Quelque part de spécial

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Commentaire de l'auteur:
Bonne lecture

Un fier soleil printanier perçait un ciel bleu sans nuage. Il faisait bon, l’air sentait l’herbe, la vie. Je portais une robe turquoise issue de la dernière collection d’une grande maison de couture (comme l’avait fièrement précisé Alice) mais sa seule valeur à mes yeux fut la promesse d’une journée sans pareille.

Quand je vis son visage étincelant apparaître enfin, je fus soudain légère, débarrassée d’un accablant poids. Je me serais crue pousser des ailes. À peine m’eut-il souris que je bondis dans ses bras. Je cramponnai mes jambes autour de sa taille, encerclai son cou, serrai, serrai, de toutes mes forces. Il m'entoura de ses bras, inspira profondément comme pour se libérer de mon étreinte, rit.

- Ben! m’exaltai-je en me jetant sur ses lèvres.

Il me rendit mon violant baiser en y ajoutant davantage de fougue, d'empressement. Tout comme un besoin vital, il me fallait à tout prix assouvir l'envie de ses lèvres dans la seconde.

- Laisse-le respirer un peu! beugla Emmett, loin derrière nous.

- Fais-le taire ! demandai-je à l'oreille d'un Benjamin à bout de souffle.

Le bougre s'évapora avant même que la bourrasque menaçante de Benjamin ne l'éloigne. J’entendis les autres se moquer de lui.

- Je vais te faire morfler! me promit sa voix fantomatique.

Nous rîmes de lui, mais l'humour ne tarda pas à s'évaporer; l'envie mutuelle n'avait pas encore été pleinement apaisée. De longues minutes plus tard, je me résolus enfin à le libérer et il ne me laissa retrouver mes jambes qu'à contrecœur.

- Emmène-moi! me contentai-je d'exiger, emmène-moi quelque part de spécial! Et comme à chaque fois que je le priais de faire quelque chose, il s'exécuta.

L'endroit était bien plus que spécial, c'était magique, féerique. Des arbres gigantesques déployaient sur la clairière leur manteau d'ombre percé de lumineux éclats dorés, lorsque le soleil trouvait son chemin dans l'épaisseur touffue de leurs feuilles entremêlées. Des fleurs sauvages, à l'incroyable odeur brute et leur myriade de couleurs et de formes, aussi étonnantes qu'insolites, s’y répandaient à profusion. Et le tapis d'herbe, couleur de jade, semblait nous jurer que personne avant nous ne l'avait foulé de son pied. En nous asseyons, j’eus le sentiment profond que nous étions les premiers à le marquer de notre présence.

Nous parlâmes, longtemps, de tout et de rien. De lui. De moi. De la forme d'un nuage dans le ciel. Du lycée. Les sujets devenant petit à petit délirants et décalés. Si bien qu'on en arriva bientôt aux pharaons d'Egypte. On se demanda avec un sérieux très difficilement maîtrisé, s'il y avait un vampire assez vieux pour nous livrer le secret des pyramides. Nous rîmes de l'étrangeté de cette question.

- Un jour, je t'emmènerai voir les pyramides, me promit-il et je n'avais aucune raison de ne pas y croire dur comme fer. On ira là ou personne n'est jamais allé, on visitera des tombes que personne n'a jamais vu. On tiendra compagnie aux momies, elles nous diront peut-être si un vampire est passé par la récemment…

Tels des enfants, nous fumes pris d'un stupide, interminable fou rire. Et les pharaons nous amenèrent à parler de notre fin inéluctable à tous, de notre sort, de nos âmes. Quand je lui exposai l’avis d’Edward sur ces dernières, il en rit de bon cœur.

- Il est absurde, m’assura-il.

- Tu n’es pas d’accord ? Tu crois que nous avons le droit au paradis nous aussi ?

- Pour le paradis je n’en sais rien, mais il est absolument certain que nous sommes pourvus d’âmes, me confia-il, et si j’avais ne serait-ce que l’ombre d’un doute à propos de ça, je n’aurais qu’à plonger au fond de tes yeux.

Mon enfer au goût d'EdenWhere stories live. Discover now