Chapitre 1 - Jour de gloire

221 33 20
                                    


Il était six heures du matin lorsque Mark se réveilla en sursaut. Il venait de voir la victoire d'Hitler aux élections dans son sommeil.

« Quel cauchemar !, se dit-il à lui-même d'un ton angoissé. »

Son chat qui miaulait toujours lui chatouillait le menton gracieusement. La neige avait laissé place à un soleil radieux qui envahissait la chambre. Les nuages dans le ciel prenaient des teintes rosées et violettes. Un fin brouillard se dissipait petit à petit.

Une excitation commençait à se répandre doucement à l'intérieur de Mark. Il demeurait heureux et tendu à la fois. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine sous l'effet de l'adrénaline. Il descendit l'escalier et alla dans sa cuisine. Il n'osa pas allumer la radio.

« Pourquoi la mettre en marche s'ils vont parler d'Hitler en boucle ? », déclara-t-il.

Il prit son café et se dirigea vers sa salle de bain.

Là, une immense armoire à pharmacie occupait l'ensemble du mur, remplie des médicaments par centaines. Une étrange odeur imprégnait les lieux. Mark n'aimait pas faire le ménage, sa vie de journaliste était beaucoup plus importante que cela. Dans le miroir, on y voyait à peine un reflet. Il s'habilla convenablement et sortit. Il alla dans son fauteuil et continua son roman qu'il avait entamé la veille. Ses lectures traitaient principalement de sociologie et d'ouvrages futuristes et visionnaires. C'était les seules choses qu'il aimait.

Onze heures venait de sonner, lorsque le téléphone sonna :

«-Mark que fais tu ? Nous sommes déjà prêts pour la manifestation ! Nous t'attendons !

-Mais ne m'avais-tu pas dit qu'elle devait avoir lieu vers midi ?

-Peu importe !, répondit son ami. »

A ce moment précis, Mark raccrocha, courut vers son placard, attrapa le premier manteau qui lui tomba sous la main et sortit. Dans les rues, les gens marchaient tranquillement vers la mairie pour aller voter, une seule personne avançait d'un pas pressé : Mark. Il ne voulait surtout pas avoir de retard. Ce moment, il l'attendait depuis des semaines. Son rêve d'inverser la tendance allait peut être se réaliser. Il passa sur la grande avenue arborée de la mairie lorsque la veille église sonna onze heures et demie. Il se mit carrément à courir. Les passants le regardaient d'un air étonné et se demandaient ce qui lui passait par la tête.

Il arriva au parc municipal, où la manifestation devait commencer. Une centaine d'habitants avait rejoint les deux amis. Les gens étaient venus en famille pour faire entendre leur voix. Ils avaient l'air décontracté mais sérieux en même temps. Le cortège devait partir en direction de la mairie vers midi. Mark avait retrouvé Karm, ils allaient être les premiers à s'élancer tout en tenant une immense banderole rouge.

Lorsque la cloche sonna midi, le cortège se mit en marche tout en criant : « Nein Hitler ! Ja in der Demokratie ! ¹». Les passants furent surpris, même dérangés par ce qu'ils voyaient. Peut-être étaient-ils d'un avis similaire ? L'immense banderole qui marquait la tête de la manifestation, tenue par Mark et Karm, indiquait clairement : « Geh Hitler und komm wieder nie ! ²». Le tout écrit en noir sur un fond rouge sang, qui donnait un ton dramatique à ce message.

L'avenue de la mairie se retrouva vite inondée de manifestants. Le bâtiment se trouvait maintenant a à peine deux cent mètres du cortège. Les partisans du parti Nazi qui était en nombre sur le parvis du bureau de vote, avait appelé la police. Une certaine tension se fit ressentir. Un duel entre le bien et le mal allait éclater. 

Mais tout à coup, un nazi s'avança et hurla : «Foncez sur eux ! Pas de Pitié ! ». Toutes les personnes se trouvant sur le parvis se mirent à courir vers l'immense banderole rouge.


Le défilé s'arrêta net. Mark et Karm étaient en première ligne et allait se faire littéralement abattre. Un troupeau d'Hommes allait les piétiner. De même, les manifestants se mirent aussi à courir et à foncer sur l'ennemi. Une bagarre éclata. Dans le ciel, d'épais nuages noirs s'amoncelaient. Les ténèbres allaient tomber sur le village.

Certains se frappaient, d'autres se poignardaient entre eux. Les femmes se battaient entre elles. Des corps jonchaient la chaussée. La foule semblait redevenir sauvage. Un éclair frappa la veille église qui prit feu. Mark eu une crise de panique, il était totalement perdu, ce jour qu'il attendait était devenu un jour de bataille. Soudain un homme le prit par le cou. Mark lui mordit la main et le frappa à l'entre-jambes. L'agresseur hurla de douleur et tomba à terre sur les pavés couverts de sang. Mark courut pour s'enfuir de ce piège mortel. Il avait totalement perdu le contrôle de son esprit.

La police arriva. Des dizaines de gens étaient déjà morts et écrasés. Les officiers attrapèrent tout ce qui bougea. Des personnes dénonçaient Mark et Karm comme responsables de la bagarre. La bataille reprit encore plus violemment. Les forces de l'ordre ne pouvaient plus rien faire si ce n'est qu'assister impuissants la scène tragique qui se déroulait sous leurs yeux.

Mark fut pris en chasse par un groupe de policiers qui l'avait repéré. Il prit ses jambes à son cou et s'échappa. Il parcourut des centaines de mètres avant d'apercevoir un fossé qui allait peut être lui sauver la vie. Il n'hésita pas une seule seconde. Il fit un brusque virage pour semer les assaillants. Puis sauta sans réfléchir dans le trou qui était entouré de buissons.

Il tomba sur quelque chose de dur. Quand il se retourna il vit Karm qui lui fit un signe de se taire. La police passa devant le buisson, sans s'apercevoir que Mark était caché derrière. Le ciel venait de sauver les deux amis. Peu de temps après, ils s'enlacèrent :

«-Dieu nous a épargnés aujourd'hui !, déclara Mark tout en levant les bras au ciel.

-On peut être fier d'être en vie maintenant, dit Karm au bord des larmes.

-Mais dis-moi, pourquoi devrions-nous rester à Brockendorf ? Il vaudrait mieux s'enfuir avant qu'Hitler arrive au pouvoir, c'est-à-dire dans quelques heures !

-D'accord, dit Karm d'un air apeuré, nous devons attendre le crépuscule pour pouvoir sortir d'ici... »

Ils restèrent là, comme deux vagabonds, en attendant la nuit. Dans le village, la folie s'était calmée. Des belles rues, il n'y avait que des tas de chairs humaines piétinées par une bagarre sans précédent. A la mairie, on pleurait tous les morts, on buvait pour la victoire d'Hitler, et on recherchait activement les deux auteurs de cette catastrophe.

Le ciel libéra toute sa colère, il tombait des cordes dans le crépuscule brumeux de ce lundi de janvier. Les éclairs étaient magnifiques sur l'horizon. Toute la pluie qui tombait, lava les pavés recouverts de sang.

Mark et Karm sortirent enfin de leur antre. Il devait être aux alentours de dix-huit heures. Le soleil venait de se coucher. Ils marchèrent rapidement et le visage masqué par leur écharpe. Les réverbères jetaient une lumière bleuâtre peu rassurante.


¹ Non à Hitler ! Oui à la démocratie ! / ² Dégage Hitler, et ne revient pas !  

Voilà, ce second chapitre est terminé, vous pouvez dès à présent lire le chapitre suivant. Et surtout, exprimez-vous ! Vous êtes de plus en plus nombreux à nous lire et nous suivre, Merci !

Rédigé par Quentin

Iseal - l'Histoire d'un passéKde žijí příběhy. Začni objevovat