Chapitre 38

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Je le savais. Je savais, depuis tout petit, que ma vie ne serait jamais facile et encore moins rose. Je savais que j'aurais des choses à faire, à accomplir. Je savais, qu'en traversant chaque tempête, une plus grosse m'attendait derrière. Je savais que je n'aurais jamais de chance et qu'un jour viendra où un mur se dressera devant moi. Un mur gigantesque, imposant, infranchissable. Je savais qu'un jour, ce mur serait ma fin. La fin de ma vie, la fin de mon parcours, qu'importe, je savais seulement que ça s'arrêterait là. Je l'avais compris, saisi et enregistré même. Je m'étais fait une raison.

Ce que je ne savais pas en revanche c'était la provenance de ce mur et encore moins pourquoi il serait là à tel moment de ma vie.

Je ne l'ai compris qu'après. Bien après tout ça.

J'ai compris que si ce mur était là ce n'était pas pour m'empêcher de passer, c'était seulement pour me protéger de quelque chose. De quelque chose d'encore plus gros. Quelque chose d'encore plus mauvais et d'encore plus néfaste que mes propres démons intérieurs.

Ce mur était là pour me protéger de moi-même.

Et ce n'est que trop tard, que je compris, que ce mur infranchissable, c'était toi : le défi de ma vie.

Sans le vouloir, sans savoir pourquoi, tu es entré dans ma vie comme on défonce une porte : avec tout ce que tu as, tout ce que tu es. Tu es entré et tout de suite, on s'est détesté. Parce que c'était comme ça, ça a toujours été comme ça. On se déteste plus que l'on ne s'aime. On se déteste du plus profond de notre âme et pourtant instinctivement, on sait que depuis le temps, on ne peut pas faire l'un sans l'autre. On a compris depuis longtemps que l'on serait coincé, sans doute à vie, avec l'autre ayant cette emprise sur nous-mêmes.

Alors on s'est aimé. On a commencé comme ça. On a fini comme ça. On s'est aimé de sorte à dépasser notre aversion pour l'autre. On s'est aimé au plus fort de nous-mêmes. On a tout donné à l'autre, pour l'autre. Absolument tout.

Jusqu'à nos vies elles-mêmes.

Ce n'était pas censé être comme ça ou du moins, c'est ce qu'on aimerait croire. Croire que l'on a encore le choix. Croire que notre libre arbitre nous appartient mais ça serait se mentir. Tout ce qui nous appartient est à l'autre. On fait en fonction de l'autre. On agit en fonction de l'autre. On réfléchit en fonction de l'autre. On aime et on déteste en fonction de l'autre.

C'est devenu une routine. Une habitude.
Et c'est parce qu'on est tombé dans cette routine, qu'on y a perdu des plumes. Toi plus que moi.

Ça a toujours été toi plus que moi. Je l'ai compris.

Et le jour où ce mur se brisera et volera en éclats, alors je serais là. Je serais là et je le soutiendrais. Aussi longtemps que je le pourrais.

Parce que t'aimer, c'était vouloir s'y perdre. Se perdre.
Tout comme on s'est perdus l'un et l'autre. L'un dans l'autre.


« - Kyle ? »

On m'appelle. J'entends mon nom là, quelque part. On m'appelle au loin. Où suis-je ?

« - Hum... »

C'était comme ressentir une grande et profondeur chaleur nous envahir. Comme si soudainement, je pouvais me sentir « bien », en sécurité. Apaisé. Étais-je mort ?

« - Réveille-toi mon chéri... »

La voix que j'entendais était si douce. Si mélodieuse. Mais au fond de moi, à chaque son, je me sentais étrange, triste. Nostalgique. Je connaissais cette voix. Je reconnaissais cette voix.

Hunters - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant