Chapitre 34

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Le silence et la fraîcheur de mes quartiers m'accueillirent et je respirai un grand coup en admirant le décor. L'endroit était meublé avec confort : un grand lit, des couleurs chaleureuses allant du taupe au chocolat, un tapis moelleux au sol, et je m'empressai de jeter mon sac par terre, me laissant tomber sur le matelas. Je me sentais bizarre, ni mal ni bien, et étrangement vide. Ce qu'il me fallait, après tous ces événements précipités, c'était du repos et de la tranquillité.

Je fouillai dans ce que j'avais récupéré dans ma chambre, et tout en avalant avec une élégance proche du zéro de gros morceaux de sandwich arrosés de thé glacé – le menu le plus raffiné qui fut – je consultai mon portable. J'avais copié ma propre carte SIM afin de toujours pourvoir récupérer le contenu de mon téléphone si je venais à perdre l'autre. Je constatai sans grande surprise, qu'à l'exception d'Amanda qui m'avait bombardée d'appels et de messages vocaux le jour de ma disparition des laboratoires Bollart, nul n'avait tenté de me joindre. J'allai éteindre le portable lorsqu'il bipa, m'indiquant la réception d'un message. Posant le reste de mon sandwich dans sa barquette, je l'ouvris et lus les quelques mots expédiés par Allan.

Désolé pour ce soir, Marx m'a convoqué et affecté à sa surveillance. Je serai là demain.

Repose-toi.

Mon mentor étant spécialiste des SMS plus que concis et sans détails superflus, je soupirai et balançai mon téléphone sur la table de nuit, ayant renoncé à lui demander des précisions. J'aurais aimé qu'il vienne pour que je puisse lui parler de ce qui me rongeait, mais l'heure n'était pas aux enfantillages. Ma cervelle ultra-performante avait déjà mis au point une ébauche de stratégie et la toute première étape aurait lieu dès le lendemain.

« Maintenant, tu ne peux plus reculer, Luna... », chuchota une voix au fond de ma tête.

Et en effet, je ne le pouvais pas. Marx m'avait fait entrer dans l'arène, désormais, dans la fosse aux lions et la grille derrière moi s'était verrouillée. Je serrai les paupières, m'imprégnant de la seule image qui me ferait tenir et continuer jusqu'au bout : celle des personnes à l'intérieur de ces murs, et là, quelque part dehors, pour lesquelles j'avais décidé de devenir pleinement une GEN deux ans auparavant. C'était d'ailleurs assez paradoxal, car les raisons qui m'avaient poussée à embrasser une certaine part de monstruosité et à abandonner les restes de l'ancienne Luna étaient aussi les seules qui me permettaient de conserver un semblant d'humanité et de ne pas devenir une bête sauvage, aliénée par la perspective de la domination des miens.

Une fois mon repas terminé, je m'emparai de ma trousse de toilette et filai dans la salle de bain équipée d'une baignoire et d'une douche dernier cri, puis me glissai sous cette dernière, le jet d'eau brûlante allumé. Je me savonnai et me rinçai en vitesse et, impatiente de gagner mon lit, me lavai les dents d'une main pendant que l'autre démêlait mes cheveux trempés. Vêtue d'un bas de pyjama à carreaux verts et roses, et d'un débardeur blanc, je repassai dans l'autre partie de ma chambre. Alors que j'écartai les couvertures, on toqua à la porte et je me figeai, un juron au bord des lèvres.

- Luna, tu es là ? interrogea une voix masculine derrière le battant. Je peux entrer ?

Je retins mon souffle, peu encline à recevoir qui que ce fut, et ne fis plus un geste. Avec un peu de chance, mon visiteur inopportun croirait à mon absence et irai casser les pieds à quelqu'un d'autre. Je crus réussir en entendant piétiner l'autre sur place, comme s'il allait partir, mais il tapa de nouveau du poing.

- Je sais que tu es là, reprit la voix, moins assurée toutefois. S'il te plait, Luna.

Et merde. Je pestai sans retenue et allai ouvrir la porte d'un pas traînant, agacée.

GENESIS (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant