il m'a giflé, alors je me suis tue. Il a ensuite découpé ses jambes, puis sa robe et a terminé par la tête. Celle-ci est tombée et a roulé jusqu'à mes pieds. Je l'ai prise et je suis partie en courant. C'est là que je me suis cachée, mais papa m'a trouvé, il m'a regardé et quand j'ai vu ses yeux, j'ai su qu'il voulait me faire du mal...

Il fait nuit, cela ne me rassure pas. D'habitude le noir me calme. Les étoiles qui brillent me donnent l'impression de nous regarder. Normalement je trouve plutôt rassurant quelque chose qui puisse nous observer et veiller sur nous, c'est ce que mon frère me disait quand j'étais petite. Il me disait que les étoiles me protégeaient et qu'un jour papa serait puni pour ce qu'il nous faisait. En revanche, là je trouve ça pesant, comme si quelqu'un m'observait, quelqu'un de malsain, quelqu'un comme mon père.

Je me recouche sans être sûre que je pourrai me rendormir. J'ai encore ces paroles dans la tête. "Je te surveille..." Je finis quand même par sombrer dans un sommeil profond, sans rêve, sans pensées.

C'est la sonnette de l'entrée qui me réveille ce matin. Il me faut à peine une minute avant de réaliser que c'est Stephen qui arrive. Je saute de mon lit et cours dans les escaliers, encore en pyjama. Je me rue sur lui, manquant de peu de le faire tomber à la renverse.

« Hey ! Emma ! Calme-toi je ne vais pas repartir, s'exclame-t-il en rigolant

- Désolé mais avec ta taille de fourmi j'ai toujours peur que tu t'envoles »

Il me tape gentiment l'épaule. C'est vrai que Stephen n'est pas très grand. Il fait à peu près ma taille, ce qui n'est pas grand-chose quand on me voit. Il a les cheveux blonds mais sombres et des yeux marrons très foncés. Il a toujours cette petite lueur au fond du regard, quand il rit, ou encore sa manière de plisser le front quand il réfléchit qui est absolument adorable.

Une fois que je desserre mon étreinte, Stephen se met à rire plus fort.

« Qu'est-ce que tu as ?

- C'est que... Ton pyjama... C'est hilarant... les petites licornes j'en peux plus, souffle-t-il peinant à retrouver sa respiration. »

C'est là que je me rends compte qu'en effet, je suis ridicule. Je remonte quatre à quatre les escaliers, rouge de honte, pour m'habiller décemment. Une fois vêtue de quelque chose de correct je descends voir les gars, Stephen ayant rejoint Pierre qui était dans le salon.

« Tu sais tu n'étais pas obligée de te changer juste pour moi. Ma réaction ne se voulait pas être méchante.

- Qui te dis que c'est pour toi que je me suis changée ? Et dans un élan de maturité intense je lui tire la langue,

- Je vois que tu n'as pas changé Emma »

Toujours d'une humeur excellente, je me dirige dans la cuisine. Je suis la seule à ne pas avoir mangé. Je sens le regard des deux garçons sur moi pendant que j'engloutis mon petit-déjeuner et cela me gêne. Mais rien ne pouvant m'empêcher de me nourrir, je continu à avaler des montagnes de pain et de confiture.

Quand j'ai fini de me préparer, nous nous installons sur le canapé et démarrons une partie de jeu vidéo. Nous avons prévu de déjeuner dans un fast-food et d'aller directement au bowling après. La matinée se passe sans encombre et nous venons de sortir du fast-food. Le bowling se situe juste à côté. Pierre part payer la piste pendant que Stephen et moi prenons les chaussures.

Je sais que Stephen va perdre à peine cinq minutes après le début de la partie. Dès le premier lancé il arrive à faire atterrir la boule derrière lui. Il nous a pris la tête tout le reste de la partie, soi-disant que ce n'était pas du jeu et que c'était ses doigts qui avaient glissé de la boule. C'est donc Pierre qui est le grand vainqueur de notre journée.

Quand on rentre à la maison je remarque un changement dans le comportement de Stephen. Il paraît tout à coup renfermé sur lui-même. Lui qui est d'habitude très expressif n'a plus aucune expression sur le visage. Cela m'intrigue surtout que Pierre ne semble pas le remarquer.

Dix minutes après être arrivé, Pierre reçoit un appel. Il sort précipitamment de la maison tout en nous informant qu'il a une urgence et qu'il reviendrait tard ce soir. Je me retrouve seule avec Stephen qui me paraît toujours aussi étrange. Nos regards se croisent et un sentiment me traverse le corps, un sentiment d'inconnu. Je ne reconnais plus Stephen. J'ai l'impression d'avoir un étranger devant moi. Je n'arrive plus à dire ce qu'il ressent. Il est si sombre et distant que j'ai l'impression de l'avoir échangé. Pourtant il était normal aujourd'hui.

On monte dans ma chambre histoire de parler un peu. Il reste silencieux.

« Bon. Tu vas me dire ce qu'il se passe à la fin ! Je ne comprends plus rien moi. Je suis incapable de te reconnaître là. J'ai l'impression d'avoir un inconnu devant moi à la place de mon meilleur ami. Il s'est passé quelque chose pendant ton voyage ?

-Fais pas genre tu me connais Emma. Tu sais pas grand-chose de moi en fin de compte alors arrête de me dire que j'ai changé, tu ne sais même pas qui je suis de base.

Ses paroles me blessent énormément. Ce qui me fait le plus peur c'est qu'il le pense vraiment. Je ne vois pas une once de doute dans son expression.

-Pourquoi tu me dis ça ?

-Mais ouvre les yeux ! Tu t'énerves sur moi en me disant que tu ne me reconnais plus mais as-tu déjà essayé de me connaître tout simplement ? T'es-tu déjà demandé ce que moi je pensais de tout ça ? il se calme un peu, Et si moi je ne voulais plus être juste ton meilleur pote ? Tu y as déjà pensé à ça.

Il a l'air tellement triste.

Alors oui il s'est bien passé quelque chose pendant mon voyage. J'ai réalisé que je ne pouvais pas rester comme ça sans rien faire. Je peux plus te voir tous les jours et me dire qu'on est juste ami. Je n'en peux plus de cette situation, j'ai besoin de m'éloigner. »

Il sort sans rien rajouter, me laissant seule avec le poids de ces découvertes sur les épaules. J'avais peur de la suite. Mon meilleur ami venait de craquer sous mes yeux. Le problème était la fracture qui venait de se former entre nous deux. Si l'un tombe, l'autre aussi.

Pierre est revenu quelques heures après. Il m'a vu, en larmes, et il a recollé les morceaux. Du moins, il a fait ce qu'il a pu. Il a téléphoné à Stephen mais ça n'avait fait qu'empirer les choses. « Ne reviens plus jamais chez moi » lui avait dit Pierre après une heure d'engueulade au téléphone. C'était fini. Je ne reverrais plus jamais Stephen désormais.

OVER (Torturée Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant